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Un cabinet québécois a aidé les jeunes américains à voter!

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Camille Laurin-desjardins

2020-11-13 15:00:00

Le cabinet de Montréal s’est occupé du volet juridique d’une initiative pour démystifier le vote chez les jeunes Américains, dans le populaire jeu Minecraft. Entrevue. Hot!

Frédéric Letendre. Photos : Twitter et sites web de Yulex, Sid Lee et Rock The Vote
Frédéric Letendre. Photos : Twitter et sites web de Yulex, Sid Lee et Rock The Vote
Environ une semaine avant la journée des élections américaines, Rock The Vote, un organisme à but non lucratif américain qui se consacre au renforcement du pouvoir politique des jeunes, a lancé l’initiative « Build The Vote », avec l’agence montréalaise Sid Lee.

Dans le jeu vidéo Minecraft, les mineurs ou ceux qui s’apprêtaient à voter pour la première fois pouvaient apprivoiser les différentes étapes du vote aux États-Unis, et se prononcer sur dix sujets d’actualité : les réglementations en matière de port d’arme, l’accès aux soins de santé, la réforme de la justice criminelle, les changements climatiques, l’égalité raciale, le système d’éducation, l’immigration, l’emploi, les prêts étudiants et la lutte à la corruption.



Pour gérer tous les enjeux juridiques reliés à ce projet, Sid Lee a fait appel au petit cabinet Yulex (qui possède un bureau à Montréal et un autre à Bromont), fondé en 2015, qui se spécialise en droit national et international des affaires, en propriété intellectuelle et en droit des technologies.

Droit-inc a discuté de ce projet avec Frédéric Letendre, un des fondateurs et associés.

Droit-inc : Comment ce projet a-t-il débuté?

Frédéric Letendre : Au mois d'août dernier, Sid Lee nous a contactés pour nous parler de ce projet et ils cherchaient des avocats spécialisés en techno, en protection de données, en droit international... L'idée, ce n'était pas très clair au début, et ça s'est raffiné, ç'a vraiment été un ''work in progress''... On a bâti le projet ensemble; moi, dans les coulisses, et eux, évidemment, en première ligne.

Et en quoi ça consistait, cette initiative?

L'idée, c'était de travailler avec un organisme américain qui s'appelle Rock the vote. C'est un OBNL américain qui fait de la sensibilisation en matière de démocratie et de droit au vote. Ils sont très présents depuis plusieurs années aux États-Unis, pour sensibiliser la population, et les tranches de population qui vont moins voter.

Avec Sid Lee, ils ont créé l'initiative « Build The Vote ». Ils ont créé un serveur, un petit univers Minecraft, dans lequel les mineurs américains pouvaient aller dans un lieu de vote, une réplique d'un des bâtiments officiels où l’on peut voter aux États-Unis.

Le jeune rentrait sur le serveur, se rendait au bâtiment, s'inscrivait comme il le ferait dans un bureau de vote, et par la suite, il entrait dans l'isoloir. Il votait sur dix questions au coeur des élections américaines cette année... et qui sont des sujets assez permanents aux États-Unis. Et à la fin, il sortait de la salle et allait appuyer sur un bouton pour inscrire son vote.

Donc, au lieu de voter pour un candidat, on leur demandait de s'exprimer sur des enjeux précis...

Oui, et c'est important... En fait, c'est un des premiers points que j’ai soulevés. Ils voulaient simuler le vote américain, l'expérience du vote, qui est très particulière aux États-Unis, c'est très compliqué – dans certains États, on dirait qu'ils se font un devoir de rendre ça encore plus compliqué…!

L'idée, c'était d'aller voter, donc. Une de mes jobs, ç'a été de coordonner le tout avec leur avocat américain pour s'assurer que le travail des créatifs ici n'enfreignait pas la ou les lois sur les élections, aux États-Unis. Une initiative comme celle-ci se doit d'être non partisane. On ne pouvait pas, d'une façon ou d'une autre, voir les couleurs des partis, le nom des candidats, à quelque niveau que ce soit (sénateurs, représentants, présidents ou vice-président(e)s). Il fallait que ça soit totalement neutre. On a vraiment travaillé dans ce contexte-là pour que les questions soient les moins biaisées possible. Parce qu’une des conséquences, c'est que Rock The Vote aurait pu perdre son statut d'OBNL s'il avait été partisan... Évidemment, ce n'est pas souhaitable.

Par exemple : êtes-vous pour ou contre le port d'armes? Voici l’enjeu. Sans dire si c'est bon ou mauvais, si c'est plutôt républicain ou démocrate... Toi, comme individu, comment tu te sens par rapport à cette question-là? Et c'était super bien fait.

Un autre enjeu, c'est que l'objectif était d'aller chercher surtout des mineurs. Et même si les lois américaines sont moins sévères que les nôtres en matière de protection des renseignements personnels, il y a quand même un minimum de protection.

On était aussi très conscient de l'enjeu très particulier de cette élection-ci. C'était déjà, excusez-moi l'expression, un shit show avant les élections, là, c'est devenu un cirque d'absurdité... On ne voulait pas qu'un jeune puisse involontairement être pris à partie là-dedans.

D'ailleurs, on a dû arbitrer le contenu de certaines photos. L'agence voulait utiliser des photos de jeunes pour créer des avatars, et je leur ai déconseillé d'utiliser des photos de vraies personnes, pour ne pas qu'ultimement, qui que ce soit (voire les Républicains…!) puisse utiliser ça. On a fait super attention pour protéger les jeunes qui vont aller dans cet espace-là.

Avec l'équipe, on s’est assuré que les informations que Minecraft détient à l'égard de son utilisateur (comme sa date de naissance, son courriel, le nom de son avatar) ne puissent pas être transmises à Sid Lee ou à Rock the vote ou à qui que ce soit d'autre, sur le serveur de Build the vote. Il a fallu bâtir des murs entre les deux.

Tout ce que le système disait c'est : on a reconnu quelqu'un qui est un utilisateur. Il n'y avait pas de moyen de savoir si c'est un homme, une femme, son âge, sa religion... On ne détient aucune information.

Donc c'était l'essentiel de votre travail, baliser la protection des renseignements personnels?

Ç'a en a été une partie. L’autre, c’était de s'assurer qu'avec l'ensemble des renseignements de Minecraft et de Microsoft, on avait le droit de faire un serveur comme celui-là, qu'on avait le droit de rendre ce type de services et de communiquer avec les utilisateurs dans ce but.

Il fallait dessiner un carré de sable assez grand pour que tout le monde puisse s'amuser, mais que tout le monde connaisse les limites également.

Aussi, il y a dix influenceurs connus aux États-Unis qui ont participé à l’initiative. Ils ont créé un avatar pour chacun des influenceurs et il y a une bande-annonce faite avec les avatars et les voix des influenceurs. Il fallait donc s'assurer d'avoir les libérations de droits en conséquence.

Évidemment, c'était beaucoup de droit américain, mais comme l'agence est canadienne, il fallait quand même l'aiguiller... soit qu'on aille poser les questions pour elle auprès de l'avocat américain, soit qu’on conseille l’agence pour poser certaines questions ou certains actes avec son propre client, qui est Rock the vote.

Mais pourquoi avoir mandaté des avocats québécois pour s'occuper d'une initiative qui relève du droit américain?

C'est une excellente question, et après le premier appel, je me la suis posée aussi! Comme c'est un client canadien, ils nous ont appelés parce que c'est le genre de dossiers qu'on va faire sur une base régulière : technologies, plateformes, web…

On n'a donné aucune opinion en droit américain, mais on s'assurait d'aller chercher certaines réponses auprès d'un des avocats américains. Les gens de l'agence se sentaient plus confortables d'être accompagnés par des Canadiens pour faire ça.

On fait beaucoup de dossiers internationaux auprès de nos clients canadiens, et en général, les clients veulent être accompagnés par quelqu'un qu'ils connaissent, qui parle leur langue, qui est de la même culture, avec qui il a une relation facile... Et après, nous on fait la job poche d'avocat (rires)! On va aller gratter et se poser des questions pour laisser les créatifs faire leur job de créatifs.

On n’a pas fait ce projet-là à notre plein tarif, on a fait une contribution à la cause. Parce que c'est le genre de projets qui, au-delà des questions juridiques, nous touche.

On a des valeurs assez importantes chez Yulex, et je trouvais que dans le contexte américain actuel, c'était important de mettre notre petite pierre sur la maison de la démocratie aux États-Unis.

Et est-ce qu’on a les résultats du taux de participation?

Jusqu'à maintenant, la plateforme semble avoir très bien fonctionné. Rock The Vote devait divulguer les résultats du vote avant les élections, mais ils ne sont pas encore disponibles.

Je suis très curieux d'avoir les statistiques, de ce qui en a résulté... Un ''chat'' qui a récolté des commentaires, des trolls? Comment la communauté s'est comportée par rapport à cette initiative?

Et c'est le genre de projets que vous faites, chez Yulex?

Oui. J'aime dire qu'on fait du droit de l'innovation, c'est-à-dire une espèce de combinaison de droit des affaires, de propriété intellectuelle, de technologies... on est beaucoup dans les univers numériques, le ''manufacturing'' 4.0, les médias sociaux, les différentes plateformes, les applications...

Le web et le numérique n'ont presque plus de frontières. Dans ce contexte-là, on est partis d'un réseau qui s'appelle Interlegal, où on a 46 partenaires à travers le monde, 46 bureaux comme le nôtre, sur les 5 continents. En technologie et en innovation, souvent, les frontières du Québec sont trop petites et les applications ou les technologies qu'on va développer, ainsi que les solutions, dépassent largement nos frontières.

Notre clientèle, c'est de la PME innovante, 200 employés et moins, avec une forte composante internationale. On n’est pas tant en litige, on est beaucoup plus un bureau transactionnel.
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