Lettre ouverte au vice-président du Barreau
Jean Moisan
2015-07-30 14:30:00

Comme je crois le comprendre, dans les éditoriaux et les opinions qu’on lit dans les journaux, la fonction de bâtonnier paraît être assimilée à celle d’un président ou dirigeant d’une entreprise commerciale, syndicale ou sociale ordinaire. Si la personne qui la dirige commet une infraction ou même un crime, on pense devoir la traiter selon les normes habituelles du monde du travail.
C’est mal connaître les exigences du poste de bâtonnier. Il dirige un Ordre qui est intimement lié à la Justice et à son exercice. Il doit conserver en tout temps l’intégrité et la stature morale qui inspire à la population le respect de la justice. Le bâtonnier et, par conséquent l’Ordre qu’il préside, incarne la Justice que la population voit comme un élément essentiel de la vie en société. Ses interventions sont celles du Barreau et elles doivent se situer dans un contexte qui exclut toute arrière-pensée chez le citoyen qui en prend connaissance. La totale intégrité du porte-parole est le gage de l’objectivité des interventions de l’Ordre dans l’administration de la Justice et la poursuite du bien commun.
Le bâtonnier est aussi l’interlocuteur du Ministre de la Justice et il doit toujours conserver l’entière considération de ce dernier, comme celle de tous les autres ministres et des dirigeants des multiples organismes qui constituent l’État. Il doit en toute occasion maintenir une réputation au-dessus de tout soupçon et une intégrité sans aucune ombre. C’est à ce prix qu’il peut exercer une influence importante sinon déterminante dans l’orientation de la société.
Je crois que la bâtonnière n’a pas compris les exigences du rôle auquel elle aspirait. Elle avait un devoir de transparence et de prévoyance dans sa démarche. Elle aurait dû réfléchir aux conséquences qui pourraient découler d’une fuite possible concernant l’événement que tous connaissent maintenant. Avant de poser sa candidature elle aurait pu consulter à titre officieux des personnes proches du Barreau ou même d’autres personnes de parfaite intégrité et d’une connaissance étendue du rôle d’un bâtonnier.
Elle a préféré se fier à une confidentialité qui n’est jamais aussi étanche qu’on pense. Elle a pris le risque de ce qui est arrivé alors qu’elle aurait dû penser, en avocate expérimentée, qu’il existe toujours un risque de fuite. Elle a préféré son avancement personnel, elle n’a pas considéré l’ampleur et l’importance sociale du rôle qu’elle convoitait et des exigences très élevées qu’il requérait. Elle a fait un pari et elle l’a perdu.
Peut-elle conserver son poste? Ma réponse est négative.
Me Jean Moisan
L’ancien bâtonnier Jean Moisan a été juge à la Cour supérieure de 1975 à 1995, incluant une période de trois ans comme juge ad hoc à la Cour d’appel. Depuis son départ à la retraite, il exerce en médiation et arbitrage commercial et institutionnel. Il remplit aussi divers mandats de nature publique et privée.
Il a notamment dirigé la commission Moisan, une enquête instituée en 2005 par le Directeur général des élections du Québec pour faire la lumière sur certaines allégations de financement illégal de partis politiques actifs sur la scène québécoise. L’enquête faisait suite aux révélations de Jean Brault devant la Commission Gomery.
DB
il y a 10 ansJe suis d'accord avec Me Moisan. Qui de mieux qu'un Bâtonnier pour nous rappeler ce rôle?
Le paradoxe est que le Bâtonnier est élu par les membres du Barreau - par nécessité - mais pas pour représenter ou défendre ses membres. En aucun cas l'élu ne doit faire passer ses propres intérêts ou ceux des avocats collectivement devant l'intérêt public. La défense du Droit, de la Justice, au nom de la collectivité doit être sa seule préoccupation.
Or, ce qui m'a profondément dérangé pendant la campagne électorale, il semble que le choix a largement porté sur le bénéfice pour les membres du Barreau. Je suis en faveur d'une réduction de la cotisation, de la couverture d'assurance et du salaire de la présidence de l'Ordre, mais tout cela n'est pas fondamentalement le rôle du Bâtonnier.
Élue par 63%? Certainement. Cela conférait la légitimité requise sans l'ombre d'un doute. Pour présider le Barreau, pas nécessairement pour accomplir certains éléments de son programme, ceux entièrement dédiés au bénéfice des membres.
Mais - j'abonde dans le sens de Me Moisan - cette légitimité est soumise à des obligations essentielles:
"Il doit conserver en tout temps l’intégrité et la stature morale qui inspire à la population le respect de la justice."
"Il doit en toute occasion maintenir une réputation au-dessus de tout soupçon et une intégrité sans aucune ombre."
La Bâtonnière n'inspire plus. Il y a ombrage sur son intégrité et son excellente réputation jusqu'alors.
Sa mésaventure commerciale est une raison, mais plus la seule maintenant. S'adresser à un journalise la veille de la fatidique publication malgré la demande expresse de son conseil de s'abstenir, accuser son conseil de complôt, poursuivre son conseil et autres dirigeants du Barreau est très loin d'être honorable.
Rien de tout ceci n'excuse le comportement des autres, tout comme le comportement des autres n'excuse en rien celui de la Bâtonnière. L'individu, dans la mesure où il pourrait être identifié, qui aurait dévoilé une information confidentielle devrait en subir les conséquences. Le CA a potentiellement mal réagi, et certainement mal géré la crise. Mais la Batonnière ne mérite plus son rôle. Malheureusement. La responsbilité est la sienne, et uniquement la sienne.
Anonyme
il y a 10 ansSérieusement, il ne faut pas être sorti de l'adolescence pour percevoir un ton «moralisateur» aux propos de Me Moisan. Et la comparaison avec les ultra conservateurs est un amalgame totalement gratuit suintant les préjugés.
Âgisme pour âgisme, et parlant de moralité, j'ai parfois l'impression qu'il se creuse un fossé entre les générations nées après les Chartes des droits et libertés, et celles qui ont également connu l'ère des obligations et responsabilités.
Euh...
il y a 10 ansSi on ne se fiait qu'aux apparences, on aurait pas besoin d'avocats ni de juge... On aurait pas besoin de la présomption d'innocence et des garanties procédurales.
Certes notre batônnier (ou batônnière) doit être un exemple de vertu et incarner notre institution.
Ceci étant dit, la légalité des décisions du C.A., le droit de se faire entendre, les tenants et aboutissants de la déjudiciarisation, ce sont des émanations de notre système de justice et ces règles de droit ne sont pas triviales ou quelconques. J'attends des membres du C.A. qu'ils agissent avec mesure, réflexion, en connaissance de cause, avec modération et réserve. Le rythme et la médiatisation des évènements laissent croire à une basse guerre politique. Nos élus au C.A. auraient dû faire preuve, eux aussi, d'un savoir-être, d'un comportement exemplaire.
Si je me pose des questions sur le comportement de Me Khuong, j'ai au même moment de sérieux doutes sur la capacité des membres du C.A. de mener à bien la mission que nous leur avons confié: défendre l'intérêt du public et défendre notre système de justice. Le manque de savoir-être des membres du C.A. porte ombrage également à la réputation de notre institution, du symbôle qu'elle représente. En tant qu'électeurs et membres du Barreau, la mission de protéger l'intérêt du public nous incombe à tous.
De nouvelles élections, oui.
Michael Louvet, PEng
il y a 10 ansDe par les lois qui établissent leurs devoirs et obligations, les __ordres __(''ou associations professionnelles - hors Québec'') n’ont pas pour __but __le lobbying ou la protection des intérêts de leur membres, mais d’__assurer la protection du public__.
Il faut donc maintenant admette, qu’après l’exclusion de sa Bâtonnière, ===en termes de protection du public, le Barreau du Québec n’est plus dans le coup===!
En effet, en regard du communiqué du Barreau. émis le 1er Juillet 2015 "Traitement non-judiciaire d’une infraction commise par la Bâtonnière" – l’avocat du Barreau se fait fort d’énoncer que les termes "infraction" ou "infraction commise" sont des termes standards récurrents dans les textes juridiques et dans l’énoncé des lois pénales - des termes en fait qui ne peuvent en aucune manière porter atteinte à la présomption d’innocence, de par ce qu'ils ont pour unique objet d’établir des lois, règles ou procédures – ''donc des termes, selon Me Raymond Doray, qui dans le contexte du communiqué du CA ne saurait faire fi de la présomption d’innocence de la Bâtonnière!''
Fatale erreur – ce ne sont pas ces textes juridiques ou législatifs qui garantissent la présomption d’innocence de tout citoyen Canadien – Me Lu Chan Khuong incluse – mais la Charte des droits et libertés Canadienne, article 11 d).
===Pas très fort pour un Ordre Professionnel qui pour mieux envoyer sa Bâtonnière sur les roses – va __sacrifier la Protection du public__ avec===!
Quand à __Me Lu Chan Khuong__, il appert que ===la protection du public est l’élément primordial de son engagement professionnel===. Incluant sa décision de ne pas judiciariser un incident imputable à une ''déficiente technologique'' du système d’identification de l’étiquetage de Simons, qui lui avait d’abord fait payer des items qui lui appartenait déjà – cela n’aurait pas mieux protégé le public contre ce type de dysfonctionnement standard que pratiquement elle seule pouvait mettre en évidence – ===et qui est toujours reproductible de la manière dont elle s’y est prise===!
Quant-à une fuite, __c’est de la manière dont on en spécule qui provoque l’indignation!__
En fait ce n’est que le 30 juin 2015 qu’une interrogation d’un journaliste de la Presse parvient jusqu’aux oreilles de la secrétaire du CA – qui convoque séance tenante et de sa propre autorité une réunion immédiate du CA - dont les discussions à l’ordre du jour iront s’étaler dans le prochain article de la Presse, tel que le rapportera le soir même ce journaliste à la Bâtonnière.
Il est rendu où le dysfonctionnement de chez Simons dans tout cela? __Se serait-il propagé dans un dysfonctionnement judiciaire!__
Viu
il y a 10 ansMe Moisan a bien peu de respect pour l'intelligence de la population en croyant qu'une bâtonnière comme Me Khuong perd de la crédibilité ou du panache avec cet évènement. J'aime bien le commentaire qui dit qu'on confond avec la sainteté.
Zorro
il y a 10 ansCher Viu,
Les nombreuses conversations que j'ai eues avec des membres de ma famille et des amis concernant la situation de Me Khuong m'indiquent tout à fait le contraire. Les avocats ont généralement mauvaise presse de toute manière (cet épisode n'aide vraiment pas l'image de la profession), et l'histoire d'une bâtonnière qui aurait commis un vol à l'étalage affecte est l'objet de moqueries dans la population et affecte très sérieusement la crédibilité de la future ex-bâtonnière.
En passant, les mots du juge Moisan sont tout à fait justes.
Me Daniel Atudorei
il y a 10 ansJe n'ai pas eu la chance de plaider devant l'Honorable Juge Moisan mais je présume que, comme tous les Juges, il a sermoné plus d'une fois des avocats qui pédalaient avec un "Maître, vous vous appuyez sur quoi en me demandant de rendre telle ordonnance" bien senti.
Alors est-ce que Me Moisan, surtout vu son C.V., aurait envie de s'exprimer sur la légalité/illégalité de la décision du CA de suspendre la bâtonnière? Image et super-image, prestige et méga-prestige, public, je veux bien... mais on est dans un État de droit, n'est-ce pas? Et le système professionnel québecois est clairement encadré.
Le micro est à vous.
Anonyme
il y a 10 ansJustement, il parle de ce dont il peut parler. Il ne s'immiscerait pas dans une cause devant les tribunaux avec un avis juridique. Vous voulez possiblement considérer cette position surtout si vous révisez vos règles déontos.
Me Daniel Atudorei
il y a 10 ans>>>> En aucun cas l'élu ne doit faire passer ses propres intérêts ou ceux des avocats collectivement devant l'intérêt public
Ça se défend comme argument. Mais nous, membres votants, pouvons nous ignorer l'opinion du public et de voter selon notre seul intérêt (par exemple, des promesses concernant les cotisation)? Visiblement oui. Alors qu'on nous laisse tranquilles...
Anonyme
il y a 10 ansIl y en a même qui risqueraient de voter pour vous.
C'est une blague.
Anonyme
il y a 10 ansUn batonnier ou batonnière n'a pas le droit à l'erreur? On tente de trouver des solutions et à faire des compromis en acceptant une entente. Et vous,monsieur l'ex batonnier, avez-vous déjà conduit avec de l'alcool supérieur à la limite? Jamais fait d'erreur ?
Vous pensez réellement que le vol était voulu ?
Vous la condamnez sans connaître la preuve ?
Si elle était réellement coupable, vous ne croyiez pas qu'elle aurait accepter son sort et remis sa démission.
Une erreur monsieur le batonnier...
Votre monde parfait n'existe plus! Chacun de nous à son squelette.
Le dossier est pendant devant les tribunaux, qui vous a forcé à sortir de votre retraite pour répondre ainsi facilement par la négative.
Le devoir de réserve existe toujours.
Anonyme
il y a 10 ansMe Moisan a non seulement le droit de s'exprimer sur le sujet, son expérience et ses connaissances méritent toute notre considération.
Comme individu, Me Khuong a droit à l'erreur. D'ailleurs, on lui a offert de déjudiciariser son dossier. Me Moisan ne la condamne pas pour vol comme vous le suggérez. Il la condamne pour la façon dont elle a géré la situation, laquelle n'est pas digne d'une bâtonnière.
Force est de constater que notre première expérience d'élection du bâtonnier au suffrage universel n'est pas glorieuse, au vu de la campagne électorale populiste menée par les candidats, marquée par une agressivité qui a ensuite monté en crescendo, encouragée par une certaine culture de blogues. Il suffit de lire les commentaires sur ce site pour s'en convaincre.
Me Stéphane Lacoste
il y a 10 ansLa femme de César ne doit pas être soupçonnée.
Michael Louvet, PEng
il y a 10 ansLa protection du public mérite que l'on s'y attarde!
Est-ce que cela mérite de si attardés!
Michael Louvet, PEng
il y a 10 ansSee, quand des apprentis procureurs s’emmêlent, le système judiciaire se met à dysfonctionner!
===Christopher B. Phillip un expert en génie chimique fut arrêté le 21 Janvier à Ottawa et emprisonné jusqu'au verdict de son procès (tenu en juin à Halifax)===, après que la __procureure aux poursuites pénales eut déterminé__ que les fautes présumées imputées à l’intimé (avoir "menacé la police" et avoir été en "possession d’une arme dangereuse") constituaient une __infraction__, qu’elle pouvait en faire la __preuve__, et qu’__aucun obstacle__ juridique ne rendait la poursuite irrecevable.
En effet, l'on doit aussi se garder de traiter de ===façon judiciaire=== une infraction qui n'aurait pu l'être judiciairement. Parce qu’il n’est pas vraiment nécessaire d’entamer une longue procédure où l’accusation ira jusqu’au bout de sa preuve, pour finalement se rendre compte qu’__elle n’en a aucune__.
===Christopher B. Phillip fut acquitté le 21 juin.===
__C’est quand les apprentis procureurs s’emmêlent (des avocats) que le système judiciaire se met à dysfonctionner!__