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Attention à vos mises en garde – La Cour d’appel du Québec place la barre très haut

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Andrei Pascu Et Ariane Tousignant

2024-10-03 11:15:03

Andrei Pascu, l'un des auteurs de cet article. Source : McMillan
Andrei Pascu, l'un des auteurs de cet article. Source : McMillan
Focus sur une récente décision de la Cour d’appel du Québec…

Le 11 juillet 2024, dans Reckitt Benckiser (Canada) inc. c. Société d’assurance Beneva inc. (La Capitale Assurances Générales Inc.), la Cour d’appel du Québec a rendu une décision clarifiant l’obligation du fabricant, du fournisseur et du distributeur de fournir des mises en garde et des renseignements adéquats au consommateur.

Ces obligations découlent des articles 1468, 1469 et 1473 du Code civil du Québec (« C.c.Q. ») et des articles 37, 38 et 53 de la Loi sur la protection du consommateur (« L.p.c. »). La décision en question confirme celle de première instance rendue par l’honorable juge Alain Michaud de la Cour supérieure du Québec dans le dossier La Capitale assurances générales inc. c. Construction McKinley Inc.

Par son analyse approfondie de l’obligation d’information incombant aux fabricants et aux distributeurs, la Cour d’appel a tenu Reckitt Benckiser (Canada) Inc. (« Reckitt ») responsable de ne pas avoir divulgué avec suffisamment de précision les risques et dangers inhérents à leurs produits, et Céramique Décor M.S.F. (« Céramique Décor ») responsable d’avoir omis d’informer ses clients antérieurs de ces risques et dangers.

Contexte

Décision de première instance

Le 2 février 2017, un robinet de marque Rubi vendu par Céramique Décor s’est brisé en raison de la corrosion, causant un dégât d’eau à la maison des demandeurs. Ladite corrosion a été causée par le produit Lysol Advanced, un produit d’entretien domestique contenant 12 % d’acide chlorhydrique, qui a été stocké par les demandeurs sous l’étagère de leur évier, de sorte que le bouchon du produit s’est retrouvé à quelques centimètres du chemin d’accès du raccord flexible qui alimente le robinet d’eau froide.

La Capitale, subrogée dans les droits de ses assureurs, a donc déposé une réclamation de 137 239,23 $ contre notamment Céramique Décor, le fournisseur du robinet, et Reckitt, le fabricant du produit Lysol Advanced.

La décision dont il est ici question traite du défaut allégué du connecteur flexible, de l’obligation du fournisseur du connecteur flexible d’avertir les acheteurs antérieurs des dangers de corrosion, ainsi que de la suffisance des mises en garde fournies avec le produit Lysol Advanced.

La faute de Céramique Décor (distributeur de robinets et de connecteurs flexibles)

a. Vice caché

La Cour supérieure a conclu que les robinets Rubi vendus par Céramique Décor ne présentaient pas de vice caché. En effet, bien que La Capitale ait soutenu que les connecteurs flexibles du robinet étaient affectés par un défaut important et un défaut fonctionnel, en raison du fait que la corrosion aurait prématurément affecté les composants des connecteurs, le Tribunal n’a pas conclu à l’existence d’un défaut pour les raisons suivantes : Il n’est pas raisonnable de présumer que les conditions normales d’utilisation d’un robinet et de ses accessoires comprennent un élément d’environnement corrosif.

Le robinet et ses accessoires sont conformes aux normes et ont été certifiés. Même si le produit avait été affecté par un vice caché, Céramique Décor aurait été en mesure de réfuter la présomption à son encontre, étant donné qu’il n’y avait aucune preuve à l’audience qui suggérait que le distributeur, au moment de la vente du robinet en 2012, était au courant que les vapeurs d’acide chlorhydrique pouvaient altérer les raccords tressés en acier inoxydable.

b. Manquement aux obligations d’information

Compte tenu de ce qui précède, la Cour conclut qu’il ne s’agit pas d’un litige relatif au vice caché, mais plutôt d’un litige relatif à l’obligation d’informer. Céramique Décor savait depuis 2014 que les robinets Rubi étaient sensibles à la corrosion lorsqu’ils étaient exposés à un environnement chloré, et elle a modifié le texte du guide d’installation en 2015 pour divulguer ces risques.

Toutefois, le juge de première instance a estimé que Céramique Décor aurait dû également envoyer un avis à ses clients antérieurs, et il l’a tenue responsable de ne pas l’avoir fait.

La faute de Reckitt (fabricant de Lysol Advanced)

a. Vice caché

En ce qui concerne la responsabilité de Reckitt, le juge de première instance a conclu que, même si Lysol Advanced était un produit agressif et corrosif contenant une forte dose d’acide chlorhydrique, rien ne l’empêchait d’être offert en vente libre aux consommateurs. Reckitt ne peut donc être tenue responsable d’avoir mis le produit sur le marché, et le produit était exempt de tout vice caché.

b. Manquement aux obligations d’information

Toutefois, la Cour supérieure a jugé que le fabricant était responsable de ne pas avoir informé les consommateurs de façon précise et complète des risques et des dangers liés à l’utilisation de Lysol Advanced, ainsi que des moyens de protection contre ceux-ci.

La Cour a conclu que Reckitt était consciente du danger lié à l’utilisation du produit, puisqu’elle l’a clairement indiqué sur sa fiche de données de sécurité, destinée à l’usage industriel, en indiquant que Lysol Advanced peut être corrosif pour les métaux.

Toutefois, la divulgation faite aux consommateurs visait seulement à garder le contenant hermétiquement fermé dans un endroit frais et bien aéré, sans fournir d’autres explications. L’entreprise avait le devoir d’énoncer clairement le risque encouru par les consommateurs, comme elle l’a fait pour le monde industriel.

Conclusion

Le jugement répartit la responsabilité, à faire valoir contre les défendeurs, à hauteur de 25 % pour Céramique Décor et à 75 % pour Reckitt. Reckitt a interjeté appel de la décision de la Cour supérieure.

À propos des auteurs

Andrei Pascu est un avocat plaidant du cabinet McMillan ayant une vaste expérience des différends dans les domaines de la responsabilité du fait du produit et de l’immobilier commercial.

Ariane Tousignant est stagiaire en droit chez McMillan.

2011
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