Le jour où un associé est tombé… et a tout fait basculer

Sophie Ginoux
2025-06-11 14:15:34

Transportons-nous dans un cabinet fictif, constitué de trois ou quatre associés, peu importe. Les affaires roulent bien, avec un portefeuille de clients bien garni, des dossiers menés rondement et de belles perspectives de croissance.
Tout à coup, c’est le choc : un des associés devient invalide ou meurt. La panique s’empare du cabinet. Comment conserver ses clients ? Comment gérer la transition ? Et surtout, comment évaluer et racheter ses parts, si on n’a pas prévu les liquidités nécessaires ?
De plus, comme si la situation n’était pas assez compliquée comme ça, voilà que la conjointe et les enfants du défunt, héritiers de ces parts, débarquent au bureau afin de récupérer leur dû. Ou pis encore, pour combler le rôle d’associé désormais vacant !
Cette scène d’horreur, aucun cabinet ne veut la vivre. « Pourtant, un certain nombre d’entre eux, notamment ceux de plus petite dimension, pourraient y être confrontés s’ils ne prennent pas les dispositions nécessaires pour se protéger et assurer la continuité de leur entreprise », avance Nathalie Martel, conseillère pour la Financière des avocates et des avocats.
L’incontournable convention d’actionnaires
Une convention d’actionnaires est, selon l’experte, une base dont tout cabinet devrait se doter pour gérer adéquatement les risques liés au statut d’associé.
Même si cette convention répond à des besoins différents dans chaque bureau, on y retrouve en général les parts allouées à chaque partenaire d'affaires, les critères relatifs à la prise de décisions, à l’intégration de nouveaux associés, au règlement des conflits, ainsi que la marche à suivre lors du décès ou de l’inaptitude d'un partenaire.
C’est pour ce dernier élément de la convention que des conseillés ferrés en régimes d’assurance comme Mme Martel entrent en jeu. Pourquoi ? Parce qu’il faut tenir compte de plusieurs aspects importants quand on évalue les impacts du départ ou du décès d’un associé.
Concrètement, il faut tout d’abord penser au rachat des parts de la personne, et fournir les fonds nécessaires pour y parvenir.
« Sans une assurance-vie, les associés survivants pourraient être contraints de mobiliser des fonds personnels importants, de contracter des prêts, ou même de devoir vendre des actifs du cabinet pour racheter ces parts, ce qui pourrait compromettre la pérennité de l'entreprise », indique Mme Martel.
L’experte ajoute que ce transfert de propriété ordonné évite aussi que les héritiers de l'associé disparu ne deviennent des partenaires actifs dans l'entreprise sans l'accord des associés survivants… ce qui constituerait un cauchemar pour tout cabinet, que ce soit en termes de gestion ou de crédibilité.
Mais ce volet de rachat des parts n’est pas le seul point auquel une assurance-vie répond. Les fonds libérés peuvent en effet contribuer à stabiliser l'entreprise pendant la période de transition, synonyme de perte de revenus potentielle (dossiers non repris ou clients partis ailleurs, par exemple). « Ces liquidités peuvent également servir au recrutement et à la formation d’un remplaçant », greffe Mme Martel.
Les atouts d’une bonne police d’assurance
Une assurance-vie dans une convention d’actionnaires peut prendre plusieurs formes.
Comme l’indique la conseillère, « En premier lieu, soit la firme est la titulaire payeuse et bénéficiaire, et les associés assurés ; soit les associés sont titulaires, et la firme payeuse et bénéficiaire irrévocable. »
En second lieu, cette assurance vie peut être temporaire ou permanente. Dans le premier cas, elle offre une couverture pour une période déterminée – par exemple, la durée de l'entente entre associés –, et elle est généralement moins coûteuse qu’une assurance vie permanente. Cette seconde option, plus onéreuse mais représentative d’une sécurité à long terme, propose de son côté une couverture pour toute la vie de l'assuré, et elle peut accumuler une valeur de rachat au fil du temps.
Qui plus est, on ne le sait pas toujours, mais dans certaines juridictions, même si les primes d'assurance vie ne sont pas déductibles d'impôt, le capital-décès reçu par le cabinet ou les actionnaires est généralement non imposable, ce qui permet de financer le rachat de parts de manière fiscalement avantageuse.
Comme quoi, en plus de constituer un outil essentiel de planification successorale et de continuité d'entreprise, l’assurance vie souscrite par un cabinet – et intégrée dans la convention d’actionnaires, ne l’oublions pas –bénéficie à tout le monde : les associés, le bureau lui-même, ainsi que les héritiers de l’actionnaire invalide ou décédé. Ce serait donc bête de s’en passer!