La mise en scène

Louis Lapointe
2012-06-05 10:15:00
Faire semblant de négocier
Cela ne veut pas dire qu’il doit continuer de ne rien faire pour régler le conflit avec les étudiants. Son nouveau chef de cabinet, Dan Gagnier, lui a probablement expliqué qu’il devait donner l’impression de négocier pour faire plaisir à tous ces Québécois qui, même s’ils sont pour la hausse des droits de scolarité, désirent tout de même qu’il s’active à régler le dossier avec les étudiants.
Voilà pourquoi Jean Charest est allé serrer la main des étudiants et leur a accordé une demi-heure de son précieux temps : pour faire plaisir aux Québécois qui souhaitaient le voir faire preuve de bonne volonté.
Ne rien céder aux étudiants
Pour reprendre les mots de la ministre Michelle Courchesne, si négocier relève d’une obligation de moyens, ne rien céder aux étudiants était la seule obligation de résultat à laquelle était tenu le gouvernement de Jean Charest aux yeux de la majorité silencieuse.

Faire semblant de négocier pour mieux faire passer la hausse chez ceux qui souhaitaient voir le gouvernement s’asseoir avec les représentants étudiants.
Faire payer aux étudiants leur « juste part »
Ayant répondu à la première exigence des Québécois, négocier, et, par conséquent, fait la preuve que cela ne menait nulle part parce que les étudiants refusaient de bouger, Jean Charest entend bien répondre à la deuxième attente des Québécois, obliger les étudiants à contribuer dans une plus large part au financement des universités.
Peu importe ce que feront les universités avec cet argent, peu importe si les étudiants doivent travailler plus et consacrer moins de temps à leurs études, coûte que coûte, ils devront faire leur juste part en payant des droits de scolarité plus élevés.
Une fois cet objectif atteint, le gouvernement devra par la suite s’atteler à démontrer que les étudiants sont les seuls responsables de tout le beau gâchis qu’a connu le Québec au cours des derniers mois.
Démontrer la responsabilité des étudiants et justifier la loi 78
Non seulement n’ont-ils jamais voulu négocier parce qu’ils sont demeurés fermés à toute hausse, mais, en plus, les étudiants sont, à ce titre, les premiers responsables de tous les débordements qui sont survenus ou pourraient survenir dans la rue, l’adoption de la loi 78 se justifiant a posteriori, puisque rien d’autre n’aurait pu être raisonnablement accompli par le gouvernement pour les faire changer d’idée.
Lorsqu’un enfant ne veut plus entendre raison après que tout a été essayé, même la négociation, il ne reste plus qu’une seule option, la punition.
Voilà pourquoi Michelle Courchesne a fait semblant de négocier : pour faire la preuve que la négociation n’était pas la solution à la crise que vit actuellement le Québec, pour légitimer la loi 78.
Pour sortir de l’impasse, la seule solution, des élections
Pour ceux qui ne l’avaient pas encore compris, l’objectif ultime de Jean Charest dans cette dernière opération était de convaincre une majorité de Québécois que la seule façon de sortir de cette impasse qu’a constatée Michelle Courchesne à la table de négociations était de déclencher des élections générales qui porteront sur la hausse des droits de scolarité.
Des élections où il fera porter tout le blâme de la crise sur Pauline Marois qui a appuyé les étudiants alors qu’une majorité de Québécois étaient pour la hausse. Qu’à cet égard, elle devrait être tenue politiquement responsable de tous les débordements survenus dans la rue !
Contrairement à François Legault, qu’il décrira comme un gérant d’estrade qui se dit pour la loi 78 et pour la hausse des droits de scolarité, mais qui a préféré les garder gelés alors qu’il était ministre de l’Éducation sous le PQ, Jean Charest prétendra être le seul premier ministre à avoir eu le courage d’affronter les étudiants et de hausser les droits de scolarité depuis Robert Bourassa en 1990.
Jean Charest veut profiter de la hausse de popularité que lui procure une crise qu’il a lui-même nourri en étirant pendant quatre mois un conflit qu’il aurait pu rapidement régler, souhaitant momentanément faire oublier aux électeurs neuf ans d’incompétence, de mauvaise gestion, de scandales, de corruption et de collusion dans l’octroi de contrats publics, neuf ans pendant lesquels il a livré au rabais le Québec aux amis du parti libéral.
Voilà pourquoi il déclenchera des élections sur fond d’un conflit où il a enfin réussi à obtenir, grâce à ses astucieuses entourloupettes, l’appui d’une majorité de Québécois favorables à la hausse des droits de scolarité, probablement à la mi-août, juste avant le début des auditions de la commission Charbonneau.
Note
Ce billet de Louis Lapointe a initialement été publié sur Vigile.net. Il est reproduit ici avec l’autorisation de l’auteur.