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Désertion chez Cain Lamarre

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Jean-francois Parent

2022-03-24 15:00:00

Un des bureaux régionaux de Cain Lamarre vient de perdre 20 % de ses avocats d’un seul coup, partis fonder un nouveau cabinet. Que s’est-il passé?

Mes Pierre Parent et Raphaël Tremblay. Source: LinkedIn
Mes Pierre Parent et Raphaël Tremblay. Source: LinkedIn
Coup de tonnerre dans le milieu juridique du Saguenay-Lac-St-Jean : huit avocats quittent Cain Lamarre à Saguenay, et lancent leur propre cabinet… situé à cinq minutes de marche de leur ancien bureau.

Ainsi, l’un des piliers du bureau régional, Me Pierre Parent (Barreau 2000), a passé l’essentiel de sa carrière, soit 22 ans, chez Cain Lamarre. Il en était l’un des associés. Avec son collègue le Barreau 2010 Me Raphaël Tremblay, qui a pratiqué près de 10 ans à cette enseigne, le duo vient de fonder Tremblay Parent avocats et avocates.

Le hic, c’est que six autres avocats en droit du travail et trois adjointes de Cain Lamarre ont décidé de plonger dans l’aventure avec leurs collègues : Mes Rachelle Gauthier (Barreau 2001), Marie-Claude Néron (2008), Arnaud Gosselin-Brisson (2012), Ariane Tremblay (2014), Zoé Dionne (2019) et Mélanie Tremblay-Hudon (2019) sont désormais inscrits au Barreau sous la bannière Tremblay Parent.

Le cabinet, spécialisé en droit du travail, s’est inscrit au Registraire des entreprises le 17 février dernier, et compte maintenant deux associés et neuf salariés. Outre les huit avocats, trois adjointes ont également quitté Cain Lamarre pour Tremblay Parent. Au total, c’est une équipe cumulant une centaine d’années d’expérience qui quitte.

Un choix entrepreneurial

Comment expliquer ce départ? Me Parent assure qu’il n’y a pas eu d'élément déclencheur. « Dans une structure intégrée comme Cain Lamarre, où nous nous sommes tous développés d’ailleurs, il y a des avantages, mais également des responsabilités. J’arrive à 45 ans, c’est là que j’étais rendu », explique Me Parent.

Tant lui que Me Tremblay souhaitaient pratiquer dans une structure axée uniquement sur le droit du travail. « Nous voulions un cabinet à notre image, centré sur notre équipe et notre expertise », ajoute Me Tremblay. La décision de fonder Tremblay Parent est survenue au mois de février, et c’est par la suite que les discussions ont été entamées avec les autres membres de l’équipe pour voir si certains allaient suivre.

L'annonce a été faite au cabinet le 7 mars dernier.

L’équipe est dotée d'une vaste expérience, poursuit Me Parent. « Nous avons l’expertise pour intervenir dans les dossiers sous le coup de la Loi sur les normes du travail et du Code canadien du travail, mais aussi en ressources humaines, en matière administrative et disciplinaire, et en Santé et sécurité au travail. »

Quel impact pour Cain Lamarre?

Cain Lamarre compte 228 avocats inscrits au Barreau du Québec, œuvrant dans 15 bureaux répartis dans la plupart des régions québécoises. Si le départ de huit de ses avocats, soit un peu plus de 3 % de son effectif, peut sembler minime dans l’absolu, il faut replacer la situation dans son contexte : au Saguenay-Lac-St-Jean, la bannière compte 4 bureaux à Saguenay, Alma, Roberval et Saint-Félicien, avec 39 avocats inscrits au Barreau.

À Saguenay, le bureau comptait 40 avocats jusqu’à tout récemment. Les huit départs ramènent donc ce nombre à 32, Cain Lamarre ayant ainsi perdu 20 % de sa force de frappe dans les dernières semaines, rue Racine Est.

Me Richard Bergeron. Source: Site web de Cain Lamarre
Me Richard Bergeron. Source: Site web de Cain Lamarre
Pratiquement toute l’équipe en droit du travail de Cain Lamarre au Saguenay-Lac-St-Jean qui a quitté. Et qui deviendra l’un de ses principaux concurrents.

Une analyse que Me Richard Bergeron, associé directeur régional de Cain Lamarre pour le Saguenay-Lac-St-jean, qualifie d’ « erronée ». « Le fait est que le groupe en Droit du travail reste important, avec 38 avocats, bientôt 40. Cain Lamarre a une structure intégrée, faisant en sorte que les mandats sont souvent réalisés sur une base globale plutôt que régionale. »

Il cautionne contre une analyse trop « régionale » de la situation. Ainsi, les clients de Cain Lamarre dans la région proviennent des quatre coins de la province, ou sont établis dans le coin et rayonnent à travers la province. Le pratique du droit change, les besoins des clients aussi, faisant en sorte que « l’importance d’une présence locale » est toute relative, explique Me Bergeron. « Nos adversaires sont chez Lavery, Langlois, RSS, par exemple, donc l’impact de ces départs sur notre environnement concurrentiel n’est pas si important qu’on pourrait le croire. »

Environnement concurrentiel

Dans une région qui compte quelque 350 avocats inscrits au Tableau de l’Ordre, l’arrivée d’un nouveau joueur change la donne du paysage juridique et commercial. En effet, on dénombre une quinzaine de cabinets d’avocats dans la région du Saguenay-Lac-St-Jean, répertoriés dans l’annuaire du Barreau.

De ce nombre, Simard Boivin Lemieux compte près d’une quarantaine d’avocats, à égalité avec Cain Lamarre. Gauthier Bédard en a une douzaine. Les plus petites études telles Justitia, Cantin Boulianne ou Fradette & LeBel en dénombrent environ une demi-douzaine chacune.

L’arrivée d’un nouveau joueur de huit avocats comme Tremblay Parent dans le paysage régional pourrait donc avoir un impact majeur sur l’offre de services juridiques. Et surtout, cela pourrait faire mal à Cain Lamarre, dans la mesure où les clients ont tendance à suivre leur avocat lorsqu’il déménage ses pénates.

Selon notre analyse, Tremblay Parent avocats et avocates se situerait donc d’emblée dans le top 5 des cabinets de la région. « C’est certain qu’on à une vision du développement qui nous amènera à croître, mais on n’a pas lancé le cabinet avec l’idée de notre positionnement dans la région région en tête », ajoute Me Parent.

Leur évaluation de la clientèle et de ses besoins, alors que le les entreprises, les PME, les sociétés publiques et parapubliques font rarement affaire avec un même bureau, les a amené à conclure que Tremblay Parent avocats et avocates avait sa place. « Et la réponse de notre clientèle va au-delà de nos espérances, plusieurs ont choisi de rester avec nous. »

Pas un désaveu

Ils refusent qu’on présente leur départ, et celui de leur équipe, comme un désaveu de Cain Lamarre. « On est conscients qu’il peut y avoir un impact sur le cabinet, et que ce mouvement semble gros dans l’absolu, mais le droit du travail se pratique davantage en vase clos par rapport au cabinet, on rencontre nos vis-à-vis syndicaux ou la partie adverse au palais de justice. C’est vraiment lié à notre dynamique d'équipe; on travaille ensemble, on développe les clients ensemble, on règle ensemble…. »

Il s’agira pour Tremblay Parent de profiter de la tendance qu’ont les entreprises et leur contentieux, dans ce coin de pays comme ailleurs, à privilégier de plus en plus les petits cabinets offrant des services plus personnalisés, et des prestations plus spécialisées. Le monde juridique prise de moins en moins les guichets uniques pour leurs besoins juridiques, au profit des petites boutiques.

S’il se désole de ces départs, Me Richard Bergeron estime que le fait que des avocats veuillent quitter une structure pour lancer une boutique n’est pas une situation « remarquable ». « Ça nous fait mal de voir des amis et des collègues qu’on a côtoyé longtemps nous quitter, mais on n’est pas ‘’à terre’’. Tous les services professionnels connaissent ce genre de défis, où la structure ne convient plus et certains la quittent. »

Mes Marie-Claude Néron et Rachelle Gauthier. Sources: Archives et LinkedIn
Mes Marie-Claude Néron et Rachelle Gauthier. Sources: Archives et LinkedIn
Les comptables, les ingénieurs et les avocats doivent affronter ce genre de situation: des équipes qui travaillent ensemble quittent de plus grandes structures pour fonder une boutique, offrant des services plus spécialisés. « On le voit en droit autochtone ou de la construction, ou encore en génie civil, alors que des boutiques émergent pour offrir des services précis. Chez les comptables, MNP, Mallette, RCGT sont passés par là aussi.

Après la perte de Me Marie-Douce Huard, l’une des étoiles du cabinet, le coup est particulièrement difficile pour Cain Lamarre. Me Huard, associée propriétaire du cabinet à Québec, a quitté en novembre dernier pour se joindre à Langlois.

Trop centralisé?

Selon ce que Droit-Inc a appris, le départ de l’équipe Droit du travail n’aurait pas été sans heurts. Les huit auraient quitté en raison notamment des différends avec les instances décisionnelles, alors que la gouvernance actuelle, perçue comme centralisatrice, priverait les antennes régionales de leur autonomie, et relèguerait l’entreprenariat et la gestion de proximité à l’arrière-plan.

La situation amène-t-elle Cain Lamarre à réfléchir sur sa gouvernance? « Nous sommes une entreprise en croissance, qui doit évoluer constamment, et qui doit se questionner sur la cohésion entre ses structures, la tarification horaire en fonction des particularités régionales. Mais de dire que cette situation nous force à réfléchir sur notre gouvernance serait exagéré », répond Me Bergeron.

L’équipe partie fonder Tremblay Parent avocats et avocates a fait un choix d’affaires, dit-il, et l’annonce de tant de départs a certainement mobilisé le cabinet pendant quelques jours, pour faire le point sur « qui reste, qui part, la gestion des accès, etc. Tout employeur qui se respecte doit voir s'il peut faire quelque chose pour garder les gens, c’est certain », poursuit Me Bergeron.

L’associée directrice nationale de Cain Lamarre, Me Gina Doucet, a donc passé la journée du 8 mars à Saguenay pour tenter de colmater la brèche, sans succès, selon Me Bergeron.

Mes Parent et Tremblay de leur côté, expliquent que leur décision était prise et qu’il n'ont pas voulu en discuter avec le cabinet. « On sait que notre équipe a été rencontrée, c’est normal, mais pour notre part nous voulions une structure plus souple et spécialisée. »
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2 commentaires

  1. ABC
    Ouch...!!
    Un bureau qui s'en va nulle part et qui n'écoute pas les voix de ses associés régionaux, c'est le résultat.
    Plusieurs parlent de cette problématique de gouvernance dans ce cabinet mais personne n'écoute réellement. Les départs vont continuer, surtout en région où le paysage juridique est assez différent de Montréal et Québec. Les jeunes associés de ce bureau et les ressources non associées devraient commencer à penser à des plans B au lieu d'écouter la cassette de Richard Bergeron. La situation n'était pas assez grave pour que Gina Doucet prenne la parole...

  2. Manioc
    Manioc
    il y a 2 ans
    Souffle
    Bonjour et si tout simplement pour Cain lamarre c'était une bonne chose ces départs.
    Si l'équipe s'en portait mieux, après tout peut être que l'ambiance globale est meilleure.
    Ce qui compte ce n'est pas ceux qui partent mais ceux qui restent. Je leur souhaite bonne continuation et je souhaite bonne route à ce nouveaux cabinet qui n'aura donc pas à partir de rien.

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