Cinéma

Séance ciné : (im)pudeurs

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Céline Gobert

2012-08-24 17:00:00

Dans Les Infidèles et Camion, les deux films critiqués cette semaine, les hommes se débattent comme ils peuvent entre mots et mensonges, tragédie et comédie…
C comme (dé)Culotté

Pour les avocats qui trompent leurs femmes

C’est un film de potes. Un film à sketches. Projet initié par Gilles Lellouche et Jean Dujardin, et réalisé tour à tour par Fred Cavayé, Emmanuelle Bercot, Alexandre Courtès, Eric Lartigau ou encore Michel Hazanavicius.

Les deux acteurs/réalisateurs, entourés de Guillaume Canet, Géraldine Nakache, Alexandra Lamy, Isabelle Nanty, Sandrine Kimberlain ou encore Manu Payet à l’interprétation, offrent dans cet ovni culotté une succession de mini films articulés autour de l’infidélité masculine.

Ou comment des mecs d’aujourd’hui mentent effrontément à leurs femmes, s’entichent de gamines, cherchent à tout prix- et quels qu’en soient les moyens- frissons des adultères et coups d’un soir.

Sur le papier, et en apparence, le ton se veut comique, potache, quelque part entre les virées entre hommes des Very bad trip, et les parenthèses puériles des frères Farelly.

La vérité est toute autre : à mesure que la pellicule déroule les lâchetés et déviances masculines, s’installe un malaise durable. Finalement, qu’il soit paumé, loser, bourgeois, l’homme est un gros dégueulasse.

De ce déballage décomplexé, parsemé de touches trash qui ne cachent rien d’autre qu’un immense pied de nez à la censure et au politiquement correct, Les Infidèles tire des portraits de couples et des études de caractères bien plus fines qu’elles en ont l’air.

Bien qu’elles puissent être visionnées indépendamment, les saynètes, ont pour fil conducteur un même cynisme osé, formant au final un tout nouveau genre d’anti comédie romantique qui regarde sans sourciller les hommes dans les yeux.

Le résultat est dérangeant, transforme les rires en grincements de dents, oscille entre noirceur et drôlerie, hilarité et désespoir. Et, jusqu’au final, joyeux joyau d’auto dérision et paroxysme d’humour noir, on y rit pour mieux échapper au tragique.

C comme Camion

Pour les avocats (émotionnellement) pudiques

Deux carrosseries qui s’entrechoquent, deux vies qui se percutent, un seul survivant : Germain, gars sans histoire, québécois peu causant.

Une tragique introduction, qui ouvre le film au cœur même de la mort (la conductrice qui percute le camion de Germain décède des suites de l’accident).

Pourtant, Camion n’est rien d’autre qu’un long voyage de rédemption; un souffle coupé, une existence sur stop, qui revient à la vie.

Car, grâce à ses deux fils, Samuel (Patrice Dubois) et Alain (Stéphane Breton), le veuf (Julien Poulin, d’une belle sobriété) va peu à peu sortir du tunnel dans lequel le drame l’avait plongé.

Auréolé du prix de la meilleure réalisation et du prix du jury œcuménique à Karlory Vary, en République tchèque, Camion s’impose comme une œuvre doublement sensible, forme et fond confondus.

Pour filmer ces instants de flottements, cette dépression latente, ces liens pères/fils complexes, Rafaël Ouellet joue la carte de la pudeur : économie de mots d’un côté, plans-tableaux de l’autre, il mise tout sur la suggestion, en tenant l’émotion à distance.

Pourtant, tout y est dit. Mieux dit, même.

Des chagrins du passé comme autant de fantômes (l’absence de la mère, si peu dite mais omniprésente) aux valeurs véritables : la nature, la famille, l’attachement à la terre. Pas étonnant que la famille du trio masculin du film se nomme Racine.

Le cinéaste- lentement, patiemment et sur de formidables compositions signées Viviane Audet et Robin-Joël Cool – fait de ses instantanés de vie (un morceau de musique que l’on partage, un travail répétitif que l’on subit) une fresque minimaliste pleine de retenue et de justesse.

Camion est un film d’homme, sur des hommes, qui s’attachent à d’autres hommes. Forcément, il ne s’inscrit jamais dans le débordement lacrymal gênant. Et c’est là assurément qu’il en tire tout son charme.
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