Que signifie vraiment le mot « sciemment »? La réponse de la Cour d’appel…

Élisabeth Fleury
2025-08-28 14:15:28
La Commission municipale du Québec et un maire ne s’entendaient pas sur la définition du mot « sciemment ». La Cour supérieure a tranché, la Cour d’appel confirme…
La Cour d'appel du Québec maintient un jugement de la Cour supérieure qui a refusé de déclarer un maire inhabile à exercer, ce qui lui aurait interdit de se présenter à des élections municipales ou d’occuper un poste public pendant deux ans.

Les juges Frédéric Bachand, Lori Renée Weitzman et Christian Immer ont confirmé dans une décision rendue le 21 août ce que le juge Shaun E. Finn de la Cour supérieure avait déjà statué en janvier: le maire de Grenville-sur-la-Rouge, Thomas Arnold, a commis une erreur en s'ingérant dans un processus d'appel d'offres, mais il ne l'a pas fait de manière « sciemment illégale ».
L’appelante, la Commission municipale du Québec, était représentée par Mes Kim Rivard et Joanie Lemonde, alors que l’intimé, le maire Arnold, était défendu par Mes Nicolas Plourde et Zhéa Audegond, de Sarrazin Plourde.
Connaître les faits ou connaître l'illégalité?
L'affaire tournait autour d'un point de droit précis : la signification du mot « sciemment » dans le Code municipal du Québec.
L’article 938.4 al. 1 du Code municipal du Québec permet de déclarer inhabile un élu qui a « sciemment » contribué à l'adjudication d'un contrat sans respecter les règles. L'appelante soutenait que « sciemment » signifie simplement « en pleine connaissance des faits », peu importe si l'élu connaissait le caractère illégal de ses gestes.
La Cour d'appel rejette cette interprétation. En se basant sur une jurisprudence antérieure, notamment l'arrêt Néron c. Bilodeau, elle rappelle que « sciemment » dans ce contexte signifie bien que l'élu doit avoir été conscient que ses actions ne respectaient pas la loi. L'ignorance de la loi ne pardonne pas, mais la bonne foi peut être un argument.

La Cour a également précisé que l'affaire Fortin c. Gadoury, invoquée par l'appelante, ne s'appliquait pas ici. Cet autre jugement traitait d'une disposition différente de la loi, concernant les malversations et abus de confiance, des gestes qui sont par nature moralement répréhensibles.
Le Code municipal, en revanche, vise un plus large éventail d'infractions, y compris des irrégularités administratives plus techniques. Dans ce contexte, la Cour a jugé qu'il est crucial de distinguer la fraude et la corruption de la simple erreur.
La bonne foi d'abord
Selon l'arrêt, le mot « sciemment » vise à protéger les élus de bonne foi. Il ne s'agit pas d'une sanction pour une simple irrégularité, mais bien pour un refus délibéré de respecter la loi. L'élu doit avoir manifesté une intention d'agir illégalement, ou au moins une grande insouciance envers les conséquences de ses actions.
Puisque le juge de première instance avait conclu que l'ex-maire avait agi sans être conscient du caractère illégal de son comportement, la Cour d'appel n'a trouvé aucune raison de revenir sur cette décision. L'appel a donc été rejeté, avec frais.