« Je ne fais pas confiance à l’École du Barreau pour nous évaluer »
Marie-Ève Maillé
2023-08-09 15:00:00

J’aimerais vous dire à quel point j’ai passé un été misérable, enfermée à l’intérieur, entièrement laissée à moi-même, à étudier à temps plein pour près de 10 heures d’examen que je ne suis pas sûre de réussir. J’ai pourtant réussi mon baccalauréat en droit à l’Université de Montréal. La plupart du temps, j’ai eu des notes supérieures à la moyenne de mon groupe. Autrement dit, à l’université, j’ai bien réussi. Cela est réglé.
Qui plus est, je suis une étudiante en droit atypique : j’ai un doctorat en communication obtenu avec la mention « excellent », j’ai publié des livres et j’enseigne à l’UQAM et à l’Université de Sherbrooke comme chargée de cours. Autrement dit, je sais réfléchir, je sais analyser et je sais argumenter.
Pourquoi alors est-ce que je n’arrive pas avec confiance aux examens du Barreau ? Parce que les taux de succès de votre nouveau programme, dont nous sommes les cobayes, sont faméliques. Les histoires qu’on entend sur le déroulement de ces examens, auxquelles vous nous avez laconiquement indiqué de ne pas nous fier dans une communication au début de l’été, n’ont rien pour nous rassurer.
Dans l’article de La Presse, on vous cite : « Le directeur de l’École du Barreau, Me Lamy, reconnaît qu’échouer au premier essai n’est pas “agréable”, mais affirme que “ne pas réussir du premier coup n’est pas un échec”. » En plus de manquer franchement d’empathie, cette affirmation manque de cohérence : ne pas réussir EST un échec. Après une formation universitaire complète dans le domaine et un été de préparation, une étudiante en droit DEVRAIT réussir un examen de droit appliqué du premier coup. À moins qu’il n’y ait un problème avec l’examen ?
Or, vous affirmez aussi sans gêne : « Les connaissances juridiques sont acquises à l’université. Ce n’est pas notre mandat et ça ne l’a jamais été de donner des cours de droit. »
Fort bien. Mais pourquoi diable nous faites-vous alors subir un examen ? Quelle est la légitimité de cette évaluation ? Si ce n’est qu’elle relève d’une vieille tradition, un genre de « c’est de même parce que c’est de même pis c’est ben correct », bien difficile à justifier pour une institution qui a le titre d’école, mais qui n’aurait pas besoin de donner de cours…
J’ai consacré les deux derniers mois à la révision de 11 domaines de droit pour me préparer à répondre en deux jours à 100 questions à choix multiple sur des sujets aussi variés que le calcul d’une pension alimentaire, le partage d’une société d’acquêts, le rachat d’actions par une société, le calcul de dividendes (sans oublier les arrérages !) de ladite société, les recours d’un salarié en cas de harcèlement psychologique, la réclamation de paternité, le calcul de la majoration de la paie d’une employée compte tenu d’un jour férié et de ses heures supplémentaires, les périodes autorisées de maraudage syndical, les règles de preuve, et j’en passe. J’en ai rêvé la nuit.
Les trois codes et les deux recueils de lois que j’ai le droit d’apporter à l’examen pèsent, ensemble, 16 kg. Les réponses aux questions de l’examen peuvent se trouver n’importe où dans ces milliers de pages de papier bible, et même ailleurs, puisqu’il nous faut aussi tenir compte de la jurisprudence, apprise par cœur celle-là, parce qu’on n’y a pas accès à l’examen.
J’ai la prétention de bien m’y retrouver, malgré tout. Mais je ne vous fais pas confiance. En fait, je ne fais pas confiance à l’École du Barreau pour nous évaluer. Les questions d’examen de l’École du Barreau ne visent pas à évaluer notre compétence à appliquer les règles de droit, elles visent à nous piéger. D’ailleurs, je serais fort curieuse de savoir combien de pédagogues, c’est-à-dire de spécialistes de l’éducation, participent à la conception de ces examens. On ne s’improvise pas docimologue. Pas avec un seul diplôme de premier cycle en droit.
Cela est sans compter sur la Clinique juridique obligatoire dont se vante le Barreau. Sans rien résoudre du problème fondamental de l’accès à la justice (soit les honoraires des « vrais » avocats et avocates), cette nouvelle clinique repose sur une main-d’œuvre captive et gratuite. Mieux encore : les étudiants du Barreau paient pour être inscrits au programme qui permet au Barreau d’offrir gratuitement des services juridiques ! Voilà ce qu’on appelle une bonne affaire.
Combien d’avocates et d’avocats, actuellement membres du Barreau, réussiraient les examens de cette semaine ? Permettez-moi de soupçonner que ce ne serait pas la majorité.
Pour accéder à leur ordre professionnel, après leurs études, les ingénieurs subissent un examen de déontologie. C’est hautement justifié. Mais pour leur donner accès à la profession pour laquelle ils sont formés, on ne les évalue pas à nouveau sur l’ensemble de ce qu’ils ont appris dans leur bac. En leur filant en prime une facture de 7000 $.
Marie-Ève Maillé est conseillère stratégique en communication et médiation environnementale et professeure associée au Centre de recherche interdisciplinaire sur le bien-être, la santé, la société et l'environnement de l'UQAM.
Elle est détentrice d’un doctorat en communication, d’une maîtrise en sciences de l’environnement et d’un baccalauréat en journalisme, en plus de son baccalauréat en droit.
Paul
il y a 2 ansEh ben là hein ! Tout ce râlage pour les examens. Étudie, entraîne-toi et mange ton sandwich. Crois-tu vraiment qu'ils allaient te laisser devenir ce que tu veux sans passer des tests ?
Je tiens à rappeler à tous ceux qui manifestent une faiblesse ambiguë prononcée que la lumière nous parvient après avoir entrepris des démarches significatives avec le monde au-delà. C'est la seule manière, ne luttez pas contre cela. En effet, le droit canon est la voie à suivre lorsque nous cherchons à atteindre de nouveaux sommets. N'opposez pas de résistance, suivez la voie des juristes ancestraux chevronnés. Empruntez le chemin du canon.
Paul (version faché 1.1)
lol
il y a 2 ansAlors vous, vous êtes exceptionnel Lol votre droit canon me fait sourire a toutes les fois que je vous lis. Continuez vous avez souvent des messages vrais.
Anonyme
il y a 2 ansÀ mon avis, le seul reproche objectif qu'on puisse adresser à l'École du Barreau est sa politique non-avouée de nier que les examens sont une mesure de contingentement.
Les étudiants se doutent de cette hypocrisie sous-jacente à l'institution. Les plus pragmatifs l'acceptent. Les plus revendicateurs écrivent des articles qui font sensation. Si l'École admettait qu'il s'agit bien de l'une de ses fonctions, on désamorcerait sitôt la controverse.
En d'autres mois, l'École doit clarifier sa position (comme on l'enseigne): l'accès à la profession est un privilège et le contrôle de l'offre est légitime.
Daryl
il y a 2 ansL'idée de base est de contingenter. Raison pour laquelle des étudiants échouent a 2 ou 1 pt or il est des questions à choix de réponses) où ces derniers ont trouvé 2 bonnes réponses sur 3 mais se voient infliger 0 pareil.Toutefois à certaines années on contingente plus qu'à d'autres. Le contingentement est une courte vue d'autant plus qu'il y a d'innombrables avenues dans la profession. De quoi le Barreau a-t-il peur?
Anonyme
il y a 2 ansL'école du Barreau est une étape difficile à passer.
Mais accrochez vous, car ça ne fait que commencer. Exercer la profession d'avocat vous expose à l'injustice, à l'ingratitude et à l'incompréhension et à la fatigue.
Bref, c'est juste un début. Il y a du bon et du mauvais dans cette profession, mais l'injustice et l'épuisement en font partie.
Anonyme
il y a 2 ansC'est également un mauvaise politique économique, dans un état qui subventionne les études supérieures, et qui finance les coûts sociaux chez ceux qui échouent.
S'il faut contingenter, ça doit se faire au maximum après la première année.
Au Québec, c'est une formule pour laquelle il y a des précédents bien établis. J'ai fait un premier bac dans une discipline très éloignée du droit, dans une faculté qui donnait sa chance à presque tout le monde (en ouvrant très très largement ses portes), mais qui pratiquait un écremage supprimant 2/3 des élèves après un ans. Quant au dernier tiers, ses options d'orientation étaient ensuite restreints en fonction du résultat des examens de première année. Durant ces examens, on voyait fréquemment des étudiants pleurer devant leur copie. Pour eux, le rêve s'arrêtait là. C'était difficile à regarder, et certainement encore plus à vivre pour les principaux intéressés, mais les recalés avaient ainsi la chance de se recaser ailleurs, plutôt que de continuer à s'endetter pour un diplôme dévalué qui ne leur aurait ouvert aucune porte.
Anonyme
il y a 2 ansC'est une mauvaise profession. Plus vous crèverai l'abcès rapidement, mieux ce sera.
Anonyme
il y a 2 ansLa pratique du droit mène au suicide.
A & D
il y a 2 ansL’admission au Barreau du Québec pour l’obtention d’un permis d’avocat aurait dû être de droit, une fois le baccalauréat en droit obtenu.
Selon le premier alinéa de l’article 184 du Code des professions, le gouvernement détermine par règlement les diplômes qui donnent droit au permis d’avocat.
Le Règlement adopté par le gouvernement en application de cette disposition précise très clairement le diplôme de baccalauréat en droit des six universités, une fois obtenu, qui donne droit au permis d’avocat (art. 1.03. Règlement sur les diplômes délivrés par les établissements d’enseignement désignés qui donnent droit aux permis et aux certificats de spécialistes des ordres professionnels).
Il s’agit là de la condition d’admission fondamentale qui doit être réunie pour l’obtention d’un tel permis.
Néanmoins, le même Code des professions prévoit que le Barreau du Québec « peut » déterminer les « autres conditions et modalités » de délivrance du permis d’avocat (conditions supplémentaires), dont l’obligation de faire un stage de formation professionnelle et de réussir un examen professionnel (art. 94 par. i Code des professions).
Il importe alors de se demander si l’examen de l’École du Barreau est un examen professionnel. Qu’est-ce qu’un « examen professionnel » ? Qu’est-ce qui le différencie de l’« examen universitaire » dans le cadre du programme de baccalauréat en droit ? Est-ce que la « condition supplémentaire » (p. ex. réussir l’examen professionnel) doit surplomber au-dessus de la condition d’admission fondamentale (être titulaire d’un baccalauréat en droit) ? Telle sont les grandes questions qui doivent animer les débats et raviver les esprits des intervenants.
Que peut faire un titulaire d’un baccalauréat en droit avec son diplôme s’il ne réussit pas, après plusieurs tentatives, à réussir l’examen professionnel ? Le jeter à la poubelle ? Refaire le programme d’études universitaires ? Changer de programme d’études ?
Gaspillage de temps, d’argent et d’énergie, n’est-ce pas ?
La profession d’avocat n’est pas faite pour vous. C’est ce que beaucoup pensent quand vous échouez à l’examen. Mais, personne n’est venu au monde prédestiné à exercer une profession quelconque, même s’il faut reconnaitre que certaines personnes ont de l’aisance dans leur apprentissage ou l’exercice de leur profession en comparaison avec d’autres.
En dernière analyse, pourquoi le programme de baccalauréat en droit, s’il faut une École du Barreau, dont l’examen professionnel porte essentiellement sur les mêmes matières enseignées et évaluées à l’université ? Ce doublon n’est pas nécessaire et peut être évité en réformant le programme de baccalauréat en droit.
L’École du Barreau aurait dû avoir vocation pour, du moins, enseigner le droit professionnel aux fins d’encadrement des futurs avocats ou des avocats, et non pas de barrer la route aux candidats-avocats.
Jean
il y a 2 ansSi la mission de l'École du Barreau et de faire échouer ses étudiants, elle l'a remplie bien mal si on se fie aux taux de réussite publiés et aux nombres de nouveaux avocats assermentés chaque année ????
Anonyme
il y a 2 ansLa grogne des étudiants du Barreau n’est pas que l’examen est trop difficile. C’est plutôt que l’examen n’évalue pas les compétences des futurs avocats.
Contingenter oui, mais de la bonne façon.
L’examen du Barreau consiste principalement à répondre à des questions à choix multiples. C’est le cœur du problème. La grande majorité des avocats doivent rédiger, des avis juridiques, des mémoires, des plaidoiries, des contrats…
Pourtant, plutôt que d’évaluer notre capacité d’analyse et de rédaction, le Barreau préfère nous demander de cocher des cases. C’est sur, un examen avec des cases est plus rapide à corriger…
Au final, certains réussissent à 2 points prêts parce qu’ils ont eu de la chance en cochant au hasard a une question mal rédigée et non pertinente à la pratique. D’autres échouent et doivent reprendre leur examen alors que ce sont de bons juristes.
En pratique, ça donne de nombreux avocats incapables de rédiger un avis juridique ou un mémoire.