L’homme de 1,1 milliard $

Jean-Francois Parent
2018-05-31 15:00:00

« C’est un placement audacieux, impliquant une structure de financement en quatre étapes » dans autant de pays, explique Me Richard Provencher, de Stein Monast, à Québec.
Il a été l’avocat principal du projet de financement, auquel ont participé sept cabinets d’avocats américains, japonais, norvégiens et canadiens.
Chez Stein Monast, une équipe de 12 avocats et notaires ont passé les derniers mois à fignoler les détails du projet. Me Provencher était épaulé par ses collègues Mes Odette St-Laurent et Pierre-Olivier Plante.
Spécialiste du droit minier et des valeurs mobilières, Me Provencher et son équipe de Stein Monast ont été approchés en janvier dernier par l’Abitibienne Nemaska Lithium, qui avait besoin que l’on ficelle toute les questions juridiques et réglementaires du dossier, et ce, le plus rapidement possible afin de lancer l’ambitieux projet d’une mine de lithium et d’une usine produisant des sels de lithium.
Ce financement comportant des obligations, des actions et des placements privés servira à financer la construction, la mise en service, le fonds de roulement et les fonds de réserve de la mine de lithium ainsi que d’une usine électrochimique à Shawinigan.
L’hydre à 4 têtes
Audacieux, parce que complexe : à des obligations émises pour une valeur de 455 millions de dollars, on a greffé une émission d’action de 280 millions de dollars, un placement privé de 80 millions, un autre de 100 millions et une entente sur la production de 195 millions de dollars, pour un grand total de près de 1,1 milliard de dollars.
La structure quadruple du financement n’est que la pointe de l’iceberg cependant : des courtiers norvégiens ont émis les obligations, une banque d’investissement japonaise a pris un placement privé, un fonds d’investissement américain a conclu l’entente sur la production tandis qu’un syndicat bancaire canadien s’est occupé de la prise ferme des actions.
Inscrite aux parquets de Toronto, de Francfort et du marché hors-cote américain OTC Markets Group, rien que la préparation des prospectus a nécessité une coordination importante. « Soumettre les prospectus à chacune des autorités réglementaires, s’assurer que les clôtures de chacun des financements soient réglées au doigt et à l’oeil afin que chacune des étapes suivantes puissent aller de l’avant… »
Manque de sommeil

On a le tournis rien que d’y penser.
Et c’est pourtant mineur par rapport aux négociations de tous les instants que Me Provencher, en bon bon chef d’orchestre, a dû mener avec chacun des investisseurs.
« Par exemple, les Norvégiens acceptaient la prise obligataire en échange d’hypothèques de premier rang sur les actifs de notre client. Mais voilà, ce premier rang ayant déjà été cédé à un autre investisseur, il fallait retourner à la table de négociation pour obtenir des cessions de rang. »
Encore des négociations
À cela s’ajoutent la négociation des conditions des créanciers : « Les exigences de l’un ne peuvent pas toujours être consenties à l’autre », poursuit Me Provencher. Soit il faut renégocier les conditions—on réduit ceci, mais on ajoute cela—, soit on propose d’autres exigences.
Tout cela le plus rapidement possible. « Il y a des fenêtres d’opportunités pour les investissements », rappelle Richard Provencher. Si on tarde trop à répondre aux conditions du premier investisseur, le financement d’un second investisseur, conditionnel à l’implication du premier, peut très bien tomber à l’eau.
Heureusement, les avocats de Stein Monast ont pu compter sur leurs collègues d’ici et d’ailleurs. « Tous les avocats sur le dossier avaient le même objectif : financer le projet, et en faire bénéficier leurs clients. Les négociations portaient sur les moyens d’atteindre ces objectifs. »
Et c’est une chance, car cela a permis au projet d’aboutir des délais somme toute assez court. « Quand on ne s’entend même pas sur les objectifs à négocier, ça n’avance pas vite… Car c’est l’exécution qui pose les plus grands défis. On a la pression du temps, et il faut que tout soit fait correctement, en respectant les intérêts juridiques et économiques de toutes les parties. »
De plus en plus complexe

Tout en répondant bien sûr aux questions d’un régulateur, alors que la réponse qu’on va lui donner est conditionnelle à ce qui se passe en Norvège par exemple.
Que ça s’arrête là serait trop beau : le nombre de personnes impliquées dans le dossier donne le vertige. « Rien que pour obtenir les consentements des géologues, dont les avis doivent être inclus dans les prospectus, on devait contacter ces derniers plusieurs fois pour obtenir la douzaine de consentements nécessaires : l’un est en vacances, l’autre n’a pas eu le temps… »
Multiplions cela par le nombre d’avocats et de banquiers impliqués, et on a une idée de ce que l’infini peut représenter.
Il reste que cet infini, Richard Provencher et son équipe ont réussi à le réduire en une quantité gérable. « C’est comme gravir l’Everest. » Ça donne le vertige, mais quand on arrive au sommet, qu’est-ce qu’on est satisfait.
À plus forte raison lorsqu’un projet comme celui de la mine Whabouchi générera presque 1 000 emplois et positionnera le Québec comme un acteur important de la production de lithium, une composante essentielle dans la fabrication de batterie pour les voitures électriques.
Dans l’immédiat cependant, « je ne recommencerais pas un tel projet demain matin! », conclut Richard Provencher, épuisé.
Après des vacances, par contre, sûrement.
Anonyme
il y a 6 ansTMI...Bcp trop long comme "article" (article-fleuve?).