Opinions

Décision récente sur l’aliénation parentale

Main image

Sophia Claude

2021-08-17 11:15:00

Quelle importance doit accorder le Tribunal à une situation d’aliénation parentale pour statuer sur la garde d’un enfant? Le point de vue d’une avocate…
Me Sophia Claude, l’auteure de cet article. Source : Site web de TCJ
Me Sophia Claude, l’auteure de cet article. Source : Site web de TCJ
La notion d’aliénation parentale se rapporte à une perte d’affection d’un enfant, influencé par le dénigrement d’un parent, à l’égard de l’autre parent. La formation de cette relation parent-enfant anxieuse ou négative peut avoir de graves conséquences sur le développement de l’enfant.

De ce fait, lorsque le Tribunal constate une telle situation, tous les remèdes possibles doivent être considérés en fonction du meilleur intérêt de l’enfant, comme toute décision en matière de garde. La Cour doit se demander s’il est préférable de séparer l’enfant de la relation malsaine ou de ne pas chambouler d’un coup cette relation forte de l’enfant avec le parent aliénant.

Dans une décision du 11 janvier 2021, la Cour supérieure s’est penchée sur une demande de garde exclusive d’une enfant, ainsi que de déchéance partielle de l’autorité parentale de la mère considérant l’aliénation parentale que subirait l’enfant. Le Tribunal conclut à l’attitude aliénante de la mère envers sa fille, consciemment ou non, mais décide de maintenir l’octroi de la garde de l’enfant auprès d’elle tout en ordonnant le respect et l’application des modalités d’accès du père convenues à la séparation des parties.

D’abord, la preuve démontre que la majorité des huit critères permettant de reconnaître une situation d’aliénation parentale de l’enfant était présente :
#« Une campagne de dénigrement de l’enfant à l’égard du parent rejeté;
#L’enfant parlant du rejet du parent en utilisant des raisons qui ne tiennent pas la route;
#Un manque d’ambivalence chez l’enfant;
#Un manque de culpabilité chez l’enfant qui se croit justifié de dénigrer son parent;
#L’animosité de l’enfant s’étend à l’entourage du parent aliéné;
#L’enfant se présente comme l’allié du parent aliénant;
#L’emprunt par l’enfant de propos tenus par le parent aliénant;
#L’enfant se présente comme penseur indépendant à l’abri de toute influence.1 »
Devant un constat d’aliénation sévère presque complète, le juge analyse le dossier pour prendre la meilleure décision dans l’intérêt de l’enfant. Le Tribunal est d’avis que les deux parents ont des capacités parentales satisfaisantes. Cela dit, leur fille a des besoins particuliers dus à une surdité bilatérale partielle et a développé une relation fusionnelle-symbiotique avec sa mère.

Par ailleurs, bien que le Tribunal affirme que le témoignage d’une enfant de 11 ans exprimant ses désirs doit être pris en considération, il nuance le rôle joué par ce critère avec la constatation d’aliénation parentale en ce que le jugement de l’enfant peut être influencé. Effectivement, certains enfants, comme c’est le cas en l’espèce, mettent fin au duel de loyauté en choisissant un camp, souvent pour protéger la relation intime avec le parent aliénant.

C’est l’opinion du psychologue qui est déterminante dans l’affaire. Dans son rapport d’expertise, ce dernier relate qu’il y a présence d’aliénation parentale puisque rien de spécifique chez le père ne permet d’expliquer la perception négative de l’enfant envers ce dernier. Or, il considère prématuré d’opter pour une garde partagée, considérant l’état réversible de la situation, les besoins moraux et affectifs de l’enfant, ainsi que le progrès constaté dans la relation avec son père suivant le coaching parental, d’abord ordonné en février 2020 par cette même Cour.

Bref, une constatation d’aliénation parentale ne mène pas de manière systématique à une modification des mesures liées à la garde ou un renversement de garde : rétablir progressivement la relation avec le parent rejeté est priorisé. Il doit avoir une réflexion sur l’instabilité et l'insécurité émotives de l’enfant et de la relation qu’entretient l’enfant avec le parent aliénant. Dans sa décision, le juge rappelle aux parties que l’autorité parentale reste partagée en tout temps et recentre les actions de chacune des parties sur l’intérêt de l’enfant en ordonnant notamment à chaque partie de ne pas dénigrer l’autre devant l’enfant.

Nous vous invitons à communiquer avec notre équipe en droit de la famille pour toute question.

Sur l’auteure

Avocate et médiatrice à Montréal, Sophia Claude œuvre en droit de la famille et des personnes, chez Therrien Couture Joli-Coeur. Elle aide ses clients concernant les problèmes familiaux de tout genre, le tout avec ouverture d’esprit.
11776
3 commentaires
  1. christelle
    christelle
    il y a 3 ans
    abusé
    donc mme dénigre et on laisse l'enfant avec .. tout va bien, le père s'en prend la tête et c'est lui qui est puni avec des visites médiatisées, après c'est logique que des femmes sur des groupes se filent ce genre d'info, la preuve ça marche.. l'enfant avec un parent toxique c'est sur qu'il est sécurité et que son développement va être au top... le droit des enfants n'est absolument pas respectées ni les lois s'y rapportant ...

  2. Sébastien
    Sébastien
    il y a 3 ans
    Dont acte, mais après?
    Merci pour cette très intéressante information, je pense être à la fin de la période "enfant" de ma fille qui pourrait tout à fait être cette petite fille de 11 ans...
    Sauf que j'ai tardé, tergiversé, une fois engagé dans une démarche, été confronté à une "jeune fille presque adulte", une psychologue qui a constaté des choses sans pour autant y voir du danger, bénéficié de jugements qui, non-respectés, ne changent pas grand-chose.. bref ce que je lis c'est notre histoire, ma fille, sa mère et moi le méchant papa.

    Mais cher JAF, que se passe-t-il après? Ma fille a 18 ans, quid de sa vie à 25, 35 et plus tard, quelle mère sera-t-elle? quelle épouse? et moi? grand-père aliéné? beau-père dénigré?

    • Sir Fumes-a-lot
      Sir Fumes-a-lot
      il y a 3 ans
      La pensée magique ne marche pas toujours...
      C'est ce qui arrive quand le mot d'ordre est "médiation, négociation et réhabilitation". Comme si les sermons des juges et les plaidoyers en faveur de la "bonne volonté" pouvaient changer des personnes fondamentalement tarées.

      Comme en matière criminel, il y en a qui sont réhabilitables, d'autres non. Malheureusement, on dirait que c'est plus facile de donner une dernière chance au fautif que de rendre un jugement sévère. Y'aurait toujours le prochain juge qui pourra rendre jugement si cette fois-ci n'est pas la bonne...

Annuler
Remarque

Votre commentaire doit être approuvé par un modérateur avant d’être affiché.

NETiquette sur les commentaires

Les commentaires sont les bienvenus sur le site. Ils sont validés par la Rédaction avant d’être publiés et exclus s’ils présentent un caractère injurieux, raciste ou diffamatoire. Si malgré cette politique de modération, un commentaire publié sur le site vous dérange, prenez immédiatement contact par courriel (info@droit-inc.com) avec la Rédaction. Si votre demande apparait légitime, le commentaire sera retiré sur le champ. Vous pouvez également utiliser l’espace dédié aux commentaires pour publier, dans les mêmes conditions de validation, un droit de réponse.

Bien à vous,

La Rédaction de Droit-inc.com

PLUS

Articles similaires