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La Cour suprême des États-Unis serait sur le point d’annuler le droit à l’avortement

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Radio -canada

2022-05-03 12:00:00

Le site d'informations Politico a obtenu l'avant-projet d'une décision majoritaire rédigée par le juge conservateur Samuel Alito…

La Cour suprême des États-Unis pourrait annuler l’arrêt Roe contre Wade, un jugement historique qui a légalisé l’avortement dans tout le pays en 1973, selon ce qu’a révélé le journal Politico, grâce à une violation étonnante de la confidentialité du processus de délibération des juges.

Samuel Alito nommé à la Cour suprême par l'ancien président George W. Bush en 2006. Source: Radio-Canada
Samuel Alito nommé à la Cour suprême par l'ancien président George W. Bush en 2006. Source: Radio-Canada

L'arrêt Roe c. Wade qui « était totalement infondé dès le début », peut-on lire dans le projet d’opinion rédigé par le juge conservateur Samuel Alito le 10 février et obtenu par Politico lundi.

« La conclusion inéluctable est que le droit à l'avortement n'est pas profondément enraciné dans l'histoire et les traditions de la Nation, selon lui. Il n'est protégé par aucune disposition de la Constitution. »

Si cette conclusion est retenue, l’avortement ne sera plus un droit protégé par le fédéral. Chaque État sera libre d'interdire ou d'autoriser l'avortement.

Selon Politico, qui cite une personne ayant connaissance des délibérations de la Cour, quatre autres juges conservateurs – Clarence Thomas, Neil Gorsuch, Brett Kavanaugh et Amy Coney Barrett – ont voté avec Samuel Alito.

« Le raisonnement de (Roe c. Wade) était exceptionnellement faible et la décision a eu des conséquences dommageables. Loin de provoquer un règlement national sur l'avortement, (elle) a enflammé le débat et approfondi la division », extrait du projet d'opinion de Samuel Alito.

Des sources de CNN ont révélé que le président de la Cour suprême, John Roberts, ne voulait pas annuler complètement Roe contre Wade, ce qui signifie qu’il aurait été en désaccord, au moins en partie, avec le projet de Samuel Alito, probablement avec les trois juges libéraux.

Il est important de souligner qu’il s’agit d’un projet d’opinion majoritaire. L’avis final n’a pas été écrit. Il devrait être publié avant le 30 juin et les votes ainsi que les termes utilisés peuvent changer d’ici là.

Pourquoi la Cour suprême examine-t-elle le droit à l’avortement?

Tout a commencé au Mississippi, en 2018, lorsque l’État a voulu interdire l’avortement après 15 semaines de grossesse.

La loi actuelle ne permet pas à un État d’interdire l’avortement avant 24 semaines, moment auquel le feotus pourrait survivre à l’extérieur de l’utérus.

L’affaire (Dobbs c. Jackson) s’est donc rendue en Cour suprême et c’est dans le cadre de son examen que celle-ci s’est penchée sur la protection fédérale du droit à l’avortement et que le juge Samuel Alito a soumis ce projet d’opinion.

Si le président de la cour, le juge John Roberts, ne veut pas annuler complètement Roe c. Wade, il ressort du document qu’il est cependant prêt à accepter la loi du Mississippi, ce qui constituerait un affaiblissement important du droit à l’avortement.

26 États certains ou susceptibles d’interdire le droit à l’avortement

La moitié des États américains interdiraient l’avortement ou seraient susceptibles de le faire si Roe c. Wade est annulé, selon l’Institut Guttmacher, un groupe de réflexion sur le droit à l’avortement.

Parmi ceux-ci, 21 États ont déjà des lois ou des amendements constitutionnels en place qui leur permettrait d’interdire l’avortement rapidement.

Cette année seulement, huit États ont pris des mesures visant à restreindre le droit à l’avortement, anticipant une décision annulant Roe c. Wade. L’Oklahoma, par exemple, a adopté plusieurs projets de loi récemment, dont un qui entrera en vigueur cet été et qui fait de l’avortement un crime. Il ne prévoit aucune exception pour le viol ou l’inceste, mais seulement lorsque la vie de la mère est en danger.

En avril 2022, il existait 536 restrictions à l’avortement à travers 42 États.

Parallèlement, 16 États et le District de Columbia ont protégé l'accès à l'avortement dans leur législation.

Des États à tendance démocrate ont même élargi l'accès à la procédure. La Californie, par exemple, a adopté une loi rendant la procédure moins coûteuse et envisage d'autres projets de loi pour se faire un « sanctuaire de l'avortement » pour les Américaines si Roe c. Wade est annulé.

Le portrait d’une société fondamentalement divisée

Des centaines de personnes se sont réunies spontanément lundi soir devant la Cour suprême à Washington après la fuite de Politico. Certains, des défenseurs qui scandaient « Mon corps, mon choix », mais d’autres venaient plutôt se réjouir de la possible annulation de Roe c. Wade.

Dans la foule, Abby Korb, étudiante de 23 ans et assistante parlementaire, a confié à l'AFP être « littéralement en état de choc ». Pour elle, « rendre les avortements illégaux ne va pas y mettre fin, cela va juste les rendre plus dangereux ».

Claire Rowan, 55 ans, mère de sept enfants venue avec certains d'entre eux, n'a pas caché son enthousiasme. Elle espère que les gens « demanderont pardon à Dieu » pour que les États-Unis puissent « guérir ».

Cependant, selon un sondage effectué par CNN en janvier, une majorité d’Américains s’opposent à l’annulation complète de Roe c. Wade (69 %).

Tout aussi divisée, la classe politique a réagi

Plusieurs élus démocrates ont estimé qu'il confirmait l'urgence de graver le droit à l'avortement dans la loi. « Nous devons protéger le droit à choisir et inscrire Roe c. Wade dans la loi », a tweeté la sénatrice démocrate Amy Klobuchar.

Une proposition en ce sens a été adoptée par les représentants, mais est enlisée au Sénat à cause de la féroce opposition des républicains.

La décision « constituerait une abomination, l'une des pires et des plus dommageables de l'histoire moderne », ont estimé dans un communiqué conjoint la présidente de la Chambre des représentants, Nancy Pelosi, et le chef des sénateurs démocrates, Chuck Schumer.

« Si ces informations sont justes, la Cour suprême est prête à infliger la plus forte restriction des droits des cinquante dernières années – pas seulement aux femmes, mais à tous les Américains », indique une déclaration commune des démocrates Nancy Pelosi et Chuck Schumer.

« Soyons clairs : c'est un avant-projet. Il est scandaleux, sans précédent mais pas final : l'avortement reste votre droit et est encore légal », a tweeté l'organisation Planned Parenthood qui gère de nombreuses cliniques pratiquant des avortements.

Des républicains ont au contraire salué une victoire très attendue. « C'est la meilleure et la plus importante nouvelle de notre vie », a commenté la représentante Marjorie Taylor Green. Son confrère Josh Hawley, sénateur au Missouri, a appelé la Cour à publier dès maintenant son arrêt.

L’annulation de Roe c. Wade serait effectivement la culmination d’un projet de plusieurs
décennies de l’aile conservatrice des républicains.
Durant la campagne électorale de 2016, Donald Trump avait d’ailleurs promis qu’il ne nommerait que des juges qui annuleraient « automatiquement » Roe c. Wade à la Cour suprême. Durant son mandat, il y a fait entrer trois magistrats, confortant sa majorité conservatrice (six juges sur neuf).

Une violation extrêmement rare du secret de la Cour suprême

Quel que soit le résultat, le rapport du journal Politico représente une violation extrêmement rare du processus de délibération secret de la cour, et sur une affaire d'une importance capitale.

« Nous n’avons jamais vu une telle fuite sur ce qui se passe à l’intérieur de la Cour suprême, a expliqué à CNN Steve Vladeck, professeur à la faculté de droit de l’Université du Texas. Nous n’entendons pas seulement quel sera le résultat, mais nous voyons à l’avance le projet d’opinion majoritaire. C’est un tremblement de terre. »

Politico assure avoir authentifié le document de 98 pages reçu d'une personne familière avec la procédure de la Cour dans l'affaire Dobbs c. Jackson.

Pour l’instant, aucun autre média n’a été en mesure d’en faire autant. Il semble toutefois légitime à certains partisans de la cour. L'avocat vétéran de la Cour suprême Neal Katyal, qui a travaillé comme greffier du juge Stephen Breyer et a donc été en mesure de voir des brouillons, a écrit sur Twitter : « Il y a beaucoup de signaux que l'opinion est légitime. La longueur et la profondeur de l'analyse seraient très difficiles à simuler. Il dit qu'il est écrit par le juge Alito et sonne définitivement comme lui. »

Les représentants de la Cour suprême des États-Unis ont pour l’instant refusé de commenter la nouvelle à tout média.

La Maison-Blanche n'a quant à elle pas encore réagi à la nouvelle.
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4 commentaires

  1. Anonyme
    Anonyme
    il y a un an
    Mauvais titre
    Annulation de la protection constitutionnelle fédérale du droit à l'avortement, et non pas annulation du droit à l'avortement.

    Chaque état sera libre d'interdire (ou pas) l'avortement, et la Californie a même annoncé qu'elle implanterait un droit à l'avortement dans sa constitution. Ansi, les américaine désireuses d'assassiner l'enfant qu'elles portent pourront donc aller en Californie.

    • Anonyme
      Anonyme
      il y a un an
      Quel enfant ?
      93 % des avortements aux É-U se font à 13 semaines de gestation ou moins, donc on parle d'un fétus qui, au maximum, pèse 25 g et qui n'est pas plus grand qu'une pêche. Ça n'est pas un enfant. C'est un projet. Si la femme ne le désire pas, il ne mérite pas plus une place dans son corps qu'un tumeur.

    • Pirlouit
      Pirlouit
      il y a un an
      Incohérent
      Donc selon vous à 13 semaines ou moins c'est une tumeur, à 13 semaines plus un jour c'est un enfant dont on ne peut plus se débarasser.

    • Anonyme
      Anonyme
      il y a un an
      https://yourlogicalfallacyis.com/strawman
      Non. Selon moi, au moins 93 % du temps, on avorte un amas qui n'est pas un enfant, ce qui ne veut pas forcément dire que l'autre 7 % du temps, ce sont tous forcément des enfants.

      Personnellement, je vois un enfant à partir de la 23e semaine de grossesse, ce qui ne veut pas forcément dire que tous les avortements après ce moment doivent être interdits.

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