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Faut-il rendre imprescriptibles les poursuites pour agressions sexuelles?

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Julien Vailles

2017-06-19 14:15:00

C’est la question qu’examine présentement le Protecteur du citoyen, qui juge insuffisant le délai accordé de 30 ans pour poursuivre son agresseur au civil...
La trame de fond : une ancienne victime du curé Jean-Marie Bégin, agressée sexuellement dans les années 1960, a déposé une plainte au Protecteur du citoyen, écrit La Presse. Le curé s’est enlevé la vie en 1986.

La « prescription » s’entend d’un délai au-delà duquel il n’est plus possible d’intenter des procédures judiciaires. Son but est d’assurer la stabilité des relations sociales et économiques. Ainsi, sauf exceptions, si une personne vend un bien alors qu’il n’y était pas autorisé, le véritable propriétaire ne pourrait attendre indéfiniment avant d’entamer un recours en justice, car cela entraînerait des complications pour l’acheteur alors que celui-ci n’a rien à se reprocher.

En droit criminel, les poursuites par voie de procédure sommaire se prescrivent généralement par six mois. En droit civil, le délai de prescription extinctive est généralement de trois ans. En matière immobilière, il est plutôt de dix ans, et dans le cas des poursuites concernant une agression sexuelle, la prescription est de 30 ans depuis 2013.

Alain Arsenault
Alain Arsenault
Or, ce délai de 30 ans en matière d’agression sexuelle est-il suffisamment long? Selon le Protecteur du citoyen, la question se pose.

Se basant sur son expérience, l’avocat montréalais Alain Arsenault révèle d’ailleurs à La Presse qu’il faut en moyenne 43 ans pour que les hommes victimes d’agression sexuelle acceptent d’en parler.


Des efforts communs

Claudia P. Prémont
Claudia P. Prémont
Par le passé, de nombreux juristes ont tenté de faire changer les choses et de tout simplement abolir ce délai, au lieu de le prolonger. Cette voie a d’ailleurs été privilégiée par la plupart des autres provinces canadiennes. Les anciens bâtonniers Louis Masson et Claudia P. Prémont avaient d’ailleurs demandé au Ministère de la justice de légiférer en ce sens.

Les débats relatifs à ce délai de prescription devant les tribunaux ont pour effet « de décourager la victime et de l'épuiser physiquement, psychologiquement et financièrement. Elle risque de délaisser son action, alors même que dans bien des cas, les abus ont été admis et même condamnés dans une instance criminelle », déplore d’ailleurs Me Prémont dans une lettre envoyée à la Ministre de la justice Stéphanie Vallée et obtenue par La Presse.

Sébastien Grammond
Sébastien Grammond
Même son de cloche chez le professeur de droit Sébastien Grammond, pour qui il s’agit d’une question de justice sociale. Il appelle la société à s’adapter à la réalité et déplore l’inaction du gouvernement en la matière. Me Grammond croit que les communautés religieuses font du lobbying auprès du gouvernement pour éviter de rendre ces poursuites imprescriptibles. Tandis que pour Me Arsenault, le gouvernement sait qu’il pourrait être poursuivi de par les agressions qui se produisent dans les établissements scolaires et de santé, d’où sa réticence à agir.


Simon Jolin-Barrette
Simon Jolin-Barrette
Plus récemment, l’avocat et député de Borduas pour la Coalition Avenir Québec (CAQ) Simon Jolin-Barrette a déposé un projet de loi pour faire sauter le délai de prescription. C’est d’ailleurs là une question sur laquelle s’accordent les partis d’opposition.
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2 commentaires
  1. Anonyme
    Anonyme
    il y a 7 ans
    C'est de la discrimination envers le non-agressés
    Le droits des non-agressés sont aussi important que les droits des agressés. Non au 2 poids 2 mesures!

  2. AC
    Sachez...
    Que même non-agressé, vous pourrez vous aussi bénéficer du délai, ou du non-délai, de prescription. Vous aurez simplement la chance de ne jamais avoir besoin de vous en prévaloir.

    Quelle connerie ce commentaire...

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