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L’ABC de l’expropriation : survol des différents régimes

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Anne-Marie Asselin

2025-10-24 11:15:50

Survol des différents régimes en matière d’expropriation…

Anne-Marie Asselin - source : Lavery


Qu’est-ce que l’expropriation?

L’expropriation est un processus juridique par lequel une autorité publique peut contraindre un propriétaire à céder un bien privé pour des raisons d’intérêt public. Régie à la fois par des lois provinciales et des lois fédérales, elle vise à faciliter le développement de projets d’infrastructure, qui sont essentiels au bien-être collectif. Bien que l’expropriation soit un outil important pour le développement urbain et l’aménagement du territoire, elle doit être effectuée dans le respect des droits des propriétaires fonciers.

Par exemple, elle doit prévoir le versement d’une indemnité juste et équitable qui tient compte de différents facteurs, tels que la valeur marchande du bien et les coûts associés à son déplacement. Le processus d’expropriation est encadré par des règles strictes visant à assurer un équilibre entre les besoins publics et les droits individuels, de manière à garantir l’équité et la transparence.

L’expropriation demeure un mode exceptionnel d’acquisition du droit de propriété et permet à différentes instances gouvernementales d’acquérir un terrain. Ce pouvoir s’avère toutefois essentiel pour réaliser des projets d’intérêt général, tels que la construction de routes, d’écoles ou d’autres infrastructures publiques.

Quels biens peuvent être expropriés?

L’expropriation vise le droit de propriété d’un immeuble ou le démembrement du droit de propriété qui s’y rattache. Tous les droits de propriété portant sur des biens immobiliers peuvent faire l’objet d’une expropriation par l’État, sauf quelques exceptions. Ainsi, le domaine de l’État ne peut être exproprié, et le pouvoir d’exproprier est restreint en présence de réserves. Une réserve sert à interdire, tout au long de sa durée, toute construction, amélioration ou addition sur l’immeuble qui en fait l’objet, à l’exception des réparations nécessaires.

Certains biens mobiliers peuvent également faire l’objet d’une expropriation. Au Québec, l’expropriation de droits sur un immeuble peut inclure les biens meubles qui en sont des accessoires ou qui sont utilisés dans le cadre des activités agricoles, commerciales, industrielles ou institutionnelles de l’exproprié réalisées sur l’immeuble.

Compétences fédérale et provinciale en matière d’expropriation

La Constitution canadienne n’attribue pas une compétence exclusive en matière d’expropriation à un niveau particulier de gouvernement, soit les pouvoirs législatifs provinciaux ou fédéraux. Ainsi, ces deux ordres possèdent le pouvoir d’exproprier en fonction des compétences qui leur sont reconnues. Comme le Québec, les autres provinces canadiennes possèdent leurs propres lois relatives à l’expropriation.

Au Québec, l’article 952 du Code civil du Québec indique que le propriétaire d’un bien ne peut être contraint d’en céder la propriété, si ce n’est par voie d’expropriation faite suivant la loi pour une cause d’utilité publique et moyennant une juste et préalable indemnité. Cette disposition reflète ainsi le caractère exceptionnel de l’expropriation, en ce qu’elle prive le propriétaire de tous les attributs de sa propriété. En effet, nul ne peut procéder à une expropriation sans une loi habilitante.

Le cadre juridique québécois en matière d’expropriation a connu d’importantes modifications dans les dernières années. Ainsi, le régime principal québécois en matière d’expropriation était autrefois prévu par la Loi sur l’expropriation, sanctionnée en 1973, qui a été remplacée par la Loi concernant l’expropriation (ci-après, la « LCE »), adoptée en 2023. La LCE établit notamment un nouvel encadrement en matière d’expropriation de droits. D’importants changements ont été apportés au régime québécois en matière procédurale et quant au calcul des indemnités.

Il est à noter que d’autres lois québécoises prévoient également la possibilité pour d’autres entités de procéder à des expropriations, notamment la Loi sur les cités et villes, le Code municipal ainsi que la Loi sur les immeubles industriels municipaux. La compétence fédérale d’expropriation est restreinte aux matières relevant d’un chef de compétence fédérale énoncées à l’article 91 de la Loi constitutionnelle de 1867. Le pouvoir d’exproprier accordé par la Loi sur l’expropriation (ci-après, la « Loi fédérale ») appartient à la Couronne fédérale.

Dans le texte qui suit, nous examinerons la portée, les implications et les distinctions entre les lois sur l’expropriation afin de mieux les comprendre. D’abord, nous analyserons les dispositions légales définissant les circonstances dans lesquelles l’expropriation peut être justifiée. Ensuite, nous étudierons les mécanismes d’indemnisation et les recours possibles. Enfin, nous aborderons les procédures administratives et judiciaires qui encadrent le processus d’expropriation. Cette analyse nous permettra de saisir comment ces lois s’intègrent dans un contexte juridique plus large.

L’ABC du régime québécois en matière d'expropriation

Approche québécoise

La LCE prévoit que toute expropriation doit être décidée ou autorisée préalablement par le gouvernement aux conditions qu’il détermine. Une fois ces autorisations obtenues, l’expropriant peut, par voie de résolution, de décret ou de règlement, procéder à l’expropriation. Ce pouvoir d’exproprier peut toutefois appartenir à d’autres entités non gouvernementales, telles que des municipalités, des communautés métropolitaines, des centres de services scolaires ou des commissions scolaires, qui n’ont pas à obtenir cette autorisation. Notons également que certains organismes publics, dont Hydro-Québec, possèdent le pouvoir d’exproprier.

Aux termes de la LCE, la procédure d’expropriation débute avec le dépôt au Tribunal administratif du Québec (ci-après, le « TAQ ») d’un extrait du cadastre du Québec montrant l’immeuble exproprié si l’expropriation porte sur un lot entier. S’il y a plus d’un droit à exproprier, un plan général doit être déposé. À la suite de ce dépôt, l’expropriant doit procéder à l’envoi d’un avis d’expropriation (ci-après, l’ « avis d’expropriation ») au titulaire d’un droit portant sur l’immeuble exproprié. La date de la signification de l’avis d’expropriation correspond à la date de l’expropriation.

Cette date est importante puisqu’elle constitue généralement la date butoir pour le calcul des indemnités. L’avis d’expropriation doit contenir certains éléments obligatoires, notamment la désignation de l’immeuble exproprié, les objectifs de l’expropriation ainsi que la date de libération de l’immeuble. La date de libération correspond à la date à laquelle l’ensemble des parties dessaisies doivent avoir libéré l’immeuble et la date à laquelle l’expropriant acquiert la qualité de propriétaire.

Par ailleurs, une déclaration détaillée initiale doit accompagner l’avis d’expropriation. Cette déclaration doit indiquer le montant de l’indemnité offerte par l’expropriant, qui doit être ventilé en fonction des postes d’indemnisation applicables à la situation de la partie dessaisie. La déclaration détaillée initiale doit également indiquer minimalement la valeur marchande du droit exproprié. L’introduction du concept de « valeur marchande » constitue un changement de cap par rapport à l’ancienne loi.

Une fois l’avis d’expropriation reçu, l’exproprié dispose d’un délai de quatre mois pour déposer au TAQ sa propre déclaration détaillée, qui énonce les postes de réclamation qu’il souhaite réclamer. De même, l’exproprié doit, dans les 30 jours qui suivent la date de l’expropriation, informer l’expropriant de la présence de locataires ou d’occupants, ainsi que des baux et des ententes écrites conclus avec les locataires de l’immeuble exproprié.

L’expropriant doit ensuite signifier un avis de libération au locataire ou à l’occupant de bonne foi, accompagné de la déclaration détaillée initiale, qui indique minimalement un montant au moins équivalent à trois mois de loyer, si la résidence du locataire ou de l’occupant fait partie de l’immeuble exproprié.

L’expropriant doit, dans les 30 jours suivant la date de l’expropriation, inscrire l’avis d’expropriation sur le registre foncier. À défaut, par l’expropriant, de respecter ce délai, tout intéressé peut déposer une demande en radiation de l’inscription de l’avis d’expropriation. Le respect de ce délai est important, car des dommages-intérêts peuvent être accordés à l’exproprié en réparation du préjudice résultant du défaut de le respecter. Par ailleurs, l’exproprié peut, dans les 30 jours suivant la date de l’expropriation, contester l’expropriation et demander la radiation de l’avis d’expropriation.

Cette demande doit être signifiée à l’expropriant et au TAQ. Le processus de contestation est détaillé ci-après. L’expropriant prend possession du bien lorsqu’il procède à l’inscription d’un avis de transfert sur le registre foncier et à la date de libération indiquée dans l’avis d’expropriation. Cet avis de transfert ne peut être publié avant le versement de l’indemnité provisionnelle initiale ainsi qu’avant la date de libération.

Si ces conditions ne sont pas respectées, l’Officier de la publicité foncière refusera de procéder à son inscription. Pour des motifs graves et en l’absence de préjudice sérieux pour l’expropriant, la partie dessaisie peut s’adresser à la Cour supérieure pour demander de demeurer en possession de l’immeuble exproprié pour une certaine période, qui ne peut excéder six mois.

Résumé des changements apportés à l’indemnisation

L’entrée en vigueur de la LCE a changé les règles du jeu en matière d’indemnisation. Ainsi, alors que sous l’ancienne loi, le principe en matière d’indemnisation était celui de la « valeur au propriétaire », le calcul de l’indemnité est désormais effectué en fonction de la valeur marchande du bien. Ceci marque un changement de cap important pour l’ensemble des décisions judiciaires et administratives, qui prévoyait une présomption en faveur de l’indemnisation. Aux termes de la LCE, les indemnités accordées sont désormais régies selon un cadre d’analyse détaillé, fondé sur des calculs définis et des approches d’indemnisation distinctes.

La LCE prévoit désormais que l’indemnité est déterminée sur la base de la valeur marchande du bien exproprié. Ainsi, l’expropriant a le fardeau de prouver la valeur marchande du droit exproprié, alors que l’exproprié a le fardeau de la preuve pour tous les autres éléments constituant l’indemnité définitive. La valeur marchande, dans ce contexte, correspond au prix de vente du droit qui est le plus probable et qui est établi à la date de l’expropriation, selon l’usage le meilleur et le plus profitable de ce droit, sur un marché libre et ouvert à la concurrence. À noter que l’usage le meilleur et le plus profitable correspond à l’usage du droit fait à la date de l’expropriation ou à l’usage déterminé en tenant compte de certains critères.

Plusieurs indemnités peuvent être versées afin de dédommager l’exproprié. Une indemnité provisionnelle initiale, qui correspond à un montant au moins égal à 100 % de la valeur marchande indiquée dans la déclaration détaillée de l’expropriant, doit être versée à la partie dessaisie, et ce, afin de lui permettre de poursuivre ses activités et de restreindre les inconvénients découlant de l’expropriation.

Cette indemnité équivaut à 100 % de la valeur marchande du droit exproprié. Si cette indemnité est insuffisante, l’exproprié peut demander une indemnité provisionnelle complémentaire. L’indemnité définitive, qui est indiquée dans la déclaration détaillée, est constituée à la fois de l’indemnité immobilière, de l’indemnité en réparation des préjudices, de l’indemnité pour perte de valeur de convenance et de l’indemnité pour les troubles, les ennuis et les inconvénients.

L’indemnité immobilière

Cette indemnité est constituée de la valeur marchande du droit exproprié, et le cas échéant, de l’une des indemnités suivantes, qui est déterminée en fonction de la situation de la partie dessaisie :

l’indemnité de déplacement, dans le cas d’une indemnité établie en fonction de l’approche basée sur le déplacement d’une construction;

l’indemnité de réaménagement, dans le cas d’une indemnité établie en fonction de l’approche basée sur le réaménagement d’un immeuble;

l’indemnité de fermeture d’une entreprise, dans le cas d’une indemnité établie en fonction de l’approche basée sur la cessation de l’exploitation d’une entreprise;

l’indemnité de concordance, dans le cas d’une indemnité établie en fonction de l’approche basée sur le déménagement;

l’indemnité de remplacement des bâtiments et de leurs aménagements, établie en fonction de l’approche basée sur la théorie de la réinstallation;

l’indemnité pour un usage autre.

Ces indemnités sont déterminées selon différentes approches énoncées par la LCE. Le locataire et l’occupant de bonne foi ont droit à l’indemnité de réaménagement, à l’indemnité de fermeture d’une entreprise ou à l’indemnité de concordance.

L’indemnité en réparation des préjudices

L’indemnité en réparation des préjudices correspond aux coûts réels actualisés des préjudices matériels directement causés par l’expropriation et subis par l’exproprié.

L’indemnité pour perte de valeur de convenance

L’indemnité pour perte de valeur de convenance correspond à la perte subie par un exproprié en raison de la valeur personnelle qu’il attribue à l’immeuble et dont ne tient normalement pas compte un acheteur. Cette indemnité est plafonnée à un montant de 32 422 $, sous réserve d’indexation.

L’indemnité pour les troubles, les ennuis et les inconvénients

L’indemnité pour les troubles, les ennuis et les inconvénients correspond à la valeur des dommages directs, matériels et certains qui sont subis par la partie dessaisie et causés par la procédure d’expropriation, notamment pour la perte de temps attribuable à la préparation de la cause et à sa participation aux rencontres. Cette indemnité peut être réclamée uniquement par certaines parties dessaisies et est plafonnée à un montant de 10 807 $, sous réserve d’indexation.

L’exproprié aura alors à prouver quelle approche s’applique dans son cas. À la suite de l’apport de cette preuve, le TAQ aura à trancher en fonction des approches prouvées et qui sont applicables.

Contestation

Dans les 30 jours qui suivent la date de l’expropriation, l’exproprié peut contester le droit de l’expropriant à l’expropriation et demander la radiation de l’avis d’expropriation au moyen d’une demande aux tribunaux siégeant dans le district où est situé l’immeuble exproprié. Cette demande doit être signifiée à l’expropriant et au TAQ et elle doit être instruite et jugée d’urgence. La nouvelle loi concernant l’expropriation prévoit que la contestation du droit à l’expropriation n’opère pas sursis automatiquement de la procédure d’expropriation, sauf si le tribunal l’ordonne, à la demande de l’exproprié.

Auparavant, la situation était l’opposé, en ce que la contestation du droit à l’expropriation suspendait les procédures d’expropriation. Bien que l’article 17 de la LCE n’énonce aucun critère applicable à la demande de sursis, la Cour supérieure a indiqué que la partie qui demande le sursis doit démontrer qu’elle bénéficie d’une apparence de droit, qu’elle subira un préjudice sérieux ou irréparable si le sursis n’est pas accordé et que la balance des inconvénients penche en sa faveur. Si la demande de l’exproprié est accordée, l’inscription de l’avis d’expropriation sur le registre foncier sera radiée et les parties dessaisies pourront demander au TAQ des dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant de la procédure d’expropriation.

L’ABC du régime fédéral en matière d'expropriation

Approche fédérale en matière d’expropriation

La Loi fédérale accorde le pouvoir d’exproprier à la Couronne. La Cour fédérale qualifie la décision d’exproprier comme étant hautement discrétionnaire et de nature politique. Ainsi, le pouvoir d’expropriation conféré à la Couronne est très large et vise tout bien-fonds situé au Québec. Dans la Loi fédérale, le terme « bien-fonds » s’entend des fonds de terre, mines, bâtiments, structures, accessoires fixes ainsi que des objets qui sont immeubles au sens du droit civil du Québec. Dans certaines situations, le ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux (ci-après, le « Ministre ») peut estimer qu’un bien-fonds donné est nécessaire pour réaliser un objectif d’intérêt public.

Dans ce contexte, le Ministre a la responsabilité de faire une demande officielle auprès du procureur général pour entamer un processus d'expropriation. Dès que le Ministre soumet cette demande, le processus formel d’expropriation fédéral est enclenché, permettant ainsi à la Couronne de prendre les mesures appropriées pour exproprier le bien-fonds en question. Ainsi, à la suite de la demande du Ministre, le procureur général procède à l’enregistrement d’un avis d’intention d’exproprier au bureau du registrateur de la circonscription foncière où se situe le bien-fonds.

Cet avis contient une déclaration de l’intention de la Couronne d’exproprier le droit visé. En outre, il décrit le bien-fonds visé et précise la nature du droit dont l’expropriation est proposée. Il indique également l’ouvrage public ou l’autre fin d’intérêt public pour lesquels le droit immobilier est requis. À la suite de l’enregistrement de l’avis, le procureur général doit fournir au Ministre un rapport indiquant les noms et dernières adresses connues, le cas échéant, des personnes qui paraissent y avoir un droit.

Dans les 30 jours suivant l’enregistrement de l’avis, le Ministre doit publier l’avis d’intention d’expropriation dans au moins un numéro d’une publication ayant une circulation générale dans la région où se trouve le bien-fonds. En outre, une copie de cet avis est envoyée aux personnes dont les noms sont indiqués dans le rapport du procureur général, et ce, aussitôt que possible après l’enregistrement. Cet avis ainsi que tout autre document destiné à une personne tierce doit être envoyé par courrier recommandé à la dernière adresse connue.

À la suite de cet envoi, le Ministre fait publier l’avis dans la Gazette du Canada. Cet avis est réputé avoir été donné à la date de sa publication dans la Gazette du Canada. La Cour fédérale a décrit le pouvoir d’expropriation conféré par la Loi fédérale comme étant un large pouvoir discrétionnaire d’évaluer et de décider de ce qui est requis dans l’« intérêt public », et de déterminer quel droit immobilier est requis à cette fin. La contestation de l’expropriation peut donc s’avérer difficile.

La Loi fédérale prévoit que toute personne qui souhaite s’opposer à l’expropriation peut le faire dans un délai de 30 jours à compter de la publication de l’avis d’intention d’expropriation dans la Gazette du Canada. Elle doit signifier son opposition par écrit au Ministre en indiquant son nom, son adresse ainsi que la nature et les motifs de son opposition, ainsi que son intérêt à s’opposer à l’expropriation envisagée. À l’expiration du délai de 30 jours, et si une opposition lui a été signifiée, le Ministre doit ordonner la tenue d’une audience publique au sujet de l’opposition reçue.

Un enquêteur est alors nommé par le procureur général pour tenir cette audience. Dans un délai maximal de sept jours suivant sa nomination, l’enquêteur doit fixer la date, l’heure et le lieu de l’audience publique. Il devra donner à chaque personne ayant signifié une opposition au Ministre une occasion de se faire entendre. L’enquêteur peut également inspecter le bien-fonds visé par l’avis. L’audience est tenue de la manière que peut déterminer l’enquêteur. Une fois l’audience terminée, et au plus tard 30 jours après sa nomination, l’enquêteur doit remettre au Ministre un rapport écrit sur la nature et les motifs des oppositions présentées.

Après la tenue de l’audience publique, ou si aucune opposition ne lui est présentée dans le délai de 30 jours, le Ministre peut confirmer l’avis d’intention d’expropriation ou y renoncer. Toutefois, à l’expiration d’un délai de 120 jours après le jour où l’avis a été donné, le Ministre n’a pas confirmé son intention, il est réputé avoir renoncé à cette intention. En cas de renonciation, le Ministre doit envoyer un avis de renonciation de cette intention aux personnes visées et au procureur général.

En cas de confirmation, le Ministre doit demander au procureur général d’enregistrer un avis de confirmation de l’intention d’expropriation (ci-après, l’ « avis de confirmation »). Une fois l’avis de confirmation enregistré, le Ministre doit envoyer une copie à toutes les personnes qui paraissent avoir un droit sur le bien-fonds et à toutes les personnes qui ont signifié une opposition. Dès l’enregistrement d’un avis de confirmation, le droit devient absolument dévolu à la Couronne. Dans les 90 jours de l’enregistrement de l’avis de confirmation, le Ministre doit faire, par écrit, une offre d’indemnité à toutes les personnes qui ont réellement un droit sur le bien-fonds. Une fois toute cette procédure terminée, la Couronne prend possession du bien-fonds visé.

Sommes versées à titre d’indemnisation

Une indemnité est versée à chaque personne qui, immédiatement avant l’enregistrement d’un avis de confirmation, était le titulaire d’un droit sur le bien-fonds visé par l’avis d’expropriation. Le montant de cette indemnité est égal à l’ensemble des sommes suivantes :

la valeur du droit ou intérêt exproprié à la date à laquelle la Couronne l’a pris : valeur déterminée en fonction de la valeur marchande, soit le montant qui aurait été payé pour le droit ou l’intérêt si celui-ci avait été vendu sur le marché libre, à la date de prise de possession par la Couronne.

le montant de la diminution de valeur de ce qui reste au titulaire ou détenteur : montant obtenu en retranchant de la valeur de tous les droits réels immobiliers ou intérêts fonciers que le titulaire ou détenteur avait immédiatement avant la prise du droit ou intérêt exproprié, la somme obtenue en additionnant la valeur du droit ou intérêt exproprié et la valeur de tout ce qui reste de ses droits réels immobiliers ou intérêts fonctions immédiatement après le moment de la prise du droit ou intérêt exproprié.

La date de référence pour le calcul de l’indemnité est généralement la date à laquelle l’avis de confirmation a été enregistré. La Couronne paie également à chaque personne ayant droit à une indemnité un montant égal aux frais d’estimation, frais légaux et autres frais qui ont été raisonnablement encourus par cette personne pour faire valoir son droit à cette indemnité. La Loi fédérale prévoit également un mécanisme de négociation de l’indemnité, lorsque la personne ayant droit à une indemnité et le Ministre sont incapables de convenir du montant de l’indemnité.

Ainsi, chaque partie peut signifier à l’autre, après qu’une offre d’indemnité a été faite et dans les 60 jours suivant l’offre, un avis de négocier l’indemnité. L’octroi d’indemnités aux termes de la Loi fédérale diffère donc de manière importante de ce qui est prévu dans la LCE, bien que la valeur marchande demeure au cœur des indemnités accordées en vertu de la LCE.

Compagnies de chemin de fer

La procédure est toutefois différente pour les compagnies de chemin de fer. En effet, celles-ci doivent tout d’abord présenter une demande au ministre fédéral des Transports concernant le droit réel immobilier ou l’intérêt foncier qu’elles n’ont pas été en mesure d’acheter. Ce ministre devra alors recommander l’expropriation à son homologue des Travaux publics et des Services gouvernementaux, afin qu’il fasse exproprier par la Couronne le droit réel immobilier que la compagnie de chemin de fer n’a pu acquérir.

Conclusion

Ainsi, il existe plusieurs différences entre les régimes applicables. Cette dualité législative peut engendrer une certaine iniquité, car elle peut conduire à des résultats différents pour des parties expropriées se trouvant dans des situations similaires, de même que pour les parties expropriantes.

En effet, tel qu’il est exposé ici, les critères d’évaluation de l’indemnité, les procédures utilisées pour sa détermination, ainsi que les recours disponibles peuvent varier considérablement d’une loi à l’autre. Ainsi, un exproprié pourrait obtenir une indemnité différente selon le régime applicable, même si les conditions objectives de son expropriation sont comparables à celles d’un autre exproprié sous un régime différent.

À propos de l’auteure

Anne-Marie Asselin est membre de l’équipe de droit administratif du cabinet lavery. À ce titre, elle conseille et représente autant les municipalités, villes et autres institutions étatiques que les entreprises et particuliers.

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