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Un criminaliste poursuivi par un ex-client

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Audrey Bonaque

2021-08-30 15:00:00

Un avocat en droit criminel est poursuivi par un ancien client qui a failli être expulsé du pays. Que s’est-il passé ?

L'avocat poursuivi est Me Yves Vaillancourt.
L'avocat poursuivi est Me Yves Vaillancourt.
Le demandeur Boris Vivian Djidjoho Takpa poursuit le Fonds d’assurance responsabilité professionnelle du Barreau du Québec et Me Yves Vaillancourt, à qui il reprochait d’avoir commis des fautes professionnelles.

Dans le cadre d’un précédent mandat, Me Vaillancourt a représenté M. Takpa dans des procédures criminelles où il faisait face à des accusations de leurre et de pornographie juvénile.

Son ancien client lui reproche aujourd’hui de « ne pas l’avoir conseillé adéquatement eu égard aux conséquences de son plaidoyer de culpabilité sur son statut en matière d’immigration, de ne pas avoir fait les vérifications d’usage en pareille matière, de ne pas avoir avisé le Tribunal de son statut contrairement aux enseignements clairs à cet effet de la Cour suprême du Canada (et) de la Cour d’appel du Québec ».

Il lui reproche aussi de ne pas avoir « recherché une atténuation de la peine minimale imposée, engageant de ce fait sa responsabilité professionnelle ».

M. Takpa demande un dédommagement total de 472 780 $ à la Cour supérieure du Québec.

Me Dominique Audet du cabinet DA Avocats représente le demandeur dans cette affaire.

Les faits

Cette affaire judiciaire a commencé en 2016, à la suite d’une plainte déposée par une mère au Service de police de Québec.

M. Takpa avait été accusé d’avoir échangé des photos et des vidéos à caractère sexuel avec une jeune fille sur les réseaux sociaux. Au moment des faits, le demandeur avait 18 ans et la fille avait 13 ans.

Après son arrestation, il a été remis en liberté avec la promesse de comparaître. En juin 2017, il a comparu devant la Cour du Québec pour avoir communiqué avec une personne de moins de 16 ans (soit une infraction de leurre) et de détenir de la pornographie juvénile. À ce moment-là, M. Takpa, originaire du Bénin, avait un statut de résident permanent.

Au courant du même mois, il a rencontré Me Vaillancourt quatre ou cinq fois. Celui-ci aurait omis de lui mentionner les conséquences graves des accusations criminelles sur son statut de résident permanent, allègue la poursuite..

« Me Vaillancourt n’a, en eu aucun temps, discuté avec lui des accusations portées en regard de la ''Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés'', mentionné l’impact des accusations initiales sur son statut de résident permanent, sur les conséquences découlant d’une condamnation (...) », est-il mentionné dans la demande introductive d’instance.

En octobre 2017, le demandeur a plaidé coupable pour le premier chef d’accusation après que Me Vaillancourt ait conclu une entente avec le procureur du Directeur des poursuites criminelles et pénales.

Le juge Christian Boulet, de la Cour du Québec, lui a imposé une peine de six mois de prison. Un mois plus tard, l’Agence des Services Frontaliers du Canada (ASFC) a remis un rapport constatant la possibilité d'interdiction de territoire car sous la ''Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés'', cette infraction est jugée comme une grande criminalité.

Me Hugues Langlais. Source : Site web du cabinet Me Hugues Langlais
Me Hugues Langlais. Source : Site web du cabinet Me Hugues Langlais
En janvier 2018, le demandeur comparaît seul devant la Section d’immigration de la Commission de l’Immigration et du statut de réfugié. Sa peine au criminel lui a fait perdre son droit d'appel, ce qui l’empêche de faire valoir des motifs humanitaires pour ne pas être renvoyé du Canada vers le Bénin.

Après avoir purgé les deux tiers de la peine et à sa libération, l'ASFC l’arrête et le remet en liberté sous conditions le même jour.

En mars 2018, il engage Me Hugues Langlais, avocat spécialisé en droit de l’immigration, pour l’aider dans ses démarches et procédures d’immigration.

Du droit criminel au droit de l’immigration

Entre mars 2018 et mai 2021, une saga administrative et judiciaire en matière d’immigration s'ensuit. Après la fin des procédures criminelles, les démarches en immigration ont été entamées rapidement, car le demandeur a été visé par une mesure de renvoi du territoire canadien.

Ainsi, M. Takpa a contesté cette décision devant la Section d’appel de l’immigration. Une demande de contrôle judiciaire a été également déposée devant la Cour fédérale.

En janvier 2021, le juge Carl Thibault de la Cour supérieure permet au demandeur « d'être relevé de son plaidoyer de culpabilité et de remettre les parties en état afin que le débat constitutionnel puisse se faire en toute équité ». Il a annulé « la déclaration de culpabilité prononcée » et « la peine imposée en octobre 2019 ».

Selon la demande déposée, le juge Thibault a écrit dans sa décision finale « que l’appelant n’a pas agi par stratégie, mais par manque de conseil de la part de son procureur de l’époque sur les conséquences indirectes d’un plaidoyer de culpabilité sur son statut de résident permanent ».

En février 2021, la juge Marie-Claude Gilbert de la Cour du Québec a retiré toutes les accusations criminelles portées contre M. Takpa.

En mai 2021, la Section d’Immigration a confirmé qu’il n’avait pas perdu son statut de résident permanent après avoir accepté la réouverture de son dossier.

Entre-temps, M. Takpa avait déjà envoyé une mise en demeure à Me Vaillancourt, avec l’aide de ses avocats. Toutefois, tel que mentionné dans la poursuite, le Fonds d’assurance du Barreau du Québec a nié toute responsabilité de Me Vaillancourt dans ce dossier en juin dernier.

Les parties n’ont pas souhaité faire de commentaires étant donné que le dossier est actif, incluant Me Vaillancourt, qui « a hâte de faire entendre sa version à la Cour », nous a-t-il écrit.
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