Entrevues

L'avocat qui se soucie des jouets intelligents

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éric Martel

2018-11-29 14:30:00

« Nos lois sont désuètes. Elles ont besoin d’un bon coup de balai! » lance un avocat qui met en garde les consommateurs.

A la base de cette recherche, Me Alexandre Plourde.
A la base de cette recherche, Me Alexandre Plourde.
Option Consommateur a publié mardi une étude qui prouve les méfaits des jouets intelligents.

L’analyse de dix de ces jouets ainsi que des entrevues avec des parents ont permis à l’association à but non lucratif de déterminer que leur utilisation engendre de sérieux problèmes de protection de renseignements personnels.

L’avocat à la base de cette recherche, Me Alexandre Plourde, a expliqué la situation en profondeur à Droit-Inc.

Droit-inc : Quel est l’enjeu relié aux jouets intelligents?

Me Alexandre Plourde : Ces jouets ont une capacité à capter des données. Ils sont truffés de capteurs, de caméras, de micros… En plus, on les utilise en combinaison avec un appareil mobile.

Le hic, c’est que quand on lit les politiques de ces jouets, il n’est pas facile de comprendre ce que font les fabricants avec les données amassées. Il y a une question de transparence au bout de la ligne qui est très importante.

Leurs politiques de confidentialité sont très vagues et larges en plus d’être difficilement accessibles. Rien ne nous indique qu’elles seront utilisées pour cibler le public dans une optique commerciale puis qu’elles serviront à analyser la clientèle. Personne ne sait qui reçoit ces données et à quelles fins elles sont utilisées.

Il n’y a rien sur l’emballage : ce n’est qu’une fois qu’on télécharge l’application qu’on sait à quoi s’attendre. C’est définitivement problématique.

Quels problèmes ces jouets posent au niveau de la loi de la protection de la vie privée au Canada?

Selon la loi, on doit donner des informations adéquates aux consommateurs en vue d’obtenir leur consentement. Dans ce cas précis, les consommateurs ont de cinq à dix ans. Ce sont donc les parents qui donnent ce consentement.

Nous croyons que les fabricants doivent faire plus d’efforts pour informer les acheteurs. La loi sur la protection des renseignements personnels doit être renforcée notamment pour imposer des obligations quant aux informations données aux acheteurs.

Un emballage plus informatif permettrait aux consommateurs de faire de la protection de la vie privée une priorité.

Croyez-vous que la législation actuelle est adaptée à l’avènement des technologies?

Pas du tout. Nos lois sont désuètes. Elles ont besoin d’un bon coup de balai!

Autant la Commission d’accès à l’information que le Commissariat de protection à la vie privée le disent. Il y a un gros travail d’adaptation à faire. Nous suggérons, et ce, à plusieurs reprises, dans le rapport au Canada, de s’inspirer des normes européennes en ce qui concerne les exigences de consentement et la transparence.

Le Commissariat de la protection à la vie privée a présentement une influence trop faible au Canada. Certains biens qui ne sont pas adaptés aux exigences devraient être tout simplement retirés du marché.

Quels sont les problèmes de sécurité informatique que votre étude soulève concernant les jouets intelligents?

Le problème se trouve surtout au niveau de la transparence. Beaucoup de jouets sont facilement piratables, une réalité que le consommateur ne sait pas lorsqu’il fait son achat.

Par exemple, des pirates s’en étant pris à la poupée My Friend Kyla ont déjà réussi à parler aux enfants par son entremise. Dans le cas d’autres poupées, ils étaient capables d’accéder à des données hébergées en ligne.

Selon la loi actuelle, on teste la toxicité, la flammabilité des jouets… mais pas leur capacité à recueillir des renseignements personnels. Dans ces circonstances, la loi est présentement insuffisante.

Est-ce que les enjeux propres aux jouets intelligents touchent d’autres domaines?

Absolument. Tous les enjeux touchant l’internet des objets occuperont les juristes dans les prochaines années. C’est certain que dans le cas des jouets, c’est plus délicat. Le public est jeune, et donc vulnérable.

Le problème en ce moment, c’est que les entreprises disent partager les données des consommateurs sur une base anonyme. Ce n’est pas quelque chose de facile à faire : il ne suffit pas de cacher le nom d’un consommateur pour assurer son anonymat.

Mine de rien, l’internet des objets touche à tous les aspects de la loi.

Est-ce qu’une potentielle action collective guette les entreprises qui produisent des biens compromettant la vie privée de leurs utilisateurs?

C’est déjà commencé… pensons seulement à l’action collective contre Google en ce qui concerne la protection des données!

La difficulté pour les avocats qui se lancent là-dedans est de prouver explicitement les dommages que ces biens ont causés aux utilisateurs. Ce n’est vraiment pas toujours facile...
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