L’entente sur le tabac sera soumise au vote comme prévu
Radio-canada Et Cbc
2024-11-01 11:50:26
Les trois compagnies canadiennes ont obtenu la protection des tribunaux contre leurs créanciers en mars 2019…
L'entente de principe de 32,5 milliards de dollars à verser aux créanciers des trois géants du tabac canadiens a été officiellement déposée sans amendements devant les tribunaux après de longues et laborieuses plaidoiries jeudi à Toronto.
Tous les créanciers devront maintenant se prononcer sur l'accord à la date prévue du 12 décembre malgré les réticences de la compagnie JTI-Macdonald, qui s'oppose à l'entente dans sa forme actuelle.
Le juge en chef de la Cour supérieure de l'Ontario, Geoffrey Morawetz, a dû répéter à plusieurs reprises que l'audience n'avait pas pour but d'entendre les doléances de JTI-Macdonald et de ses filiales ou toute autre objection de la part des autres parties engagées dans ce litige.
Selon lui, rien n'empêche JTI-Macdonald de continuer les négociations de l'entente d'ici la date-butoir de décembre. Il note par ailleurs que le véritable test aura lieu lors de l'audience sur l'approbation du plan de sauvetage devant les tribunaux, en janvier 2025, dans l'éventualité où l'entente serait adoptée le 12 décembre.
C'était toutefois compter sans l'opposition de certains créanciers pour lesquels il était hors de question de retourner à la table de négociations afin de peaufiner une entente de principe qui se trouve déjà sur la table.
Tous les créanciers se sont d'ailleurs vivement opposés à la requête de JTI-Macdonald de reporter l'audience au 28 novembre sans toutefois changer pour l'instant la date du vote en décembre.
Rejet de la requête de JTI-Macdonald
L'audience a permis d'apprendre qu'il faudra 20 ans pour dédommager les créanciers en fonction des projections financières des trois géants du tabac, qui se sont placés sous la protection des tribunaux après avoir perdu un appel contre un recours collectif de 100 000 Québécois.
Les avocats de JTI-Macdonald avaient néanmoins déposé, la semaine dernière, une requête pour signifier que leur client n'approuvait pas le plan dans sa forme actuelle et qu'il ne pouvait pas l'approuver à cause de problèmes qui ne sont toujours pas réglés.
Leurs avocats demandaient que des amendements y soient apportés avant la rencontre du 12 décembre.
Les avocats de RB&H ont aussi fait savoir jeudi matin qu'ils avaient un problème avec l'entente de principe, mais leur désaccord ne repose que sur la manière dont les paiements seraient partagés entre les trois sociétés.
Position ferme des victimes du Québec
Un des avocats du recours collectif au Québec, Marc Meland, a déclaré que la position de JTI-Macdonald n'est qu'« une tactique de diversion » et que « la compagnie gaspille un temps précieux » pour les victimes et leurs héritiers.
« Assez parlé : il est temps de passer aux actes, nos clients attendent depuis déjà trop longtemps », a-t-il déclaré en rappelant que l'entente de principe fait l'objet d'un consensus entre débiteurs et créanciers.
Me Meland accuse JTI-Macdonald de tenter de rouvrir le procès alors que l'audience de jeudi n'est qu'une procédure pour confirmer la rencontre du 12 décembre.
« Que les débiteurs se comptent chanceux d'avoir obtenu une protection aussi longue. Il est temps de soumettre la résolution au vote », a-t-il précisé.
L'avocat des victimes pancanadiennes, Ray Wagner, rappelle que JTI-Macdonald et ses affiliés ont eu cinq ans et demi pour surmonter leurs divergences et accuse la compagnie de tabac « de faire de l'obstruction » inutilement.
Les avocats des créanciers et ceux d'Imperial Tobacco et de RB&H ont expliqué à la cour que les problèmes de JTI-Macdonald ne sont pas insurmontables de toute façon, laissant entendre que l'entente n'est pas en péril.
Le superviseur des négociations chez JTI-Macdonald l'a confirmé en expliquant que les réticences de la compagnie seront entendues « au moment opportun » après le vote du 12 décembre.
Certains intervenants laissent même entendre qu'il n'est pas nécessaire, en vertu de la Loi sur les arrangements avec les créanciers, que les trois géants du tabac soient d'accord puisqu'ils ne prendront pas part au vote du 12 décembre.
L'avocat de JTI-Macdonald, Robert Thornton, a pourfendu cette position en affirmant qu'il s'y objectera à la lumière de la jurisprudence à ce sujet.
Position des provinces et des territoires
L'avocate de l'Ontario, Jacqueline Wall, a pour sa part rappelé que sa province est le plus gros créancier et qu'elle recevra la plus grosse somme d'argent pour recouvrer les montants investis dans les soins aux malades du tabagisme.
Me Wall a dit que l'entente de principe est « juste et raisonnable » et qu'il est hors de question d'acquiescer à la demande de JTI-Macdonald, qui tente selon elle de faire dérailler le processus avec ses filiales.
Le consortium qui représente les provinces et les territoires (à l'exception de l'Alberta, de l'Ontario et du Québec) a lui aussi pressé le juge Morawetz de confirmer la rencontre du 12 décembre, accusant JTI-Macdonald « de garder les créanciers en otages ».
Les interventions du magistrat ont montré que Me Thornton était isolé et qu'il faisait cavalier seul dans cet ultime bras de fer.
« Cette audience est pour les créanciers et non pour les débiteurs. 100 000 personnes ont souffert de maladies et beaucoup en sont mortes », a-t-il rappelé à l'avocat de JTI-Macdonald en reconnaissant que l'entente pourrait peut-être ne pas passer le stade de l'approbation.
L'avocat de la filiale de JTI-Macdonald, JTI-TM Corp, Jeremy Opolsky, affirme que « le plan de sauvetage est voué à l'échec sans le consentement de sa compagnie parce qu'il contrevient notamment à la loi ».
Le magistrat a par ailleurs décidé que la demande de sursis des géants du tabac dans le but de prolonger la protection des tribunaux jusqu'au 31 mars 2025 était inappropriée compte tenu de l'audience sur l'approbation qui suivra le vote du 12 décembre.
Il a proposé de leur accorder un sursis de trois mois seulement, soit jusqu'au 31 janvier 2025. Personne ne s'y est opposé.
On comprend que la demande de sursis supplémentaire est nécessaire dans l'éventualité où l'entente de principe serait rejetée, faute de quoi les entreprises de tabac ne bénéficieraient plus d'aucune protection contre leur faillite appréhendée.