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Les drones connaissent une popularité grandissante, mais suscitent des préoccupations croissantes sur les données qu’ils recueillent

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Andrea Sepinwall, Robbie Grant Et Harriet Crossfield

2025-09-16 11:15:02

Pourquoi les drones suscitent des inquiétudes en matière de protection des données?

Les drones connaissent une popularité grandissante, mais suscitent des préoccupations croissantes sur les données qu’ils recueillent. L’utilisation de véhicules aériens sans pilote (UAV), communément appelés drones, connaît une croissance rapide dans divers secteurs au Canada.

Andrea Sepinwall, Robbie Grant et Harriet Crossfield - sources : McMillan et LinkedIn

Ceux de l’agriculture, de la construction, des mines ainsi que du pétrole et du gaz, notamment, ont de plus en plus recours aux drones pour surveiller, inspecter, explorer et arpenter les sites, sans oublier l’utilisation la plus médiatisée : la livraison de colis d’Amazon dans les zones reculées. Les drones sont également utilisés dans le cadre d’espionnages d’entreprise et d’affaires criminelles, ce qui laisse les entreprises dans l’incertitude quant aux mesures de protection à adopter.

L’usage croissant des UAV met davantage l’accent sur le paysage réglementaire de l’aviation et sur les considérations sécuritaires essentielles qui sous-tendent le partage de l’espace aérien. Ces considérations sont à la base de la récente entrée en vigueur de modifications apportées au Règlement de l’aviation canadien. Cette mesure s’ajoute au cadre mis en place par Transports Canada pour régir l’utilisation des UAV, lequel prévoit des amendes importantes en cas d’infraction.

Outre les questions de sécurité, les opérateurs d’UAV doivent tenir compte des préoccupations liées à la vie privée et à la confidentialité et se conformer strictement au cadre législatif canadien en matière de protection de la vie privée qui se renforce et évolue au fil du temps. Ce bulletin donne une vue d’ensemble des lois sur la protection de la vie privée applicables aux drones et des conseils aux entreprises sur la façon de se prémunir contre la surveillance d’entreprise.

(1) Les lois en matière de protection de la vie privée applicables à l’utilisation des UAV au Canada

Au Canada, la protection de la vie privée est un droit fondamental garanti par un cadre juridique complet. Ainsi, il est essentiel pour les entreprises ayant recours aux drones de comprendre le dispositif de protection de la vie privée. La principale législation en la matière comprend la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques (LPRPDE) et ses pendants provinciaux en Alberta, en Colombie-Britannique et au Québec. Ces lois régissent le traitement des « renseignements personnels » par les entreprises et comprennent des dispositions protégeant les photos et les vidéos de personnes identifiables (y compris celles prises par UAV).

En vertu de la LPRPDE et de ses équivalents provinciaux, quiconque qui recueille des renseignements personnels, y compris les opérateurs d’UAV commerciaux, doit obtenir le consentement éclairé des personnes concernées avant d’effectuer la collecte et s’assurer que les circonstances s’y prêtent. Les opérateurs de drones seraient bien avisés d’éviter, si possible, de recueillir des renseignements personnels. Par conséquent, ils doivent s’efforcer de limiter l’utilisation de ces engins dans les zones densément peuplées et utiliser des technologies de brouillage pour masquer les visages et les plaques d’immatriculation.

En plus de fournir les coordonnées d’une personne à joindre en cas de questions, les opérateurs doivent informer le public de leur présence et de leur objectif au moyen d’une signalisation claire et visible, afin que les personnes puissent éviter de se faire filmer. Si une entreprise a besoin de recueillir des renseignements personnels, elle doit non seulement obtenir le consentement préalable des personnes concernées, mais également se limiter aux renseignements qui présentent un intérêt commercial légitime pour elle.

La violation des lois en matière de protection de la vie privée pourrait notamment donner lieu à l’ouverture d’une enquête par un organisme de réglementation. Il peut s’ensuivre la production d’un rapport public sur les constatations, l’imposition d’une amende ou d’une pénalité, ou l’émission d’une ordonnance de mettre fin à la pratique ou de supprimer les renseignements en question.

Qu’en est-il de la prise d’images dans un espace public?

On estime souvent à tort qu’un consentement n’est pas nécessaire pour filmer des personnes ou des activités dans un espace public. En fait, les lois canadiennes sur la protection de la vie privée ne permettent pas aux entreprises de recueillir, d’utiliser ou de communiquer des renseignements publics sans consentement, sauf s’ils proviennent d’un certain nombre de sources autorisées. Celles-ci comprennent notamment les annuaires téléphoniques et les répertoires d’affaires, mais pas les espaces publics extérieurs.

Quelles sont les autres lois applicables?

Outre la législation canadienne relative à la protection de la vie privée, la loi et la common law prévoient divers délits et recours en matière d’atteinte à la vie privée, qui peuvent s’appliquer à l’utilisation inappropriée de drones. Par exemple, les tribunaux de l’Ontario reconnaissent depuis longtemps le délit d’« intrusion dans l’intimité », qui vise l’atteinte intentionnelle (ou imprudente) à la vie privée d’une personne, si cette atteinte peut être jugée choquante par une personne raisonnable.

La Privacy Act de la Colombie-Britannique va encore plus loin en visant expressément l’intrusion par surveillance. Les atteintes à la vie privée peuvent également donner lieu à des poursuites pénales, par exemple lorsque l’atteinte peut être qualifiée de violation de domicile, de harcèlement ou de voyeurisme. Si le drone fait un enregistrement audio, il pourrait aussi tomber sous le coup de l’infraction d’interception de communications s’il s’agit de conversations privées.

Que faire si une utilisation non autorisée de drones porte atteinte à votre vie privée?

Si l’utilisation d’un drone porte atteinte à la vie privée d’une personne, celle-ci dispose de divers recours juridiques, que ce soit en vertu de la législation sur la protection de la vie privée dans le secteur privé ou du droit de la responsabilité délictuelle dans les ressorts de common law et des recours extracontractuels au Québec, sans oublier le droit criminel. Une personne victime d’une atteinte à la vie privée causée par des drones peut déposer une plainte auprès des forces de l’ordre, présenter une demande en justice ou introduire une plainte auprès d’un commissaire à la protection de la vie privée.

(2) La confidentialité et la protection des renseignements commerciaux

Contrairement aux renseignements personnels, les renseignements commerciaux confidentiels ne bénéficient pas du même degré de protection aux yeux de la loi. Tout comme les utilisateurs de drones doivent respecter les renseignements confidentiels d’autrui, les entreprises qui pourraient être filmées par des UAV doivent prendre des mesures pour protéger leurs renseignements sensibles. Les pratiques habituelles de protection des renseignements commerciaux sensibles comprennent i) l’enregistrement des droits de propriété intellectuelle, ii) la mise en place de contrôles physiques et technologiques rigoureux pour protéger l’accès à l’information, et iii) la conclusion d’ententes de confidentialité.

Les entreprises qui utilisent des drones, ainsi que celles susceptibles d’être filmées par ceux-ci, doivent fournir à leur personnel une formation continue et adéquate, nécessaire à la prévention et à la détection des activités non autorisées des drones et à l’intervention en la matière. Elles doivent aussi disposer de politiques et de procédures à jour permettant de traiter, de contrer et de signaler rapidement de telles activités.

Quels sont les recours juridiques en cas de surveillance illégale par UAV?

Les préoccupations sur la protection de la vie privée se rapportant à la collecte non autorisée de renseignements personnels par UAV pourraient constituer des motifs d’action en justice valables. En revanche, les recours juridiques disponibles contre l’accès non autorisé à des renseignements commerciaux sensibles sont limités et dépendent en grande partie des faits et des circonstances de chaque cas.

Le droit des biens et de la propriété, plus particulièrement les concepts d’intrusion et de nuisance, peut offrir le meilleur recours contre les intrusions intentionnelles et non autorisées d’UAV dans l’espace aérien d’une entreprise. Cela dit, il convient de noter que la jurisprudence canadienne n’établit pas clairement la hauteur ni l’étendue de ce qui constituerait l’espace aérien légitime d’une entreprise.

De plus, si un UAV nuit aux activités de l’entreprise en pénétrant dans son espace aérien, celle-ci peut avoir des motifs de demander une injonction ou des dommages-intérêts. En ce qui concerne les recours disponibles en droit criminel en cas d’utilisation non autorisée de drones dans un contexte commercial, cette question en particulier demeure sans réponse. Selon les faits en cause, il est possible d’invoquer des concepts plus traditionnels de droit criminel, comme l’espionnage d’entreprise, les secrets commerciaux et la fraude criminelle.

Étant donné les voies de recours limitées et le risque d’amendes importantes en cas de violation de la loi, les opérateurs d’UAV et leurs victimes potentielles devraient s’efforcer de protéger leurs renseignements commerciaux sensibles de manière proactive. Les opérateurs doivent aussi veiller à utiliser des drones conformément à des lignes directrices explicites et suivre la formation nécessaire pour garantir le respect de la loi.

À propos des auteurs

Andrea Sepinwall est associée en droit des affaires chez McMillan.

Robbie Grant est avocat en protection de la vie privée et des données chez McMillan.

Harriet Crossfield a été étudiante en droit chez McMillan.



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