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Exigences du projet de loi 96 en matière de langue française

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Véronique Wattiez Larose, Eugenia Bouras Et Vino Wijeyasuriyar

2025-06-03 11:15:25

Quelques idées reçues courantes au sujet du projet de loi 96…

Véronique Wattiez Larose et Eugenia Bouras - source : McCarthy


À l'approche du 1er juin, bon nombre de nos clients nous contactent pour vérifier leur conformité avec le projet de loi 96 avant la « date butoir ». Ceci n'est pas surprenant compte tenu de l'attention que cette date a suscitée tant dans les médias que dans les publications de marketing des cabinets d'avocats portant sur les nouvelles modifications à la Charte de la langue française (la « Charte ») promulguées par le projet de loi 96.

Mais que se passe-t-il exactement le 1er juin et, plus précisément, qu’est-ce qui ne se passera pas le 1er juin? Dans cet article, nous aborderons quelques idées reçues courantes auxquelles nos clients ont été confrontés.

L’emballage et l’étiquetage de mes produits doivent être conformes au projet de loi 96 d'ici le 1er juin

L'exigence selon laquelle aucune inscription rédigée dans une langue autre que le français ne doit l’emporter sur celle qui est rédigée en français sur l'emballage et l'étiquetage des produits vendus au Québec est en vigueur depuis… 1977, soit la date d’adoption initiale de la Charte. Un changement entrera cependant en vigueur le 1er juin 2025, selon lequel tous les termes génériques ou descriptions d'un produit devront suivre cette même règle, peu importe qu’ils soient ou non inclus dans une demande ou un enregistrement de marque de commerce dans une langue autre que le français, à l'exception du nom de l'entreprise et du nom du produit tel que vendu, ainsi que des désignations d'origine et des noms distinctifs de nature culturelle.

Comme nous l’avons expliqué dans un article précédent, ces nouvelles exigences ont été adoptées pour mettre un frein à la pratique selon laquelle les fabricants déposaient des demandes d’enregistrement de marques de commerce visant la plus grande surface possible de l'étiquette du produit. Ils pouvaient ainsi prétendre que cette partie de l'étiquette devait être traitée comme une marque de commerce pouvant figurer uniquement dans une langue autre que le français, et ainsi éviter de devoir faire traduire cette partie de l'étiquette. Cette pratique a été considérée comme étant susceptible de priver les clients francophones de l’information pertinente sur les produits.

Notez que ces nouvelles exigences font l’objet d'une période de grâce, de sorte que jusqu'au 1er juin 2027, les produits qui ne sont pas conformes à celles-ci peuvent être distribués, vendus au détail, loués, offerts en vente ou en location, ou autrement mis sur le marché, à condition (i) qu'ils aient été fabriqués avant le 1er juin 2025, et (ii) qu'aucune version en langue française d’une marque de commerce reconnue, au sens de la Loi sur les marques de commerce du Canada, figurant sur un produit n'ait été enregistrée au 26 juin 2024. À noter que ce délai de grâce ne s'applique qu'aux nouvelles exigences concernant les termes génériques et descriptifs, et non aux exigences générales selon lesquelles les inscriptions en français doivent aussi figurer de façon aussi évidente que celles dans une autre langue.

Mon site Web doit être disponible en français d'ici le 1er juin

Le projet de loi 96 n'a pas modifié de manière significative les exigences relatives à la disponibilité des sites Web en français au profit du public québécois. Par conséquent, si votre site Web n'est pas conforme, il ne l’est pas en date d’aujourd'hui et peut ne pas l’avoir été depuis un certain temps déjà.

Cela dit, en raison de la couverture médiatique entourant l’entrée en vigueur de certaines autres modifications à la Charte le 1er juin 2025, vous pouvez vous attendre à un risque accru de dépôt de plaintes du public auprès de l’Office québécois de la langue française (l’« OQLF ») concernant un site Web non conforme.

Je dois m'inscrire auprès de l’OQLF avant le 1er juin si j'ai plus de 25 employés

C'est partiellement exact. L'obligation de s'inscrire auprès de l’OQLF (comme première étape de votre parcours de francisation) est déclenchée si vous avez eu 25 employés ou plus pendant une période de six (6) mois, auquel cas l'inscription doit être effectuée dans les six (6) mois suivant la fin de cette période.

Le changement apporté par le projet de loi 96 a été de réduire le seuil du nombre d'employés déclenchant l'obligation d’inscription, de 50 employés à 25 employés. Par conséquent, si vous avez eu plus de 50 employés depuis longtemps, votre entreprise n’est peut-être pas en conformité avec la loi depuis un certain temps. Quoi qu’il en soit, vous pouvez vous attendre à une vigilance accrue de l’OQLF à partir du 1er juin 2025. Je vous invite à consulter l’article de notre groupe Droit du travail et de l’emploi sur les obligations des employeurs liées au processus de francisation.

Mon affichage public doit être en français d'ici le 1er juin

Bien que l'utilisation d'une marque de commerce dans une langue autre que le français demeure autorisée, les exigences concernant la présence du français dans l’affichage public ont été accrues de façon importante dans le cadre du projet de loi 96. L'utilisation d'une marque de commerce dans une langue autre que le français est permise depuis 2016 tant qu'une présence suffisante du français était également visible. Mais à partir du 1er juin 2025, l'espace consacré au texte rédigé en français doit être au moins deux fois plus grand que celui consacré au texte rédigé en anglais dans le cas de l’affichage public visible depuis l'extérieur d'un bâtiment. L’OQLF a eu la gentillesse de fournir des conseils visuels utiles sur les vitrines qui seraient considérées comme conformes à partir du 1er juin.

Même si pour de nombreuses entreprises, il s'agit de l'un des changements du projet de loi 96 ayant la plus grande incidence opérationnelle et financière, aucun délai de grâce n'est accordé pour la mise en œuvre des changements nécessaires. Il convient de rappeler qu'un grand nombre d'établissements ont déjà dépensé des sommes importantes pour se conformer aux obligations précédentes concernant l’affichage public qui sont entrées en vigueur en 2016 (le délai de grâce accordé à l'époque était de trois ans).

Cet article a été publié à l’origine sur le site de McCarthy.

À propos des auteures

Véronique Wattiez Larose est associée chez McCarthy au sein du groupe du droit des affaires à Montréal. Sa pratique est axée sur les fusions et acquisitions, le capital d’investissement privé (incluant le capital de risque) et les questions relatives à la concession de licences, principalement pour des clients du secteur de la technologie.

Eugenia Bouras est associée chez McCarthy.

Vino Wijeyasuriyar est avocate chez McCarthy.

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