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De nouvelles lignes directrices en matière de déclarations environnementales

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Quelles sont les lignes directrices en matière de déclarations environnementales?

Andrée-Anne Perras-Fortin et Samuel Ross - source : ROBIC


Le 5 juin 2025, le Bureau de la Concurrence (le « Bureau ») a publié la version définitive de ses lignes directrices sur les déclarations environnementales. Très attendues, ces nouvelles lignes directrices font écho au projet de réforme de la Loi sur la concurrence (la « Loi »), qui, depuis l’adoption du projet de Loi C-59, visent spécifiquement les déclarations environnementales des entreprises. Bien que ces lignes directrices n’aient pas force de loi, elles constituent un guide utile pour aider les entreprises à rédiger leurs déclarations environnementales.

Contexte d’adoption des lignes directrices

En juin 2024, les modifications à la Loi sur la concurrence ont introduit deux nouvelles dispositions visant expressément les déclarations environnementales. Elles imposent aux entreprises de fonder, d’une part, certaines affirmations concernant les avantages environnementaux d’un produit sur une preuve suffisante et appropriée, et d’autre part, certaines indications relatives aux avantages environnementaux de ses activités sur des éléments corroboratifs adéquats, obtenus selon une méthode reconnue à l’échelle internationale.

Comme nous l’avions mentionné dans une publication précédente, de nombreux acteurs et parties prenantes ont exprimé le besoin de clarifications quant à la mise en œuvre de ces nouvelles exigences, ce qui a conduit le Bureau à organiser une consultation publique en vue d’élaborer les nouvelles lignes directrices. Celles-ci complètent l’ensemble des directives et rapports publiés ces dernières années et sont présentées comme la version définitive des lignes directrices du Bureau. Nous verrons toutefois qu’elles s’imposent davantage comme un guide d’interprétation susceptible d’être utilisé par les tribunaux.

Certaines précisions du Bureau

Tout d’abord, le Bureau de la concurrence maintient une interprétation large de ce qui constitue une déclaration environnementale, qui, pour rappel, désigne toute affirmation liée à l’environnement faite dans le but de promouvoir un produit ou de soutenir des intérêts commerciaux. Cette définition n’est pas nouvelle et relève notamment du recueil des pratiques commerciales trompeuses publié en juillet de l’année dernière et même des lignes directrices de 2008. De fait, le Bureau continue à se concentrer sur les affirmations destinées au public à des fins promotionnelles, et non sur celles émises à d’autres fins ou relevant de la compétence d’autres organismes gouvernementaux.

Ensuite, le Bureau fournit quelques explications et exemples utiles à l’interprétation des dispositions civiles de la Loi qui sont pertinentes pour les déclarations environnementales. Parmi les exemples fournis, on retrouve des déclarations portant sur les qualités ou caractéristiques environnementales d’un produit, mais aussi sur ses modes de production, la provenance des matériaux, l’emballage ou encore la destruction du produit.

Indications fausses ou trompeuses

L’interdiction de diffuser des indications fausses ou trompeuses n’est pas nouvelle et concerne toute affirmation importante, qu’elle vise un produit ou l’entreprise elle-même. Lorsqu’une entreprise est visée par une enquête du Bureau pour ce motif, elle n’a pas à prouver le bien-fondé de sa déclaration ou à démontrer qu’elle n’est pas trompeuse; c’est au Bureau d’en apporter la preuve du contraire.

Indications de rendement d’un produit

Les affirmations concernant le rendement, l’efficacité ou la durée de vie d’un produit, y compris les performances environnementales, doivent être appuyées par une épreuve suffisante et appropriée. Le Bureau rappelle que la notion de preuves « suffisante et appropriée » est flexible et doit être appréciée selon le contexte et l’impression générale laissée au consommateur. Pour établir une infraction liée à une telle indication, le Bureau doit démontrer trois éléments : (i) l’affirmation a été communiquée au public par l’entreprise; (ii) il s’agit d’une indication de rendement au sens de la Loi; et (iii) l’affirmation a été faite dans un objectif promotionnel ou commercial. L’entreprise peut se dégager de sa responsabilité en prouvant que sa déclaration reposait sur une preuve suffisante et appropriée.

Un exemple de violation présenté par le Bureau est celui d’une entreprise qui affirme que ses vêtements ne libèrent aucune fibre de microplastiques, réduisant la pollution des cours d’eau causés par ces fibres dans les machines à laver, alors que cette affirmation repose uniquement sur épreuves en développement du produit, sans tests reproduisant le lavage dans une machine à laver à domicile.

Déclarations sur les avantages environnementaux d’un produit ou d’une entreprise et de son activité

Une nouvelle disposition de la Loi interdit toute affirmation sur les avantages environnementaux d’un produit, comme la protection ou la restauration de l’environnement, ou la réduction des causes ou effets des changements climatiques, qui ne serait pas appuyée par une épreuve suffisante et appropriée. Selon le Bureau, une entreprise qui vante la résistance de ses chandails, leur absence de rejet de microplastiques au lavage et leur caractère écologique pour les cours d’eau, sans avoir mené de tests en conditions réelles, serait en infraction.

Une seconde nouvelle disposition reprend ce principe pour les déclarations sur l’entreprise elle-même ou son activité, mais exige en plus que les preuves soient obtenues selon une méthode reconnue internationalement, c’est-à-dire généralement acceptée dans au moins deux pays. Ce critère de reconnaissance internationale n’est pas décrit de façon exhaustive ni détaillée par le Bureau.

Toutefois, les lignes directrices clarifient que la reconnaissance internationale requise par la disposition n’est pas nécessairement liée aux gouvernements, mais inclut également celle des industries, des autorités réglementaires ou d’organismes. Un exemple mentionné d’une violation à la disposition serait une entreprise qui déclare viser la carboneutralité d’ici 2050 dans un communiqué marketing, sans avoir vérifié ou analysé la validité de cette affirmation.

Ces nouvelles règles devront être interprétées par les tribunaux, mais le Bureau estime que les principes applicables aux indications de rendement, notamment le partage du fardeau de la preuve et la possibilité de se décharger par des preuves suffisantes, s’appliqueront aussi aux déclarations sur les avantages environnementaux.

Quelques principes et réponses aux questions

Dans le cadre des lignes directrices, le Bureau reconnait l’évolution constante des déclarations environnementales. C’est pourquoi il ne cherche pas à limiter ni interdire des déclarations, mais réitère tout de même les principes élaborés dans la version précédente des lignes directrices pour aider les entreprises à déterminer la conformité de leurs déclarations environnementales. À titre de rappel, ces principes peuvent être résumés ainsi:

Véracité : Les déclarations doivent être exactes et non trompeuses.

Fondement probant : Toute allégation sur les avantages environnementaux ou le rendement doit reposer sur des preuves suffisantes et appropriées, obtenues avant la publication.

Précision des comparaisons : Les comparaisons environnementales doivent clairement indiquer ce qui est comparé et sur quelle base.

Éviter l’exagération : Les affirmations ne doivent pas exagérer les avantages ou les caractéristiques environnementales.

Clarté et précision : Les déclarations doivent être claires, précises et non vagues.

Déclarations sur l’avenir : Les engagements ou projections environnementaux doivent être appuyés par des plans concrets et des éléments corroboratifs.

Bref, bien que ces nouvelles lignes directrices demeurent relativement générales, elles communiquent l’état d’esprit du Bureau de la concurrence en matière de déclarations environnementales. Plusieurs intervenants ont tout de même souligné le besoin d’une version plus encadrée et détaillée, précisant les circonstances dans lesquelles de telles déclarations sont acceptées.

À titre de comparaison, les lignes directrices de 2008 étaient plus de deux fois plus longues que celles publiées actuellement. Or, malgré l’absence de directives précises, les entreprises pourront néanmoins se référer à ces lignes directrices, à titre indicatif, si elles souhaitent mettre de l’avant les qualités ou les avantages environnementaux de leurs produits ou services. Bien évidemment, il sera intéressant de voir si, et comment, les tribunaux utiliseront celles-ci.

Cet article a été publié à l’origine sur le site de Robic.

À propos des auteurs

Andrée-Anne Perras-Fortin axe sa pratique, chez Robic, sur le droit des contrats liés à la propriété intellectuelle, le droit d’auteur et le droit des marques de commerce.

Samuel Ross œuvre chez Robic en litige de propriété intellectuelle et conseille ses clients dans toutes les facettes de ce domaine de droit, tant au niveau stratégique que litigieux.

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