Le dilemme canadien de King & Wood Mallesons

Gilles Des Roberts
2013-07-08 11:15:00

La démarche logique est de s’associer à un cabinet canadien solide qui désire avoir accès à un réseau asiatique bien implanté, particulièrement en Chine. Toutefois, jusqu’à date aucun cabinet canadien n’a répondu aux avances de KWM.
Le président et chef de la direction de Gowlings, Me Scott Jolliffe a même accordé une entrevue au Financial Post en mai pour démentir catégoriquement une rumeur pressante au sujet d’une fusion avec KWM, précisant que ce projet ou toute autre fusion n’est pas dans les cartes de son entreprise.
KWM n’a pas eu plus de succès auprès des autres firmes approchées qui ont poliment mais fermement refusé cette proposition. Certaines ont déjà un réseau asiatique bien établi ou des partenariats de longue date. D’autres ont des conflits d’intérêts importants avec des clients de KWM du secteur pétrolier et financier.
Enfin, la nature même du cabinet inquiète certaine grosses pointures juridiques canadiennes. C’est que KWM est une créature particulière.
La portion Mallesons est un cabinet australien prestigieux fondé en 1856, dont plusieurs associés ont occupé des fonctions politiques et publiques importantes au fil des années. Mallesons a développé une clientèle de grandes entreprises transnationales comme Wal-Mart et Citibank.
Trop politique?

Ce noyau d’associés fondateurs a un guanxi, un réseau de contacts et d’influence, unique qui leur ouvre les portes de toutes les officines gouvernementales.
L’associé principal de KWM est Wang Junfeng qui jusqu’en 1995 dirigeait le département de droit commercial du ministère de la Justice. Il est non seulement avocat, mais également membre du comité national du Parti communiste de Chine, un groupe sélect qui tient la plupart des leviers du pouvoir politique et économique de l’empire du Milieu.
Cette proximité de Wang Junfeng et de KWM du pouvoir chinois est une arme à deux tranchants. Pour certains clients, c’est une voie assurée pour rejoindre les décideurs chinois les plus importants. Pour d’autres, le double rôle d’avocat et de politicien du rainmaker inquiète plus qu’il ne rassure.
Chose certaine, malgré ses efforts KWM n’a pas avancé dans son dossier canadien et le cabinet refuse de faire tout commentaire au sujet d’une fusion ou carrément l’implantation solo d’une antenne au Canada.
Les associés de la firme peuvent toutefois se consoler car il y a encore de la place à la croissance dans leur marché naturel. On compte un avocat par 265 personnes aux États-Unis, un par 421 au Canada alors qu’en Chine un avocat dessert en moyenne 6 977 personnes.