Séance ciné : parenthèse masculine

Céline Gobert
2012-08-10 17:00:00

C’est indéniable, et ce malgré tout ce que l’on a à redire sur son Killer Joe, Friedkin septuagénaire n’a rien perdu de son mordant.
Après l’une des plus cruelles (et métaphoriques) parenthèses qui soient sur l’amour vorace (Bug), il revient sur le devant de la scène avec cette oeuvre subversive, histoire cradingue prétexte à une charge explosive à l’encontre de la famille.
Au départ : des personnages un peu minables, bêtes, pauvres et sans scrupule. D’un côté, un fils et un père (Emile Hirsch et Thomas Haden Church) capables de tuer la mère pour récupérer le montant de l’assurance-vie ; de l’autre, un flic et tueur à gages, corrompu et malsain à souhait (incroyable, Matthew McConaughey) qui exige une ado de douze ans (interprétée par la majeure Juno Temple) en monnaie d’échange.
Personne n’est à sauver sur cette scène misanthrope, même pas les figures féminines, vénales ou paumées. Friedkin, derrière l’humour noir qu’il déverse comme un venin, ne rigole pas. Son film est d’une méchanceté vicieuse et insuffle, en crescendo, un malaise durable.
Pourtant, il y a dans ce Killer Joe ce qu’il n’y avait pas dans les précédents films de Friedkin. Des longueurs et de la provoc’ facile.
Hormis quelques secondes finales, en feu d’artifice pervers, Killer Joe se la coule douce et étouffe dans des préliminaires trop longuets, la tension qu’il souhaite installer.
En outre, malgré une mise en scène soignée qui annonce d’emblée la couleur (noir corbeau), la frontière entre gêne intelligente et mauvais goût embarrassant est souvent trop mince.
Certaines séquences vont trop loin (on pense à la séquence du poulet, déjà culte) transformant l’inconfort moral en potache visqueux. Ce qui, in fine, n’apporte que peu de valeur ajoutée au propos initial.
F comme Futur

Avec ses 200 millions de dollars de budget et sa sortie estivale, le remake du Total Recall de Verhoeven, sorti au tout début des années 90, n’a plus grand-chose à voir avec l’original.
Plus proche de la nouvelle de Philip K. Dick, mais moins désireux de faire de l’ensemble un instantané culte SF, Len Wiseman mise tout sur l’efficacité. Pas étonnant pour celui qui a signé la saga musclée d’Underworld et le quatrième volet de Die Hard.
Son seul mot d’ordre ? L’action. L’action. L’action. Au détriment de tout le reste.
Pourtant, il y avait de quoi, surtout au vu du budget, de faire de ce rappel Total Recall, un monument de cinéma et/ou un cocktail détonnant de thématiques SF, problématiques contemporaines (le nucléaire), et références cinématographiques. Il n’en est rien.
Wiseman raye toute subtilité de son cahier des charges et signe un immense tour de manège, tout public, bruyant, mené à toute vitesse sans véritable profondeur ni désir d’élévation. C’est du produit mâché, tout prêt, tout calibré, pour contenter l’amateur de blockbuster de base.
L’histoire, elle, reste sensiblement la même si ce n’est que le héros ne mettra jamais les pieds sur Mars. Il y est toujours question d’implantation de souvenirs, de traques effrénées dans un futur urbain, sale et menaçant, de résistance, et de lutte des classes.
Mais tout y est esquissé, survolé, bâclé.
Mettre l’accent sur l’ambigüité de la situation du héros ? (rêve ou réalité ?), soigner les seconds rôles?, insuffler du caractère et de la personnalité au rendu final ? Wiseman a d’autres préoccupations.
Il préfère filmer la cavale dans ce qu’elle a de plus basique que de s’essayer à toute brutalité (ce que faisait Verhoeven en revanche), réduire ses personnages à des figures figées, singer tout ce que l’on a déjà vu ailleurs, et en mieux (Minority Report, Blade Runner ou Matrix).

Bonus
Pour les avocat(e)s qui n’arrivent pas à penser à autre chose qu’aux élections
Vous pouvez toujours vous rabattre sur La Campagne, comédie électorale avec Will Ferrell où s’affrontent deux hommes pour être élus au Congrès américain de leur comté de Caroline du Nord.
Qui sait ? Cela donnera peut-être des idées à certains…