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Une avocate sous pression

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Gabriel Poirier

2021-12-16 15:00:00

Deux plaintes pour harcèlement psychologique et des condamnations pour honoraires excessifs et injustifiés dressent le portrait d’une avocate sous pression…

Me Nina V. Fernandez. Photo : LinkedIn
Me Nina V. Fernandez. Photo : LinkedIn
Les litiges s’accumulent pour Nina Fernandez. Sauf que l’avocate d’une cinquantaine d'années siège maintenant au banc des accusés.

C’est vrai au Tribunal administratif du travail (TAT) – où deux anciens employés l’accusent de harcèlement psychologique. Et c’est vrai au Conseil d’arbitrage des comptes des avocats.

Le Conseil, qui tranche des conflits d’honoraires, reproche à Me Fernandez d’avoir facturé des frais « excessifs » à Claudette Blais, l'une de ses clientes. Nina Fernandez lui réclamait 139 968 $. Le Conseil a réduit ses honoraires de 64 %, concluant qu’ils ne devaient pas excéder la somme de 49 943 $.

Cette décision de février 2020 ressemble à une autre de la Cour du Québec. Le Tribunal a mis en mai dernier un frein aux réclamations de FNC Avocats – la boutique de Nina Fernandez – qui exigeait 23 948 $ à l’entrepreneur Jean-Roch Plante. La juge Johanne Gagnon lui a consenti dix-neuf fois moins, soit 1 234 $.

Le Conseil de discipline du Barreau a lui aussi sanctionné Me Fernandez pour des honoraires « injustifiés et disproportionnés », cette fois exigés à Helda Augustin.

« L’attitude de (Nina Fernandez) devant le Comité, ses écrits et plus particulièrement ses comptes d’honoraires contradictoires ont convaincu le Comité que, pour elle, son statut d’avocate lui permettait de charger pratiquement ce que bon lui semblait », indique le jugement du 30 mars 2004.

Me Fernandez a tenté de contester cette décision, mais le Tribunal des professions a rejeté son appel, le 9 mars 2005.

Nina Fernandez a été admise au Barreau le 1er octobre 1993.

Harcèlement psychologique

Sarah Nelson et Neal Bangia, tous deux secrétaires juridiques, portent plainte au Tribunal administratif du travail contre leur ancien employeur, FNC Avocats.

La première soutient avoir été victime de harcèlement psychologique et d’un « congédiement illégal ». Le second aurait été congédié pour avoir réclamé un « milieu de travail exempt de harcèlement psychologique », allègue-t-il.

C’est ce que révèlent deux décisions prononcées en novembre et avril dernier par le TAT. À noter que celles-ci ne portent pas sur le fond des litiges. Les allégations de Sarah Nelson et de Neal Bangia n’ont pas encore été mises à l’épreuve par le Tribunal.

« Nous travaillions toujours dans la peur, nous explique Mme Nelson au téléphone. Je ressentais toujours la peur de perdre mon emploi et la peur de me faire crier dessus. »

Un ancien employé de FNC Avocats nous a lui aussi confié avoir été victime de harcèlement psychologique, sans toutefois accepter de participer à notre enquête. Il n’a pas entrepris de recours judiciaire.

Neal Bangia prétend que le harcèlement dont il a été victime a pris une coloration particulière. Il se serait traduit par des reproches et des moqueries transphobes.

« C’est après lui avoir avoué que je suis un transsexuel – et lui avoir demandé de porter des vêtements considérés comme “féminins” – que son comportement a drastiquement changé. Je crois qu’elle m’en voulait de ne pas lui en avoir parlé lors de mon entretien d’embauche. »

M. Bangia aurait révélé sa transsexualité à Me Fernandez en juillet 2017, à la mi-parcours des trois mois où il a travaillé pour elle.

Claudette Blais assimile elle aussi des incidents dont elle a été témoin à du harcèlement psychologique. L’ancienne cliente s’est épanchée au cours d’une discussion sur les honoraires de Me Fernandez.

« Elle traite ses employés comme de la merde. Elle peut les dénigrer devant nous, ses clients. J’étais très abasourdie (...) Ça me donne l’impression qu’elle se “pogne” avec tout le monde, du moins, c'est ce que j’en conclus. »

Mme Nelson a été à l’emploi de FNC Avocats de l’été 2018 à octobre 2018, tandis que M. Bangia y a travaillé pendant trois mois, de mai 2017 à septembre 2017.

Honoraires excessifs

Claudette Blais a retenu les services de Nina Fernandez en février 2015, un an avant le départ de cette dernière du cabinet Dunton Rainville. Elle ignorait à l’époque que sa « chicane » de voisins – une cause réputée « simple » – s’élèverait à 140 000 $.

« Je ne dormais plus la nuit, nous confie Claudette Blais. Pas à cause de mes voisins, mais bien à cause des factures que je devais payer. Même le juge a vu clair. »

Mme Blais réfère au jugement rendu en sa faveur par la Cour supérieure. Le juge Pierre Nolet s’est permis de digresser sur « l’apparence excessive » des honoraires de son avocate. Environ 82 000 $ ont été facturés avant la tenue du procès.

Le Conseil d’arbitrage du Barreau a ordonné à Me Fernandez de rembourser une somme de 10 000 $ en plus d’annuler le solde de 84 024 $ qu’elle réclamait à sa cliente.

Sa facturation « excessive » a été écorchée au passage.

« Le Conseil s’explique mal pourquoi les factures de l’avocate comportent si peu de détails (...) Il est regrettable qu’à ce jour, le Conseil constate encore que des avocats soient aussi peu précis lorsqu’ils procèdent à la facturation de leurs services professionnels », mentionne la sentence arbitrale.

Arroseur arrosé

Nina Fernandez espérait obtenir 23 948 $ de son client, Jean-Roch Plante. La juge Johanne Gagnon, de la Cour du Québec, s’est retournée contre elle, avant de « réduire » de 52 % le montant inscrit à une facture du 1er octobre 2018.

« Me Fernandez n’offre aucune explication au Tribunal. Elle témoigne de façon évasive et est incapable de répondre de façon articulée aux questions portant sur les services qu’elle a rendus », précise la juge Gagnon.

À noter que ladite facture, qui s’élevait à 48 470 $, incluait des frais d’impression de 6 435 $. Me Fernandez a reconnu le 28 octobre 2018 qu’il s’agissait d’une erreur typographique. Les frais d’impression étaient de 64,35 $ – et non de 6 435 $. Elle a offert un crédit de 9 000 $ à son client pour rectifier la situation.

« Aux yeux du Tribunal, c’est exactement ce que FNC a fait en l’espèce : empiler les heures de travail les unes par-dessus les autres sans égard à ses obligations déontologiques à l’égard des défendeurs », ajoute le jugement.

La juge Gagnon a conclu, malgré les dénégations de Me Fernandez, que le dossier de M. Plante ne contenait « aucune difficulté particulière ». Elle a donné en partie raison à l’entrepreneur. Le Tribunal a effacé les honoraires réclamés par Me Fernandez.

« Le Tribunal conclut qu’en l’espèce, il y a lieu de réduire les honoraires de FNC pour les services rendus et détaillés à sa facture du 1er octobre 2018. Aux yeux du Tribunal, la somme de 20 000 $ payée par les défendeurs à titre d’avance en septembre 2018 est suffisante pour couvrir l’entièreté des services professionnels rendus par FNC entre le 10 septembre et le 24 septembre 2018, en honoraires et taxes. »

La somme de 1 234 $ octroyée à Nina Fernandez correspond aux déboursés de la facture du 1er octobre 2018.

Qui va deux va trois

L’affaire remonte au début des années 2000. Nina Fernandez, qui cumule à l’époque près de dix ans d’expérience, obtient 25 000 $ du Fonds d’indemnisation des services financiers pour sa cliente, Helda Augustin.

Me Fernandez, qui en a conservé plus de la moitié, s’est vu réprimandé par le Conseil de discipline du Barreau, dans une décision rendue le 30 mars 2004. Le Conseil a conclu à des honoraires « injustifiés et disproportionnés ».

Il a aussi relevé plusieurs erreurs de facturation, dont une somme de 3 050 $ chargée en double, ainsi que 1 024 $ de « frais fixes d’administration ».

Ces frais correspondaient à une partie des coûts de loyer, d’électricité, d’assurance, de téléphonie et de taxes d’affaires de Me Fernandez.

« Le Comité constate qu’après plus de trois ans, soit depuis la première lettre qui lui a été adressée par le plaignant le 22 janvier 2001, (Nina Fernandez) est, aussi incroyable que cela puisse paraître, incapable d’expliquer le détail des honoraires et déboursés de 13 082,41 $ chargés à Mme Augustin. »

Nina Fernandez a été forcée de remettre 3 550 $ à sa cliente. Le Conseil de discipline lui a aussi remis une amende de 3 000 $. Elle a tenté de contester cette décision, mais le Tribunal des professions a rejeté son appel, le 9 mars 2005.

Entretien décliné

Joint par Droit-inc, Me Fernandez n’avait pas donné suite à nos demandes d’entretien au moment d’écrire ces lignes.

Nina Fernandez a fondé FNC Avocats en février 2016 dans les jours qui ont suivi son départ de Dunton Rainville. Elle a fait son entrée chez Dunton en 2011, année de sa fusion avec Howard et Associés, la boutique où elle était associée.

Nina Fernandez a ouvert sa première étude légale en 1997, après avoir travaillé quelques années chez McCarthy Tétrault.

Le Barreau du Québec a décliné notre demande d’entretien.

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7 commentaires

  1. Anonyme
    Anonyme
    il y a 2 ans
    Choc culturel?
    « C’est après lui avoir avoué que je suis un transsexuel – et lui avoir demandé de porter des vêtements considérés comme “féminins” – que son comportement a drastiquement changé. Je crois qu’elle m’en voulait de ne pas lui en avoir parlé lors de mon entretien d’embauche. »


    M. Fernandez vient d'une culture où les hommes se dressent devant les taureaux qui les chargent, esquivent les cornes de l'animal furieux au moment où ils sont sur le point de se faire empaler, et voient leur courage acclamé par des foules qui hurlent "Olé" à l'unisson. Est-il surprenant qu'elle tombe de haut lorsque derrière la cape d'un homme de son entourage, elle découvre qu'il n'y a pas de cojones?

  2. Confrère
    Confrère
    il y a 2 ans
    Aucunement surpris
    Cette consoeur est aussi agressive que désagréable.

  3. Anonyme
    Anonyme
    il y a 2 ans
    Adjointe juridique
    Je ne suis pas surprise en ce qui concerne le harcèlement psychologique... J'avais passé une entrevue d'embauche en octobre 2017 et je ne la sentais pas! Surtout après m'avoir avoué qu'elle en était rendue à 5 adjointes en 2 ans...

  4. Alain Desrosiers
    Alain Desrosiers
    il y a 2 ans
    Avocat
    Ayant souffert d'harcèlement psychologique dans mon ancien emploi, je crois que le Barreau devrait établir une politique de tolérance zéro quant à ce comportement de la part d'un membre envers ces collègues ou ces employés.

    Selon mon humble opinion, l'attitude de Me Fernandez déshonore totalement notre profession et celle-ci devrait être radiée du tableau. Ceci est inacceptable...

  5. DSG
    et lui avoir demandé de porter des vêtements considérés comme “féminins” – que son comportement a drastiquement changé
    I don't get it. If an employee said that they wanted me to dress more feminine I would be hostile towards that person too. I'm not here to amuse the employees.

  6. avocat
    avocat
    il y a 2 ans
    Syndic du Barreau, agissez
    Le syndic du Barreau devrait sanctionner Me Fernandez qui donne visiblement un caractère de lucre à sa pratique et qui projette une image épouvantable de la profession qui rejailli sur nous tous. J'ai honte de faire partie d'un ordre professionnel qui la tolère dans ses rangs.

  7. Rabouin
    Rabouin
    il y a 2 ans
    Rabouin
    C'est normal c'est typiquement Dunton Rainville.
    C'est là qu'elle a fait ses classes.

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