Prévisions 2017 : les actions collectives en hausse

Jean-Francois Parent
2017-01-11 14:30:00

James Woods mise sur une hausse des requêtes en action collective, « qui sont des dossiers mobilisant toujours plusieurs avocats », pour inciter son cabinet à augmenter ses effectifs.
Même son de cloche du côté du cabinet Langlois, qui prévoit également ajouter plusieurs avocats à son équipe de litige, selon l’associé Vincent de l’Étoile. « Dans le marché montréalais, les choses semblent bien aller », observe l’avocat, qui estime lui aussi que l’année 2017 sera occupée devant les tribunaux.
Ainsi, non seulement des embauches sont-elles prévues dans les cabinets, « mais parallèlement les contentieux d’entreprise sont en croissance ».
Un récent sondage des chasseurs de têtes de Robert Half Legal révélait d’ailleurs que près de la moitié des embauches prévues par les donneurs d’ouvrage canadiens seront des plaideurs. Et ce, tant dans les entreprises que dans les cabinets.
Valeurs mobilières

D’abord, parce que le Québec semble plus permissif lorsqu’il s’agit d’autoriser des actions collectives, soumet Vincent de l’Étoile. D’ailleurs, il y aurait « en moyenne, environ 1,5 demande d’action collective déposée chaque semaine au Québec », dit-il.
Ensuite, ce qui se passe au Sud de la frontière traverse souvent le 45è parallèle. L’une des spécialités de Woods, le litige en valeurs mobilières, risque fort de gagner du terrain cette année, croit Me Woods. « Cela suit la tendance américaine où ce type de litige a explosé depuis cinq ans. »
À l’instar des cours de la bourse, dont les prix reflètent plusieurs mois à l’avance ce qui arrivera sur les marchés, les États-Unis servent de précurseurs à ce qui pourrait bien arriver au Canada. « Nous sommes toujours de cinq à dix ans en retard sur les Etats-Unis », constate James Woods.
Pour l’associé de Langlois, Me de l’Étoile, les récents développements légaux pourraient mousser l’attrait des recours pour les plaignants. « Les lois sur les valeurs mobilières ont rendu les recours contre les émetteurs plus faciles », constate Vincent de l’Étoile.
Pour l’essentiel, les demandeurs n’ont plus à démontrer qu’une mauvaise information diffusée par une société cotée en bourse leur a causé un dommage précis. Si on démontre une manipulation boursière, par exemple, il est admis que cela a nécessairement causé du tort aux investisseurs.
Par ailleurs, plusieurs décisions rendues récemment balisent le terrain pour les demandeurs qui se plaignent d’avoir été lésés sur les marchés secondaires : il y a notamment « Theratechnologies Inc. c. 121851 Canada Inc. », en 2005, et les causes impliquant CIBC, IMAX et Celestica, en plus de celle opposant la « Banque Canadienne Impériale de Commerce à Green (2015) », selon Me de l’Étoile.
Nuances

Il s’inscrit également en faux contre l’idée que le Québec est plus coulant envers les demandes d’actions collectives. « C’est la réputation que l’on a, mais elle ne se vérifie pas toujours », dit-il, citant l’exemple d’un récent dossier qu’il a plaidé dans lequel la demande contre un même fabricant a été autorisée en Colombie-Britannique, mais rejetée au Québec.
La responsabilité
Il reste que les trois plaideurs—Woods, de l’Étoile et Marseille—prévoient une hausse des recours de consommateurs contre les fabricants.
D’une part, parce que plusieurs facteurs incitent les consommateurs à déposer une requête, pense Claude Marseille. « Sur les questions de responsabilité du fabricant, on remarque que la Loi sur la protection du consommateur est interprétée de façon généreuse », et ce, au bénéfice des consommateurs, dit-il.
Me Marseille constate en outre qu’« il est possible d’obtenir des dommages punitifs ou exemplaires sans avoir subi de dommages compensatoires », ce qui facilite les recours pour les demandeurs.
Vincent de l’Étoile juge quant à lui que « le niveau de tolérance des consommateurs diminue, qu’ils réclament davantage et qu’ils sont de plus en plus informés », non seulement de leurs droits mais également des recours qui sont déposés.
Toujours plus d’actions collectives ?
Il y au final une tendance qui laisse Claude Marseille perplexe. Ce dernier constate ainsi que l’arrêt Jordan, qui s’en prend aux délais en matière criminelle, a des répercussions en matière civile et commerciale. Cela pourrait du coup permettre l’apparition de recours moins « sérieux ».
Dans l’arrêt Charles c. Boiron de la Cour d’appel, qui oppose un consommateur à un fabricant de produits homéopathiques, la juge Marie-France Bich a écrit, pour motiver sa décision, un commentaire qui pourrait être lourd de conséquences.
Prenant elle aussi les délais judiciaires à partie, la juge Bich s’est demandée « si ce que la Cour suprême définit comme un mécanisme de filtrage (n'exigeant qu'une simple possibilité d'avoir gain de cause et non pas une possibilité réaliste ou raisonnable) a encore aujourd'hui une vocation utile comme préalable à l'action collective ».
« Avec égards pour l’honorable juge Bich, on risque alors de laisser simplement n’importe quelle personne prendre des recours », déplore Claude Marseille.
Ce qui engorgerait d’autant le système, aux dépens d’une saine administration de la justice.