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Qu’est-ce qui bouge en droit immobilier ?

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Camille Dufétel

2023-06-19 13:15:00

Certaines tendances juridiques affectent le marché de l’immobilier au Québec et donc le travail des avocats. Lesquelles, et pourquoi ? Ce grand cabinet répond.
Mes Isabelle Tamilia et Piero Biasini. Source: De Grandpré Chait
Mes Isabelle Tamilia et Piero Biasini. Source: De Grandpré Chait
Dans une récente publication sur LinkedIn, le cabinet De Grandpré Chait s’est dit ravi d’avoir contribué au Chambers and Partners Real Estate 2023 Global Practice Guide.

Plusieurs de ses avocats, Me Isabelle Tamilia, Me Alexander Rigante et Me Deirdra Corber, ont en effet rédigé pour ce guide un article sur les tendances juridiques les plus importantes qui ont affecté et continueront d’affecter le marché de l’immobilier au Québec. Droit-Inc a souhaité savoir ce que cela changeait concrètement pour les avocats.

Me Tamilia, avocate au sein de l’équipe de droit immobilier et Barreau 2021, ainsi que Me Piero Biasini, Barreau 2003, ont répondu à nos questions.

À noter que ce dernier pratique le droit immobilier en mettant l’accent sur le financement ainsi que l’acquisition et la vente d’entreprises. Son cabinet rappelle qu’il agit pour le compte de promoteurs immobiliers, d’investisseurs, de propriétaires et de locataires eu égard à la vente et l’acquisition d’actifs immobiliers au Québec ou à l’étranger, ainsi qu’en matière de location et d’autres transactions immobilières.

Selon votre publication, l’immobilier au Québec a connu de grands changements à la fois économiques et réglementaires en 2022. Lesquels, et quels impacts ont-ils cette année ?

Me Isabella Tamilia (I.T.) : C’est sûr que 2022-2023, c’était vraiment exceptionnel en termes de droit pour notre secteur. On a couvert dans notre article les trois lois majeures qui ont bouleversé notre département. La première est celle sur l’interdiction d’achat d’immeubles résidentiels par des non-Canadiens.

La deuxième est la loi sur la langue officielle et commune du Québec, le français, donc les nouvelles restrictions relatives à la langue française. La troisième est la Loi modifiant diverses dispositions législatives principalement en matière d’habitation.

La première que j’ai citée concerne le résidentiel, et nous, on fait du commercial. Mais il y avait une certaine ambiguïté dans la loi qui a quand même créé des réactions et des inquiétudes. Le gouvernement est venu spécifier le tout et mettre des exceptions en place, qui ont clarifié les choses.

La loi qui a vraiment affecté notre département, et qui l’affecte tous les jours, c’est la langue. On est obligé de tout publier en langue française et la majorité de nos clients sont anglophones. Il y en a qui ne viennent pas du tout du Québec.

La première étape, celle de l’offre, est en anglais pour la majorité de nos clients parce qu’ils ne parlent pas français. Mais, quand vient le temps d’enregistrer notre acte de vente, il faut tout traduire en français.

Des comités ont été mis en place parmi les avocats dans notre secteur pour essayer de trouver une pratique commune.

Vous devez donc désormais, dans votre cabinet, faire de la traduction ?

Me Piero Biasini (P.B.) : Oui, et souvent, ça concerne des relations d’affaires qui courent depuis plusieurs années. Par exemple, on a un client qui fait affaire avec une banque, ça fait des années, et on a dû quasiment réinventer la roue. Il y avait un financement déjà en place avec les parties, fait en anglais, et maintenant, il y a une sorte de transition qu’on doit faire pour respecter la Loi 96. Ça amène du travail.

Depuis septembre, il y a plusieurs approches pour faciliter les choses, mais je dirais que ça ne facilite pas les affaires. Souvent, les termes de l’offre sont négociés bien avant, et il y a toujours une inquiétude qu’on change un peu le « business deal » entre les parties. Dans un acte de vente, il y a plusieurs représentations et garanties données et il faut vraiment faire attention à ce que la traduction reflète l’intention des parties qui étaient là depuis le début.

On a mis en place un système pour essayer de faciliter la chose et faire le nécessaire pour respecter les publications.

La Loi modifiant diverses dispositions législatives principalement en matière d’habitation, qui confère à toute municipalité québécoise un droit de préemption sur les immeubles, sur tout ou partie de son territoire, moyennant le respect de formalités, a-t-elle un impact sur votre pratique ?

I.T. : Ça va nous affecter de plus en plus, quand ils vont exercer leur droit. Avant, c'était juste pour Québec, et maintenant, toutes les municipalités peuvent enregistrer un droit applicable sur leur territoire. Ce que ça fait, c’est qu’elles vont notifier le propriétaire, et ce dernier, à ce moment-là, est obligé, à chaque fois qu’il reçoit une offre, de la présenter à la municipalité.

La municipalité a 60 jours pour décider si elle veut exercer ce qui est comme un droit de premier refus. Elle a une priorité pour acheter l’immeuble. Ça fait ralentir le processus pour nous. Les gens ne vont pas savoir combien de temps ça va prendre. Ça touche le département en droit municipal, mais ça nous affecte en droit immobilier aussi, puisqu’on travaille ensemble.

La hausse des taux d’intérêt, l’augmentation des coûts de construction, les changements dans les habitudes de consommation, l’avez-vous ressenti ?

P.B. : Avec les taux d’intérêt et l’inflation, c’est certain qu’au niveau du financement, c’est devenu un peu plus long comme processus. Les institutions financières ont plus de restrictions. Ça fait en sorte que ce que je vois dans ma pratique, c’est beaucoup de refinancement.

La tendance que je vois en tout cas pour le futur, c’est que les clients, de plus en plus, font un effort au niveau des critères ESG, ils ont mis plus de priorités là-dessus. C’est devenu quasiment un bien rare pour les banques parce qu’elles aiment ça quand les gens respectent cette nouvelle tendance environnementale, sociale et de gouvernance. C’est une opportunité pour les investisseurs au Québec de faire un développement plus attirant pour les gens et les institutions.

Il y a beaucoup d’opportunités également dans le futur au niveau du multirésidentiel avec le REM qui est mis en place, pour les gens qui font du travail hybride par exemple. Aussi sur le plan des marchés mixtes. On trouve beaucoup de projets mixtes.

Vous êtes donc confiant pour l’avenir, le secteur immobilier est résilient au Québec ?

P.B. : Il y a moins de compétition pour une transaction là où avant il y avait une surenchère avec cinq acheteurs par exemple pour une propriété immobilière. Mais le volume est là. Je trouve que notre clientèle et les investisseurs regardent les opportunités qui sortent un peu de leur cadre, comme le développement mixte.

Si les six derniers mois de l’année sont comme les premiers, on s’en sortira assez bien. On sort de la pandémie assez bien comparativement à d’autres marchés à travers le Canada.

Et avec le retour du travail au bureau, les taux d’occupation ont augmenté. C’est certain que ça ne reviendra pas au niveau pré-pandémique, mais je vois de plus en plus de retours au travail en mode hybride. Il y avait beaucoup d’inquiétude au niveau commercial, des commerces de détail, surtout à Montréal, mais je pense qu’elle est passée et qu’on va voir plus d’investissement là-dedans.
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