Du Barreau à Sirco


Me Nathalie Guertin a travaillé 20 ans au Barreau de Montréal, d’abord comme avocate coordonnatrice, ensuite comme directrice des affaires juridiques. Un travail qui lui a permis de découvrir et d’apprécier le monde de l’enquête. Tellement qu’elle a décidé de sortir de sa retraite pour se joindre à Sirco - Enquête et Protection à titre d’avocate-conseil et enquêtrice.
Selon l’avis de nomination publié par Sirco sur Linkedin, Me Guertin apportera notamment son expertise dans les dossiers juridiques liés aux ordres professionnels ainsi que dans les enquêtes administratives et disciplinaires.
Pendant plusieurs années, Me Guertin s’est occupée de dossiers relatifs à l’exercice illégal de la profession d'avocat au Barreau de Montréal, ce qui l’a amenée à effectuer des enquêtes parfois complexes. C’est donc avec ce bagage d’avocate et d’enquêtrice qu’elle débarque chez Sirco.
Droit-inc s’est entretenu avec celle qui a reçu l’an dernier le Prix d’excellence du Bâtonnier afin d’en savoir plus sur son parcours et sur son nouveau mandat.
En quoi consistait précisément votre travail au Barreau de Montréal?
Un des premiers mandats que j’ai eus quand je suis arrivée au Barreau, en 2005, c’était de m’occuper de l'exercice illégal de la profession d’avocat. À Montréal, il y a beaucoup d’enjeux avec les personnes issues des minorités, avec les demandeurs d’asile, les réfugiés, les immigrants de première génération… On avait beaucoup de dossiers sensibles qui nécessitaient des techniques d’enquêtes un peu plus poussées. J’ai notamment été amenée à faire exécuter des perquisitions chez des individus, dans des compagnies et même dans des bureaux d’avocats qui gardaient parfois à l’emploi des avocats radiés.
Quel était l’enjeu avec les personnes issues de l’immigration?
Les personnes issues de l’immigration sont facilement victimes de faux avocats, qui sont souvent des gens qui sont issus de leur propre communauté. C’est humain: quand ces personnes-là arrivent en territoire étranger, elles sont vulnérables, et elles vont plus facilement se fier et faire confiance aux gens de leur communauté. On voyait donc souvent des patterns où des gens d’une communauté étaient victimes d’un faux avocat de leur propre communauté. Et les enjeux peuvent être importants, parce que si on fait affaire avec un faux avocat en immigration, la conséquence peut être le renvoi dans le pays d’origine…
Donc la clientèle immigrante est une cible de choix pour ces faux avocats?
Oui, et dans plusieurs pays du monde, les autorités ne sont pas fiables. Les gens ne vont pas se plaindre aux autorités parce qu’elles sont corrompues. Convaincre quelqu’un de venir témoigner à la cour, ça pouvait donc parfois être un enjeu. Pour réussir à faire avancer des dossiers, il fallait donc trouver des méthodes d'enquête, travailler en collaboration, utiliser des techniques d'enquête — comme les perquisitions — qui sont peut-être plus rarement utilisées par les ordres professionnels, mais qui sont pourtant des outils autorisés par la loi.
Est-ce que vous aviez besoin d’un permis du Bureau de la sécurité privée pour faire ce type de travail d’enquête?
Non. La Loi sur la sécurité privée donne des exemptions en ce qui concerne les membres des ordres professionnels dans l’exécution de leurs fonctions. Moi, comme avocate-enquêtrice au Barreau de Montréal, je pouvais donc faire ces enquêtes-là. Mais attention, on ne parle pas ici d’enquête terrain, d'infiltration ou de filature. Ça, quand on avait besoin de ça, il fallait effectivement faire affaire avec des compagnies de sécurité et d’investigation privée, comme Sirco.
Comment êtes-vous arrivée chez Sirco?
J’étais à la retraite, j’avais pris quelques mois pour moi et je trouvais que c’était suffisant. C’est une connaissance commune à moi et à Claude A. Sarrazin (le président fondateur de Sirco) qui a pensé que j’aurais peut-être des choses à apporter et à apprendre chez Sirco. J’ai donc rencontré M. Sarrazin, et effectivement, j’ai été assez impressionnée par la nature des mandats chez Sirco. J’avais l’impression aussi que mon bagage, mon expérience dans le domaine de l'exercice illégal, dans le domaine professionnel et dans le domaine de la déontologie, pouvait leur servir.
Fini la retraite, donc?
Je n'étais pas prête à faire un retour au travail à temps plein, donc on a convenu que je pourrais travailler à temps partiel. Je suis comme en semi-retraite. Évidemment, s’il y a des dossiers qui le nécessitent, j'ai la flexibilité pour me rendre plus disponible. En même temps, le fait de rester connectée avec le droit et la profession me stimule et me permet de garder mon acuité intellectuelle.
Quel sera votre mandat au sein de l’agence?
Je suis avocate-conseil pour Sirco. Je vais m’occuper des demandes d’accès à l’information, m’occuper de rédaction et de révision des contrats de Sirco, donner des avis juridiques, mais je vais aussi pouvoir travailler sur l’encadrement et l’accompagnement juridique des enquêteurs, donc agir comme conseillère pour les enquêteurs à l’interne. S’il y a un intérêt, j’aimerais bien faire du coaching, du mentorat, montrer par exemple à des enquêteurs comment bien partir une enquête, comment monter un dossier, parce que si un dossier est bien monté, il ne risque pas de se faire casser à la cour.
Qu’est-ce qui vous a donné envie de travailler pour une compagnie de sécurité et d’investigation privée?
Au Barreau de Montréal, j’étais directrice des services juridiques, donc il y avait plusieurs volets à mon travail: je faisais de la gestion, j’agissais comme procureure, je coordonnais des comités, j'étais conseillère juridique, je faisais un paquet de choses... Mais le volet que j’aimais beaucoup, c'était le volet enquête, donc de me retrouver dans une compagnie d’investigation privée, c’est quelque chose qui vient me chercher parce que c’est lié à mes intérêts. Il y a beaucoup d’aspects que je trouve intéressants, que je ne connais pas encore mais que j’aurais bien aimé connaître quand j’étais aux enquêtes au Barreau de Montréal!
Est-ce que c’est dans vos projets d’aller chercher votre permis d’agente d’investigation du Bureau de la sécurité privée?
C’est sur la table, mais je viens d’arriver et on a convenu que ce n’était pas nécessaire. Mais éventuellement, c’est peut-être quelque chose qui serait à considérer. En même temps, il y a chez Sirco une super équipe d’enquêteurs terrain, et je pense qu’ils me veulent davantage dans un rôle d’avocate-conseil que dans un rôle d’agente d'infiltration!
En enquête privée, on est à pleines mains dans la vie privée des gens. Est-ce que c’est un aspect qui est plus nouveau pour vous?
Oui et non. Quand je m’occupais de dossiers de pratique illégale de la profession d’avocat, je pouvais par exemple connaître toute la situation d’un demandeur d’asile. Je connaissais son histoire, comment il vit ici, les aspects les moins roses de sa vie… Donc connaître tous les aspects de la vie privée des gens, leur détresse, j’avais l’habitude au Barreau de Montréal.
Comment le monde de l’enquête a-t-il évolué, selon vous?
Quand j’ai commencé au Barreau de Montréal, l’exercice illégal de la profession d’avocat, c’était sous forme de petites annonces dans les journaux. Là, on a vu une évolution fulgurante de la fraude par internet. Il faut trouver où est le site internet, qui sont les personnes derrière, pour se rendre compte que le site est enregistré en Russie, que les gens qui l’opèrent sont en Afrique et que la personne victime en Nouvelle-Zélande communique avec nous parce que c’est indiqué sur le site que l’avocat est à Montréal! Suivre toutes ces pistes-là, des fois, c’est complexe. J’ai d’ailleurs déjà eu à travailler avec le FBI. C’est tellement facile de se faire avoir avec la cyberfraude, les faux sites ont l’air plus vrais que les vrais!