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Une action collective, deux cabinets : pour qui les honoraires?

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Didier Bert

2024-07-18 15:00:27

Me Marc Chétrit. Source : LinkedIn
Me Marc Chétrit. Source : LinkedIn
La Cour supérieure a dû trancher le partage d’honoraires entre deux cabinets qui ont successivement représenté les demandeurs d’une action collective… Jugement de Salomon?



Une action collective qui se prolonge, des demandeurs qui changent d’avocats… Qui doit recevoir le gros des honoraires?

C’est à cette question que le juge Martin Sheehan de la Cour supérieure a répondu dans une décision récente.

Entre 2012 et 2016, des demandeurs ont mandaté le cabinet Chétrit pour intenter des actions collectives contre la Ville de Montréal. Ils alléguaient que les policiers avaient abusivement encerclé, détenu ou émis des contraventions lors de manifestations entre 2011 et 2015. La première autorisation a été accordée en septembre 2013, suivie de cinq autres en septembre 2017.

En octobre 2019, une conférence de règlement à l’amiable a été tenue, menant à une entente de principe formalisée en septembre 2022. Pendant cette période, les demandeurs ont successivement substitué leurs avocats du cabinet Chétrit par ceux du cabinet Arsenault Dufresne Wee. Le 22 février 2023, la transaction a été approuvée, avec une ordonnance de recouvrement collectif et une liquidation individuelle, et les honoraires fixés à 25 % des montants des règlements, soit 711 082,96 $.

80 % pour qui?

Me Justin Wee et Me Alain Arsenault. Source : ADW
Me Alain Arsenault et Me Justin Wee. Source : ADW

Mais un différend est apparu quant au partage de ces honoraires. Me Marc Chétrit a revendiqué 80 % des honoraires, en invoquant son rôle crucial dans les premières étapes des actions, tandis que Me Justin Wee et Me Alain Arsenault, responsables de la finalisation de la transaction et de la distribution des fonds, ont réclamé 80 % des honoraires pour eux-mêmes. Le différend est arrivé devant la Cour supérieure, appelée à trancher à la demande des deux cabinets.

Le tribunal s’est appuyé sur plusieurs critères pour opérer le partage, à savoir l’expérience, le temps et l’effort consacrés, la responsabilité et le risque assumés, ainsi que la contribution respective au résultat obtenu. Le juge Sheehan a noté que le cabinet Chétrit avait initié les demandes et conduit les premières étapes cruciales du litige pendant plus de sept ans. De son côté, le cabinet Arsenault Dufresne Wee (ADW) a finalisé la transaction et supervisé la distribution des fonds aux membres du groupe.

En matière d’expérience, le tribunal a reconnu que les deux cabinets sont pilotés par des avocats d’expérience, même si Arsenault Dufresne Wee dispose de davantage d’expérience en matière d’actions collectives.

Pour le temps et l’effort consacrés au dossier, c’est le cabinet Chétrit qui prend l’avantage, en raison de son travail préparatoire aux demandes d’actions collectives et de ses participations aux conférences de règlement à l’amiable, alors que le cabinet ADW est entré en scène à l’étape suivante jusqu’à l’exécution du jugement d’approbation.

Une prise de risque en 2012

Le juge Sheehan a donné du poids au critère de la responsabilité et du risque assumé, en notant que « lors du dépôt de la première Demande d’autorisation en 2012, peu de jugements favorables avaient été rendus à l’encontre de municipalités pour des abus commis par des policiers lors de manifestations. »

Quant au résultat obtenu et à la contribution respective des avocats au résultat, le juge Sheehan reconnaît des mérites équivalents aux deux cabinets.

Le tribunal a également considéré l’opinion des demandeurs, tout en relativisant son poids dans sa décision.

« Les demandeurs ont tous suggéré que le cabinet ADW devrait recevoir 80 % des Honoraires ». Mais, « si l’opinion des membres est importante lorsque vient le temps d’approuver l’enveloppe globale, il perd beaucoup d’importance une fois que l’enveloppe a été approuvée et qu’il suffit de la partager », relativise le juge Sheehan, qui précise que « dans le cas présent, une réduction de la part des honoraires d’un cabinet ne bénéficie pas aux membres, mais à l’autre cabinet. Dans les circonstances, l’intérêt juridique des membres sur cette question est nettement moins percutant. »

Quant à la qualité des services, le tribunal note les difficultés du cabinet Chétrit à bien communiquer avec les demandeurs. Me Marc Chétrit s’est alors adjoint les services du cabinet Grey Casgrain à titre d’avocat-conseil. Cet ajout lui a autant profité qu’au cabinet ADW, souligne le juge.

Finalement, le juge Martin Sheehan a conclu que, bien que le cabinet Arsenault Dufresne Wee a joué un rôle déterminant dans les étapes finales, le cabinet Chétrit avait assumé un risque plus élevé et avait contribué de manière significative au succès initial des actions collectives.

Tout en soulignant l’importance du rôle des deux cabinets, « en pondérant l’ensemble des critères susmentionnés et en considérant davantage le critère du risque assumé comme l’enseigne la Cour d’appel », le tribunal a jugé que la contribution du cabinet Chétrit justifiait une répartition des honoraires légèrement en sa faveur. Le juge Sheehan attribue 60 % des honoraires au cabinet Chétrit, soit 426 649,78 $, et 40 % au cabinet Arsenault Dufresne Wee, soit 284 433,18 $.

Cependant, du montant qui lui est accordé, le cabinet Chétrit doit assumer l’entièreté du remboursement aux Fonds d’aide aux actions collectives (FAAC), lui laissant un solde de 340 060,28 $.

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