Le rôle du notaire en immobilier au Québec
Lynn Wazzan
2025-11-26 11:15:24

Au Québec, le notaire occupe une position unique — à la fois conseiller juridique et officier public. Pour les acheteurs, les prêteurs et les promoteurs, comprendre cette dualité est essentiel afin d’assurer la clôture harmonieuse d’une transaction, dans le plein respect de la loi. Cette double fonction confère à notre système de droit civil une rare combinaison de souplesse et de confiance.
En vertu du Code de déontologie des notaires, le notaire doit agir avec impartialité, indépendance et objectivité, en veillant à ce que « les droits de toutes les parties soient également respectés ». Cette obligation prend toute son importance dans les transactions immobilières impliquant plusieurs intervenants — l’acheteur, le vendeur et la banque qui finance l’acquisition.
Dans de tels cas, la responsabilité du notaire n’est pas de défendre une partie, mais d’assurer la légalité, l’équité et l’équilibre de l’ensemble de la transaction.
La banque doit obtenir une hypothèque valide et exécutoire.
L’acheteur doit recevoir un titre clair et libre de toute charge.
Le vendeur doit recevoir le paiement et la quittance appropriés.
L’impartialité du notaire garantit ainsi que chaque partie quitte la table de signature avec la sécurité juridique et la confiance mutuelle nécessaires.
Cependant, cette impartialité a ses limites. Elle ne s’étend pas à des tiers externes tels que les syndicats de copropriété, les courtiers immobiliers ou les locataires. Bien que ces acteurs puissent intervenir dans le cadre plus large de la transaction, le devoir de diligence du notaire est strictement envers les parties contractantes de l’acte et l’institution financière qui le finance. Ces participants peuvent être touchés indirectement, mais la responsabilité professionnelle du notaire demeure limitée à ceux dont les droits figurent à l’acte.
L’acte authentique : un instrument juridique de protection égale
Lorsqu’un notaire signe un acte en minute, il ne se contente pas d’attester des signatures — il reçoit un acte authentique, tel que défini aux articles 2813 et 2814 du Code civil du Québec :
« L’acte authentique est celui qui est reçu, avec les solennités requises, par un officier public compétent et en présence des parties. »
Cette formalité confère au document la plus grande valeur probante en droit (force probante absolue) pour tous les faits que le notaire constate personnellement — tels que l’identité des signataires, la date et la signature de l’acte.
Pour les clients, cette authenticité se traduit par une sécurité juridique accrue : elle protège contre les contestations relatives à l’exécution, à la date ou à la capacité des parties, et assure la force exécutoire de l’acte devant les tribunaux. En signant en minute, le notaire transforme une entente privée en un instrument juridique officiel, garantissant que les droits de chacun des signataires sont reconnus avec le même poids. La Chambre des notaires du Québec souligne qu’à travers cet acte, le notaire devient le gardien neutre de l’authenticité, de la légalité et de l’égalité des engagements des parties — une fonction qui constitue le fondement même du système notarial.
Lorsque le notaire représente une seule partie
Il arrive toutefois qu’un notaire soit mandaté par une seule partie — par exemple, un acheteur qui souhaite obtenir des conseils avant de faire une offre, ou une banque qui lui confie l’examen d’un dossier d’emprunteur. Dans de telles situations, le notaire agit en vertu d’un mandat privé, et non à titre d’officier public — ce qui change tout. S’il agit à titre partiel, en représentant uniquement les intérêts d’un client, le notaire ne peut plus recevoir l’acte en minute à titre d’acte authentique.
Pourquoi? Parce que dès lors que le notaire conseille une partie, il cesse d’agir comme officier public impartial, et l’acte perd son caractère authentique. L’acte authentique exige une neutralité complète. Ce principe protège l’intégrité de l’acte authentique : un notaire ne peut à la fois conseiller une partie et certifier l’égalité des droits de toutes. Par exemple, lorsqu’une banque mandate un notaire pour préparer un refinancement, le devoir d’impartialité cède le pas à un devoir de loyauté envers le prêteur — et l’acte, bien que valide, ne revêt plus le caractère « authentique ».
Impartial, mais non indifférent — équilibré, mais non biaisé
L’impartialité ne signifie pas l’indifférence; elle consiste à s’assurer que toutes les parties sont traitées équitablement, informées clairement et protégées de manière égale par la loi. La capacité du notaire à maintenir cet équilibre — et à reconnaître quand il doit se retirer d’un rôle impartial — est ce qui confère à notre système sa crédibilité et son efficacité exceptionnelles.
Derrière chaque acte authentique se cache un équilibre délicat — une combinaison de neutralité, de confiance et d’un engagement indéfectible du notaire envers la rigueur juridique. Pour toutes les parties à une transaction immobilière au Québec, comprendre cet équilibre contribue à un processus de clôture plus fluide et plus sécuritaire.
Cet article a été publié à l’origine sur le site de KRB.
À propos de l’auteure
Lynn Wazzan est notaire au sein du groupe immobilier de KRB, spécialisée en droit immobilier résidentiel, commercial et de la planification successorale.