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​Propriété intellectuelle et émojis : à qui appartient le bonhomme sourire ?

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Sarah-hébert Tremblay Et Johanne Auger

2022-04-07 11:15:00

À qui appartient ce sourire ? Deux professionnels vous renseignent sur l’émoji…

Sarah-Hébert Tremblay et Johanne Auger, les auteures de cet article.  Source: Site web de BCF Avocats d’affaires
Sarah-Hébert Tremblay et Johanne Auger, les auteures de cet article. Source: Site web de BCF Avocats d’affaires
On les utilise tous les jours pour rendre nos communications virtuelles plus expressives. Les émojis font aujourd’hui partie de notre quotidien, mais à qui appartiennent-ils réellement? La question se pose dans le contexte où certaines entreprises souhaiteraient les utiliser à titre de marque de commerce consistant en l’émoji seul ou combiné à d’autres éléments.

Les émojis sont ces petites icônes que nous utilisons communément dans nos communications écrites pour remplacer un mot, ponctuer nos phrases ou exprimer une émotion ou une idée.

La plupart des émojis sont assez standards et sont reconnus sur toutes les plateformes. Chaque médium peut toutefois représenter l’émoji de façon différente. Par exemple, Apple transforme la représentation réaliste d’un pistolet en un pistolet à eau vert fluo.

Les émojis sont-ils protégés par la propriété intellectuelle?

A priori, un émoji étant une image, il est susceptible d’être protégé par droit d’auteur. Une compilation d’éléments peut également bénéficier de la protection du droit d’auteur. Ainsi, une série d’émojis suggérant une idée particulière pourrait potentiellement être protégée si le choix et la disposition des émojis sont suffisamment originaux. Un émoji bien particulier ou une série d’émojis qui servirait à distinguer ses produits ou ses services de ceux des autres pourrait aussi potentiellement constituer une marque de commerce qu’il serait possible d’enregistrer et donc de monopoliser.

L’originalité des émojis en cause

D’un autre côté, la simplicité de la plupart des émojis ou leur caractère plutôt commun, comme le bonhomme sourire ou le cœur, pourrait permettre de croire que ceux-ci ne sont pas suffisamment originaux pour être considérés comme une œuvre en vertu de la Loi sur le droit d’auteur. En effet, la plupart des émojis contiennent des éléments incontournables pour illustrer l’idée qu’ils représentent. Ces éléments sont d’ailleurs utilisés depuis très longtemps. Ainsi, personne ne peut se les approprier. Ce serait par exemple le cas de l’émoji de cœur ou du bonhomme sourire.

Il en est de même au niveau des marques de commerce qui ne peuvent être descriptives ou être dépourvues de caractère distinctif. Ainsi, il ne serait pas possible d’enregistrer l’émoji de la pêche en liaison avec des fruits, ou l’émoji du professeur en liaison avec des services d’enseignement.

Certains émojis personnalisés, comme les KIMOJI de Kim Kardashian, sont davantage susceptibles d’être protégés par droit d’auteur puisqu’ils comprennent des éléments originaux. Le terme KIMOJI est d’ailleurs enregistré à titre de marque de commerce au Canada. L’utilisation de ces émojis représentant Kim Kardashian pour la plupart pourrait aussi soulever des enjeux de droits à l’image, tout comme tout autre émoji représentant une personne en particulier. De nombreuses célébrités ont d’ailleurs créé de tels émojis personnalisés, incluant le Canadien Justin Bieber.

Pour l’instant, aucun émoji en tant que tel ne semble faire l’objet d’un enregistrement de marque au Canada. Il semblerait aussi que la question des droits de propriété intellectuelle liés à des émojis n’ait pas encore été portée devant les tribunaux canadiens. Par contre, avec la prolifération des expériences et des environnements technologiques auquel le public a accès, il y a fort à parier que les litiges concernant les œuvres numériques vont se multiplier.

Il est donc entendu qu’il est certainement possible de continuer à ponctuer nos messages d’émojis souriants. Toutefois, avant d’employer tout émoji de manière commerciale, comme dans une marque de commerce par exemple, mieux vaut d’abord vérifier qu’un tel emploi n’enfreint pas de droits de propriété intellectuelle de tiers. Si aucun droit n’est enfreint et que l’émoji ou la série d’émojis sert à distinguer vos produits ou vos services de ceux des autres sur le marché, elle pourrait agir à titre de marque de commerce et être potentiellement enregistrée, et donc monopolisée, pour constituer un actif de l’entreprise. Pour ce faire toutefois, il faudra faire preuve d’une certaine créativité.

À propos des auteures

Sarah Hébert-Tremblay est avocate au sein de l’équipe de propriété intellectuelle du cabinet BCF Avocats d’affaires, à Montréal. Johanne Auger est associée responsable du groupe Marques de commerce chez BCF.
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