Être un bon leader : les conseils d’une associée-directrice
Camille Dufétel
2023-06-28 15:00:00
Droit-Inc lui a demandé ce qui faisait la force de ce rôle dans un cabinet d’avocats, les responsabilités liées à ce poste, les qualités à avoir, les enjeux à surveiller…
De manière générale, à quoi doit veiller un bon associé-directeur dans son cabinet ?
À mon avis, pour diriger une firme de professionnels, ça prend quelqu’un qui aime son cabinet et ses associés, et qui veut les servir. Être un associé-directeur, surtout dans le contexte juridique d’un cabinet privé, c’est avant tout quelqu’un qui supporte ses équipes. C’est très différent d’un poste de direction dans une compagnie, d’un CEO et autre.
On est là pour appuyer, pour valoriser, et surtout pour faire preuve de bienveillance. Dans une firme de services professionnels, la bienveillance est fondamentale, on doit prendre soin de notre monde, de nos associés, mais aussi de nos jeunes, de la relève, de nos adjoints et parajuristes. Il faut valoriser les talents, surtout depuis la pandémie, dans un contexte de pénurie de main-d’œuvre…
On doit veiller aux enjeux de diversité, de santé mentale, appuyer notre transmission de connaissances et accompagner nos avocats dans tous les cycles de vie, de la Course aux stages aux premières années des jeunes associés, avec un système de mentorat… Et s’assurer que ceux qui veulent devenir associés puissent suivre ce cheminement et avoir de l’appui.
Nos avocats deviennent ensuite des associés qui ont du succès, qui créent de la valeur et redonnent, jusqu’à ce qu’on les accompagne pour la retraite. Là, on doit s’assurer d’une transmission des connaissances et des dossiers des clients vers les plus jeunes.
Le rôle de l’associé-directeur est donc de s’assurer qu’on soit le plus optimal, qu’on ait les bons processus et les bonnes valeurs, à toutes les étapes du cycle de vie d’un avocat en cabinet privé.
Il y a par ailleurs les enjeux de santé mentale dont j’ai parlé tantôt, mais aussi de télétravail, de pression, de qualité de vie, de conciliation travail-famille, qui préoccupent tous les associés-directeurs de tous les cabinets. C’est un gros morceau de la fonction.
Un autre morceau essentiel est toute la connaissance du marché. La vision de développement des affaires, de la relation avec les clients… C’est aussi une participation active tant dans la communauté d’affaires, auprès des clients, qu’au niveau des relations médias… S’assurer du rayonnement du cabinet est quelque chose qui doit animer l’associé directeur. Et je parle du rayonnement de tous les membres de l’équipe.
Le dernier point, c’est la notion de résilience. Avoir une résilience économique à travers les différents cycles, une compréhension des échelles du marché sur les besoins juridiques… et s’assurer qu’il y ait une vision de pérennité.
On peut être très performant l’espace d’un trimestre, ou d’une année, mais moi ce que je me suis toujours donné comme mandat, c’est de laisser à mon départ un bureau plus fort, avec des valeurs fortes, avec une relève et une culture d’entreprise qui lui permettent de passer à travers les différents cycles économiques.
Avez-vous toujours rêvé de devenir associée-directrice ?
Je ne pense pas qu’on rêve de devenir associé-directeur, je pense que ça devient une question de leadership, de compétence de gestion, et de volonté de sacrifier des heures, ses propres dossiers, sa vie privée, familiale, au bénéfice de ses associés.
Dans mon cas, ce sont les associés au bureau de Québec qui m’ont offert de prendre la fonction. Je l’ai pris comme une immense marque de confiance. J’ai accepté en me disant que je devais être à la hauteur de cette marque de confiance. Je n’y avais pas pensé avant, c’est vraiment l’opportunité qui s’est présentée.
Mais est-ce que tout le monde est fait pour avoir ce poste ? Ça prend quels types de qualités, de compétences ?
Ça prend une bonne compréhension du rôle de l’avocat en pratique privée, et du développement des affaires. Il faut comprendre son produit, son marché, et les avocats qu’on représente. Quelqu’un qui est déconnecté de son bureau va avoir beaucoup de difficultés à être un bon leader.
Un autre point, je pense que ça prend des compétences en gestion de ressources humaines, en gestion de talents et de valorisation des équipes. Je reviens sur la question de la bienveillance. Peut-être qu’à une époque, ce n’était pas une qualité essentielle, de façon générale même en dehors de la sphère juridique. Mais désormais, c’est au cœur du leadership de tout associé-directeur.
Il faut avoir de la curiosité intellectuelle et aussi de l’humilité, parce qu’on n’a pas de formation pour devenir associé-directeur. C’est quelque chose qui se développe par intérêt, et il faut avoir cette humilité d’aller chercher des conseils, de trouver des mentors, de suivre des formations ci et là… Et de bien comprendre le fonctionnement de l’organisation.
Il faut aussi bien savoir s’entourer. On s’entoure aussi d’une direction très forte pour nous appuyer là-dedans.
À quoi ressemble le quotidien d’une associée-directrice ?
C’est extrêmement intense et varié. Ça va de discuter de développement d’affaires en représentant le cabinet auprès de chambres de commerce, dans des conférences ou autre, à une gestion quotidienne des ressources.
Je rencontre la directrice des ressources humaines, l’équipe du support, j’ai aussi des rencontres avec les équipes de technologie, les chefs de secteur… Pour savoir par exemple quels sont les enjeux du groupe litige, s’il y a une embauche à faire, un départ, un congé de maternité, un nouveau système informatique…
Il y a beaucoup de rencontres où on réunit des associés pour leur faire des comptes-rendus… On écoute les demandes, les ajustements… Je mets aussi beaucoup de temps sur le comité WiN, Women in Norton Rose Fulbright, à propos des aspects de diversité et d’inclusion, surtout au féminin.
Donc mon quotidien va de la discussion à côté de la machine à café pour un enjeu, une complexité, un conflit d’intérêts, un dossier qui va mal, une victoire… à une vision à plus long terme avec la direction pancanadienne sur les grandes stratégies et les nouvelles politiques. Il faut être capable de jongler avec les deux.
Qu’a changé la pandémie dans votre rôle ? Que remarquez-vous, que vous n’auriez pas soulevé si nous avions réalisé cette entrevue avant 2020 ?
Vous avez raison, il y a une réalité avant la pandémie, et une autre après. Au niveau des enjeux de santé mentale, de la détresse, de l’anxiété, c’est quelque chose qui est devenu beaucoup plus réel.
Face à la surcharge des avocats, le manque de ressources, la pression considérant le contexte économique, il faut qu’on développe des qualités de support, d’écoute, d’appui et de recherche de solutions rapides.
Aussi, il y a le contexte de travail hybride. Avant, on arrivait dans le bureau de quelqu’un pour passer un message, boire un café, gérer une situation. C’était plus facile d’avoir le pouls de ce qu’il se passe.
J’ai la chance au bureau de Québec de voir que la majorité des avocats sont de retour, ils sont là plus de trois à quatre jours par semaine, donc je retrouve un peu cet accès-là, cette capacité à sentir mes équipes.
Mais c’est sûr que derrière un écran, quand on perd ce qu’il se passe, on est un moins bon gestionnaire. Il faut développer des stratégies pour obtenir l’information, réunir les équipes, prendre un café virtuel… Comme vous le voyez, les cabinets organisent des activités à tous les égards pour ramener les gens.
Cette façon d’innover avec la nouvelle réalité du marché est fondamentale, sinon ça fait plein d’angles morts et de situations où on ne voit pas venir les enjeux.
Quel premier conseil donneriez-vous à une associée-directrice ou un associé-directeur qui entre tout juste en poste ?
De prendre le temps de rencontrer chaque membre de l’équipe, d’écouter, de comprendre qui il ou elle gère, quelles sont les priorités de chacun, leurs préoccupations, leurs forces et leurs faiblesses.
Il faut le faire individuellement. La réalité des avocats de litige peut être très différente de celle de l’équipe de propriété intellectuelle. Tant qu’on ne comprend pas notre équipe et qu’on ne saisit pas ses frustrations et ses préoccupations, je trouve ça un peu prétentieux de penser qu’on peut la diriger ou la guider adéquatement.
Je l’avais fait à l’époque. Une fois qu’on l’a fait, il faut recommencer d’année en année… Et voir où en est rendue la personne dans son propre cheminement.
A
il y a un anLa qualité principale recherchée chez un managing partner est ne pas trop aimer (et ne pas exceller dans) la pratique du droit.
Anonyme
il y a un anPréférer la gestion à la pratique du droit.