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Un détective privé embauché par des Églises pour surveiller un juge

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Radio -canada

2021-07-13 09:38:00

Sept églises ont engagé un détective privé pour surveiller un juge en chef. Que s’est-il passé ?

Le juge en chef de la Cour du Banc de la Reine du Manitoba, Glenn Joyal. Photo : Radio-Canada
Le juge en chef de la Cour du Banc de la Reine du Manitoba, Glenn Joyal. Photo : Radio-Canada
Le juge en chef de la Cour du Banc de la Reine du Manitoba, Glenn Joyal, a affirmé avoir été suivi par un détective privé qui tentait de le surprendre à ne pas respecter les règles sanitaires relatives à la COVID-19 actuellement en vigueur.

Glenn Joyal a mentionné avoir été suivi lors d’une audience de la cour, lundi.

Dans une déclaration commune, l’Association du Barreau canadien et l’Association du Barreau du Manitoba ont dénoncé « sans réserve » le recours à un enquêteur privé contre le juge en chef de la Cour du Banc de la Reine du Manitoba.

Glenn Joyal préside à l’heure actuelle un procès intenté par sept Églises manitobaines qui contestent les restrictions sanitaires en place.

Lundi, il a affirmé, dans un premier temps, qu’il ne savait pas qui avait engagé le détective.

Les Églises s’excusent

Néanmoins, un peu plus tard, l’organisation représentant les sept institutions religieuses s’est excusée pour avoir recruté un détective privé dans le but de suivre le juge.

John Carpay, qui est le président du Centre juridique pour les libertés constitutionnelles et qui représente les sept Églises, a déclaré que son organisation avait engagé le détective afin de surveiller le juge qui préside le procès intenté par son organisation.

Il a déclaré au tribunal que l'organisation avait embauché des enquêteurs privés pour suivre un certain nombre de personnalités publiques partout au pays afin de les attraper en cas d'infraction aux règlements de santé publique.

Glenn Joyal a précisé avoir pris conscience qu’il était observé le 8 juillet. Un véhicule l’a, en effet, suivi après qu’il a quitté le tribunal, situé au cœur de Winnipeg, et conduit dans la ville.

Le détective l’a suivi jusque chez lui et a fait appel à un jeune garçon pour sonner chez lui afin de confirmer son adresse.

Une menace à l’intégrité

Pour l’Association du Barreau canadien et l’Association du Barreau du Manitoba, « le recours à un enquêteur privé, tel que décrit par le juge en chef Joyal, menace l’intégrité des procédures judiciaires, déconsidère l’administration de la justice et constitue une atteinte à son droit à la vie privée », indiquent-elles dans une déclaration commune.

« Il soulève en outre de graves problèmes de sécurité pour la magistrature, les auxiliaires de justice et le personnel judiciaire, ajoutent les associations. C’est particulièrement inquiétant que l’emplacement de la résidence et du chalet du juge en chef Joyal soit connu ».

Les associations ajoutent que ce type de comportement à l’encontre d’un juge « n’a en aucun moment sa place dans le déroulement d’un procès ».

La juge en chef de la Cour provinciale, Margaret Wiebe, indique pour sa part dans une déclaration qu’elle partage les préoccupations de Glenn Joyal.

« Le fait que n’importe quelle partie dans une procédure embauche un détective privé pour suivre un juge en chef, ou n’importe quel juge, dans le but d’obtenir de l’information pour les mettre dans l’embarras où les intimider de n’importe quelle manière, est choquant et constitue un affront à nos principes démocratiques et à l’administration de la justice », dit-elle.

Le ministre de la Justice du Manitoba, Cameron Friesen, a aussi fait valoir ses préoccupations.

« Notre gouvernement croit que personne ne devrait être dans une situation où il ne se sent pas en sécurité en faisant son travail », dit-il.

« Des situations similaires ont récemment été portées à la connaissance du premier ministre. Puisque ces affaires font actuellement l’objet d’enquêtes, je ne peux pas fournir davantage de commentaires », poursuit le ministre Friesen.

Lundi, lors d’une conférence de presse portant sur la COVID-19, le médecin hygiéniste en chef du Manitoba, Brent Roussin a déclaré qu’il ne savait pas s’il avait été épié par un détective privé, mais sa famille et lui, a-t-il ajouté, ont été la cible de nombreuses menaces pendant la pandémie.

Le Dr Roussin dit qu’il a même dû signaler à la police des activités suspectes autour de sa maison.

« On peut comprendre que cette pandémie a beaucoup nui aux Manitobains. Mais je crois qu’aucun d’entre nous ne peut penser que des menaces contre une personne ou sa famille soient acceptables », ajoute Brent Roussin.

Des actions qui « compromettent l’indépendance judiciaire »

Le professeur agrégé de la faculté de droit de l’Université du Manitoba, Gerald Heckman, croit que les actes présumés du Centre juridique pour les libertés constitutionnelles « compromettent l’indépendance judiciaire ».

« Tel que la Cour Suprême le soutient », personne de l'extérieur — que ce soit un gouvernement, un groupe de pression, un particulier ou même un autre juge — ne doit intervenir en fait, ou tenter d'intervenir, dans la façon dont un juge mène l'affaire et rend sa décision, souligne le professeur.

Il ajoute que les juges ont une responsabilité publique dans l'administration de la justice, notamment à travers les raisons qu’ils fournissent pour leurs décisions, et qu’ils « ne devraient pas être soumis à des actions qui pourraient être perçues comme de l’intimidation ».

Gerald Heckman note que les actions présumées dans cette affaire soulèvent des questions d’éthique professionnelle en ce qui concerne le comportement de l’avocat des sept Églises.

Le code de conduite de l’Association du Barreau du Manitoba affirme qu’un avocat ne peut pas tenter d’influencer la décision d’un tribunal ou des magistrats sauf par des « moyens de persuasion ouverts à titre d'avocat ».

« Une enquête complète et impartiale de toutes les autorités compétentes est nécessaire pour déterminer si des lois ou des obligations professionnelles ont été enfreintes », conclut-il.

La police de Winnipeg a été prévenue et une enquête est ouverte.

De son côté, Glenn Joyal a assuré que cet événement n'aura pas d’influence sur sa décision dans le procès qu’il préside, mais qu’il était impensable de ne pas le mentionner pendant l'audience à cause des implications potentielles liées à l’administration de la justice.


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