Projet de loi C-5 – accélération des projets d’intérêt national au Canada

Jason J. Annibale Et Natasha Rodrigues
2025-10-20 11:15:23

Au début de juin 2025, le gouvernement fédéral a déposé la Loi sur l’unité de l’économie canadienne (le « projet de loi C-5 ») afin d’accélérer les projets de construction d’infrastructures nationales et de réduire le nombre d’obstacles au commerce interprovincial. Le projet de loi C-5 a reçu la sanction royale peu après, soit le 26 juin 2025.
Le projet de loi C-5 édicte deux nouvelles lois :
(1) la Loi visant à bâtir le Canada, qui vise à faire progresser d’urgence les projets d’infrastructure qui servent l’intérêt national, y compris les projets d’énergie;
(2) la Loi sur le libre-échange et la mobilité de la main-d’œuvre au Canada, qui vise à éliminer des obstacles fédéraux au commerce interprovincial des biens et des services et à améliorer la mobilité de la main-d’œuvre.
Le présent bulletin examine les éléments clés de la nouvelle Loi visant à bâtir le Canada, y compris la désignation des projets d’intérêt national.
1. Survol de la Loi visant à bâtir le Canada
Cette loi accélère le processus réglementaire pour les projets d’infrastructure qui sont désignés comme étant d’intérêt national. La Loi visant à bâtir le Canada a pour objet « d’accroître la prospérité, la sécurité nationale, la sécurité économique, la défense nationale et l’autonomie nationale du Canada en faisant en sorte que les projets qui sont dans l’intérêt national progressent dans le cadre d’un processus accéléré qui renforce la certitude réglementaire et la confiance des investisseurs, tout en protégeant l’environnement et en respectant les droits des peuples autochtones ».
- La Loi visant à bâtir le Canada prévoit un processus simplifié en deux étapes : 1) la désignation d’un projet comme étant dans l’intérêt national; 2) la délivrance d’une seule autorisation fédérale pour ledit projet.
a. Désignation de projets d’intérêt national
La Loi visant à bâtir le Canada permet au gouverneur en conseil (c’est-à-dire, dans les faits, le Cabinet fédéral) de désigner des projets d’infrastructure comme étant d’intérêt national. Pour décider s’il doit ou non désigner un projet comme tel, le gouverneur en conseil peut prendre en considération « tout facteur » qu’il estime pertinent, notamment la mesure dans laquelle le projet peut :
- renforcer l’autonomie, la résilience et la sécurité du Canada;
- procurer des avantages économiques ou autres au Canada;
- avoir une forte probabilité de mise en œuvre réussie;
- promouvoir les intérêts des peuples autochtones;
- contribuer à la croissance propre et à l’atteinte des objectifs du Canada en ce qui a trait aux changements climatiques.
Une fois un projet désigné comme étant d’intérêt national, toutes les décisions rendues ainsi que les conclusions et avis qui doivent être formulés en vue de l’octroi d’une autorisation concernant le projet sont réputés rendues ou formulés en vue de l’autorisation du projet.
Toutefois, cela n’a pas pour effet d’exempter le promoteur du projet de l’obligation de se conformer à la législation pertinente, mais pose simplement la question réglementaire de savoir comment autoriser le projet et non pas s’il faut l’autoriser.
b. Processus d’autorisation accéléré
Une fois un projet désigné comme étant d’intérêt national, le ministre (c’est-à-dire une personne nommée par le gouverneur en conseil qui est membre du Conseil privé du Roi pour le Canada) doit fournir au promoteur du projet un document unique d’autorisation et de conditions.
L’autorisation doit inclure une approbation ou une décision, un permis, une licence, un règlement ou tout autre document requis par toutes les lois énumérées à l’Annexe 2 de la Loi visant à bâtir le Canada.
Avant de délivrer ce document d’autorisation, le ministre doit :
- être convaincu que le promoteur du projet a pris toutes les mesures qu’il est tenu de prendre à l’égard de chaque autorisation qui est précisée dans le document;
- consulter le ministre responsable du texte législatif au titre duquel chaque autorisation est requise, relativement aux conditions dont le document devrait être assorti;
- procéder à l’examen lié à la sécurité nationale de tous les investissements provenant d’entreprises d’État étrangères et d’investisseurs étrangers originaires de pays hostiles et destinés à un projet d’intérêt national;
- veiller à ce que soient consultés les peuples autochtones dont les droits reconnus et confirmés par l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982 risquent d’être lésés par la réalisation du projet;
- être convaincu que, si des investisseurs étrangers investissent dans le projet, toutes les mesures nécessaires ont été prises afin de protéger la sécurité nationale.
Un projet d’intérêt national qui est également soumis à la Loi sur l’évaluation d’impact est en outre exempté de certaines exigences de cette législation (à savoir la phase de planification de 180 jours).
Une fois délivré, le document d’autorisation est considéré comme l’autorisation que les promoteurs du projet auraient dû obtenir autrement en vertu de diverses lois.
2. Mise en œuvre de la Loi visant à bâtir le Canada
En ce qui concerne les prochaines étapes, le gouvernement fédéral procédera à des consultations avec les provinces, les territoires et les titulaires de droits autochtones afin de dresser la liste initiale des projets d’intérêt national, tels que définis dans la Loi visant à bâtir le Canada.
Après avoir consulté les provinces, si le gouverneur en conseil est d’avis qu’un projet peut être dans l’intérêt national, il l’ajoutera par décret à l’annexe des projets de la Loi visant à bâtir le Canada.
Avant que le nom d’un projet soit ajouté à l’annexe, un avis comprenant le nom et la description du projet doit être publié dans la Gazette du Canada pendant trente jours afin que tout le monde ait l’occasion de formuler des commentaires.
Le Canada s’est engagé à respecter les droits des peuples autochtones et à assurer des consultations tout au long du processus de sélection des projets d’intérêt national. En particulier, la Loi visant à bâtir le Canada exige que le ministre veille à l’établissement d’un processus qui « permet la participation active et significative des peuples autochtones touchés » et qu’un rapport sur le processus de consultation et ses résultats soit mis à la disposition du public dans les soixante jours suivant la date de délivrance du document d’autorisation.
Bien que le gouvernement fédéral ait fait la remarque que l’intention de la nouvelle loi est de veiller à ce que les projets de construction d’infrastructures nationales fassent l’objet d’un examen fédéral dans un délai de deux ans, seul le temps dira si cela est réalisable en pratique.
À propos des auteurs
Jason Annibale codirige le groupe de la construction et des infrastructures de McMillan.
Natasha Rodrigues est avocate chez McMillan.