Goldwater s'attaque au Tribunal unifié de la famille

Thomas Vernier
2025-06-03 13:15:29

Le cabinet Goldwater Droit vient de porter un coup de massue aux réformes familiales de la Coalition Avenir Québec. Son associée principale, Me Anne-France Goldwater, a déposé hier une contestation constitutionnelle majeure contre la Loi instituant le Tribunal unifié de la famille (TUF), qui doit entrer en vigueur le 30 juin prochain, rapporte un communiqué du cabinet.
Cette offensive juridique cible directement l'une des réformes phares du gouvernement Legault, qui prétend « simplifier le parcours judiciaire des parents » mais impose selon l'avocate « aux familles québécoises un système de justice à deux vitesses qui affaiblit l'accès à la Cour supérieure ».
Une réforme qui « viole les fondements de la Constitution »
« Cette loi viole les fondements mêmes de la Constitution canadienne », affirme sans détour Me Goldwater, fondatrice d'un cabinet spécialisé en droit familial. Pour elle, « loin d'apporter la moindre simplification, la création d'une nouvelle chambre à la Cour du Québec accentue dangereusement le morcellement des affaires familiales entre deux juridictions ».
L'avocate ne mâche pas ses mots : « Qualifier cette réforme de "tribunal unifié de la famille" relève d'un pur exercice de rhétorique : en réalité, elle multiplie les barrières au lieu de les faire tomber. »
Cette contestation s'inscrit dans un contexte plus large de critique des réformes caquistes du droit familial, notamment l'introduction controversée d'un régime d'union parentale que de nombreux juristes dénoncent comme institutionnalisant l'inégalité entre couples mariés et non mariés.
Un système discriminatoire selon les critiques
À partir du 30 juin 2025, tous les conjoints de fait ayant donné naissance à un enfant après l'entrée en vigueur de la loi verront leur dossier entendu devant la Cour du Québec, et non à la Cour supérieure comme pour tous les autres citoyens canadiens. Cette distinction crée selon Me Goldwater une discrimination flagrante.
« Cette réforme ne s'adresse ni aux couples mariés, ni aux conjoints de fait déjà parents, sauf s'ils accueillent un enfant à partir du 30 juin », explique-t-elle. « En clair, elle laisse complètement de côté la majorité des familles québécoises. Sous couvert de modernisation, elle instaure un cadre rigide, incapable de répondre aux réalités actuelles. »
L'avocate dénonce la création d'une « nouvelle sous-catégorie de justiciable » : les conjoints de fait avec des enfants à naître, qui auront « des droits certes, mais bien plus limités que les couples mariés » tout en perdant leur accès à la Cour supérieure.
Un transfert de compétence problématique
La Loi TUF retire aux conjoints de fait concernés l'accès à la Cour supérieure, tribunal établi en vertu de l'article 96 de la Loi constitutionnelle de 1867, pour les rediriger vers la Cour du Québec, où siègent des juges nommés par le gouvernement provincial. Problème majeur selon Me Goldwater : ces magistrats « n'ont reçu aucune formation spécifique, ni soutien institutionnel pour assumer leur nouvelle compétence ».
« La Cour supérieure, avec ses 158 ans d'expertise, possède une expertise institutionnelle que la Cour du Québec n'a tout simplement pas », souligne-t-elle. « Les juges de la Cour du Québec ne peuvent être spécialisés dans les matières familiales par définition, compte tenu que ces matières n'ont jamais été de la compétence de la Cour du Québec. »
Cette situation crée des absurdités pratiques. Pour obtenir une ordonnance de protection en cas de violence conjugale, par exemple, « il est nécessaire de s'adresser à un juge de la Cour supérieure en raison de la nature injonctive de cette mesure », imposant aux victimes « un parcours judiciaire inutilement complexe ».
Le cas « William » ne justifie pas la réforme
Me Goldwater s'attaque également au cas « William », fréquemment invoqué par le gouvernement pour justifier sa réforme. « Le cas de William reflète non pas un dysfonctionnement, mais bien la diversité de notre système juridique », rétorque-t-elle. « La Loi TUF ne viendra pas modifier cette diversité juridique, qui demeurera intacte, mais instaurera plutôt un parcours encore plus labyrinthique pour les justiciables. »
L'avocate pointe une promesse non tenue : « Cette réforme ne permettra toujours pas d'avoir un juge attitré par famille », l'un des arguments pourtant avancés par le gouvernement.
Une attaque contre l'État de droit
L'offensive de Me Goldwater atteint son paroxysme dans sa critique frontale du gouvernement Legault : « La CAQ ne cherche même plus à donner l'apparence de respecter la Constitution : elle agit en toute connaissance de cause, malgré son incompatibilité avec les principes constitutionnels. »
« On ne construit pas un Québec moderne en institutionnalisant des discriminations structurelles », martèle-t-elle. « Cette réforme n'est pas qu'une réforme du droit familial, c'est une attaque frontale contre l'État de droit. »
Cette contestation constitutionnelle intervient à moins d'un mois de l'entrée en vigueur prévue de la loi. Me Goldwater espère que les tribunaux empêcheront l'application de cette législation dès le 30 juin 2025, dans ce qui s'annonce comme une bataille juridique majeure entre une figure emblématique du barreau québécois et le gouvernement caquiste.
L'issue de cette contestation pourrait redéfinir l'avenir du droit familial québécois et tester les limites constitutionnelles des réformes provinciales en matière de justice.