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Quand marque de commerce et géographie ne font pas bon ménage

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Sarah Hébert-tremblay Et Johanne Auger

2023-01-04 11:15:00

Voici pourquoi mettre en valeur le lieu d’origine de votre produit peut s’avérer bien compliqué…
Sarah Hébert-Tremblay et Johanne Auger, les auteures de cet article. Source: BCF
Sarah Hébert-Tremblay et Johanne Auger, les auteures de cet article. Source: BCF
Vous êtes le fier producteur d’un produit ou d’un service provenant de votre région, et vous souhaitez mettre en valeur le lieu d’origine en désignant votre produit ou votre service par le nom de la région, celui de la rivière, du comté, du village, ou du quartier? Des enjeux s’annoncent malheureusement à l’horizon.

En effet, la Loi sur les marques de commerce interdit l’enregistrement d’une marque qui donne une description claire ou fausse et trompeuse du lieu d’origine des produits ou services en liaison avec lesquels on projette de l’employer.

Si une telle marque ne peut être enregistrée, cela signifie que tous peuvent employer le nom du lieu d’origine en question pour désigner leurs produits ou services provenant de cette région.

Les noms de continents, de pays, de provinces, d’états, de régions, de villes, de quartiers et de rues peuvent tous être considérés comme des lieux géographiques. Dans la récente décision NIA Wine Group Co., Ltd. v. North 42 Degrees Estate Winery Inc., la Cour fédérale a même reconnu qu’une ligne de latitude ou de longitude devait être considérée comme un lieu d’origine.

Une marque sous forme de dessin consistant en une représentation d’un lieu géographique peut aussi être considérée comme l’équivalent du nom géographique de ce lieu. Par exemple, la représentation d’une carte de l’Italie pour commercialiser des vins constituerait une description du lieu d’origine des vins.

Qu’entend-on réellement par une marque décrivant un lieu d’origine ?

D’une part, une marque de commerce décrit clairement le lieu d’origine de la marque de commerce si :
  • elle correspond au nom d’un lieu; et

  • les produits ou services qui y sont liés proviennent de ce lieu.

  • D’autre part, une marque de commerce donne une description fausse et trompeuse du lieu d’origine si :
  • elle désigne un nom géographique qui n’est pas le lieu d’origine des produits ou services liés; et

  • le consommateur moyen serait induit en erreur en croyant que les produits ou services proviennent de ce lieu.

Dans ce dernier scénario, pour déterminer si le consommateur moyen serait induit en erreur en croyant que les produits ou services proviennent de ce lieu, on tiendra compte de la réputation de certaines villes, régions ou pays, telle la Suisse, qui est reconnue pour son chocolat.

Au contraire, l’utilisation d’un nom de rue qui ne serait aucunement réputée, ne sera pas considérée comme une description fausse et trompeuse de l’origine des produits et services.

Il est aussi intéressant de noter qu’une marque de commerce est considérée comme un nom géographique si les recherches indiquent qu’elle n’a pas de connotation autre que géographique.

Ainsi, une marque qui peut être considérée à la fois comme un lieu et comme un nom propre ou un nom commun pourrait être considérée enregistrable.

Un choix commercial à évaluer minutieusement

Au-delà des risques liés à l’enregistrement d’une marque constituée d’un nom de lieu, d’autres enjeux peuvent surgir quant à l’emploi d’une telle marque. En effet, cette marque risque fort d’être très peu distinctive, car toutes les autres entreprises qui font affaire dans la même région pourront elles aussi y faire référence. Il faut en outre penser aux conséquences potentielles en matière d’exportation.

Ainsi, une marque identifiée à un lieu qui n’est pas celui où les produits sont fabriqués pourrait empêcher l’exportation desdits produits vers ce lieu.

À propos des auteures

Me Johanne Auger est associée responsable du groupe marques de commerce chez BCF. Celle-ci accompagne des entreprises de toutes tailles dans le développement et la supervision de portefeuilles de marques nationaux et internationaux.

Sa vision globale des enjeux, son sens de l’écoute et son approche personnalisée lui permettent d’élaborer des stratégies de protection adaptées aux réalités et aux besoins de chaque client, que ce soit dans les contextes québécois, canadien ou mondial.

Me Sarah Hébert-Tremblay est avocate et agent de marques de commerce au sein de l’équipe de propriété intellectuelle du cabinet BCF au bureau de Montréal.

Sa pratique est principalement axée sur les litiges afférents aux divers types de droits de propriété intellectuelle, notamment les marques de commerce, le droit d’auteur et la rédaction de contrats commerciaux liés à la propriété intellectuelle.

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