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Une avocate perd sa poursuite en diffamation contre un journaliste

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Didier Bert

2022-04-11 15:00:00

La Cour du Québec a débouté une avocate qui s’estimait diffamée dans une chronique radiophonique…

L’avocate Lyne Gaudreault contre le journaliste Louis Lacroix. Sources: Site web de Dunton Rainville et Twitter
L’avocate Lyne Gaudreault contre le journaliste Louis Lacroix. Sources: Site web de Dunton Rainville et Twitter
Le juge Yvan Nolet, de la Cour du Québec, a rejeté la poursuite en diffamation de l’avocate Lyne Gaudreault contre le journaliste Louis Lacroix.

Me Gaudreault, qui travaille chez Dunton Rainville à Laval, réclamait 75 000 $ en dommages-intérêts au journaliste Louis Lacroix et à Yvon Robert, un citoyen de Saint-Jérôme, en raison d’une chronique prononcée à l’émission de radio ''Puisqu’il faut se lever'', en août 2016.

Dans sa chronique, le journaliste mettait en garde François Legault, en s’inquiétant de voir Me Gaudreault inviter des gens de son entourage à un cocktail organisé par la Coalition Avenir Québec, à l’occasion d’un caucus des députés.

Le journaliste en avait alors profité pour rappeler que le cabinet Dunton Rainville a été éclaboussé en 2013 : Pierre Lambert, un ex-associé, avait géré la caisse électorale occulte de l’ex-maire de Laval, Gilles Vaillancourt, rapporte TopoLocal, un média d’information locale de Saint-Jérôme.

Le cabinet avait été entendu à la Commission Charbonneau. Me Lambert avait remis 700 000 $ en argent comptant aux enquêteurs de la commission. À l’époque, Dunton Rainville avait obtenu la démission de Me Lambert. Ce dernier, co-accusé avec Gilles Vaillancourt, avait vu son procès avorter pour des délais judiciaires déraisonnables.

Lorsque Louis Lacroix a énoncé sa chronique radiophonique en août 2016, Pierre Karl Péladeau venait de quitter son poste de chef du Parti Québécois et alors son mandat de député de Saint-Jérôme.

Me Lyne Gaudreault avait alors accepté de s’impliquer bénévolement dans la campagne de la CAQ pour la circonscription.

Le journaliste Louis Lacroix a reçu - d’une source qu’il garde anonyme - un courriel mentionnant une invitation à un cocktail organisé par la CAQ à Saint-Jérôme, en présence de tous les députés du caucus du parti. Au bas du courriel apparaissaient les coordonnées professionnelles de Me Gaudreault chez Dunton Rainville.

Le journaliste vérifie l’implication de Me Gaudreault comme bénévole dans l’organisation de la campagne électorale, avant d’en faire un sujet de sa chronique matinale avec Paul Arcand.

La Cour reprend les mots du journaliste

La décision de la Cour du Québec reprend les mots employés par le journaliste dans sa chronique.

« Moi, si j’étais à la place de François Legault, je ferais un petit peu attention aux gens qui organisent mes activités, parce que j’ai mis la main sur un courriel d’une dame qui s’appelle Lyne Gaudreault, qui est avocate dans un cabinet qui s’appelle Dunton Rainville, que tu connais sans doute pour l’avoir entendu à la Commission Charbonneau à quelques reprises… », dit Louis Lacroix à Paul Arcand.

Et le journaliste de poursuivre:

« Je suis pas en train de dire que madame Gaudreault, là, trempe dans des activités louches, là, on me dit que c’est une militante de la CAQ ici dans Saint-Jérôme, mais la délicatesse aurait dû faire en sorte qu’elle aurait utilisé peut-être un courriel personnel plutôt que de prendre un courriel qui est associé, dont le nom est associé à une Commission Charbonneau…

(…) On a été au cœur de tout un scandale sur le financement politique et puis là, tu as des gens qui sont associés à un scandale de financement politique à Laval qui…Le nom en tout cas du cabinet d’avocats est associé à une activité partisane. Il me semble que moi, si j’avais été à la place… (…) de François Legault, je me serais assuré par simple prudence, n’est-ce pas, qu’il puisse pas y avoir d’ambiguïté en tout cas. »

Me Lyne Gaudreault estimait que plusieurs propos de Louis Lacroix étaient diffamatoires, et que des faits énoncés étaient inexacts. L’avocate avait mandaté une firme de communication pour que Paul Arcand reformule les faits avec la version de Me Gaudreault. La productrice de l’émission a refusé de donner suite à cette demande.

Me Christian Paré
Me Christian Paré
L’avocate a mis en demeure Louis Lacroix et Yvon Robert. Elle a aussi porté plainte devant le Conseil de presse du Québec. Me Gaudreault soutenait que contrairement aux affirmations du journaliste, elle n’était pas organisatrice de l’activité, qu’elle n’avait pas envoyé les invitations, qu’elle n’avait pas utilisé son courriel professionnel de Dunton Rainville. Elle reprochait au journaliste d’avoir communiqué des informations incomplètes, d’avoir fait preuve de manque de rigueur de raisonnement et d’avoir fait preuve de sensationnalisme. Elle reprochait également au journaliste de ne pas avoir identifié ses sources et d’avoir refusé de corriger avec diligence ses manquements ou erreurs.

Le Conseil de presse du Québec a rejeté les quatre griefs soulevés par Me Gaudreault. En août 2017, celle-ci a alors porté cette décision en appel, et elle a déposé une demande introductive d’instance contre les défendeurs pour atteinte à la réputation.

Me Éric Mongeau et Me Alexa Teofilovic. Source: Site web de Stikeman Elliott
Me Éric Mongeau et Me Alexa Teofilovic. Source: Site web de Stikeman Elliott
Me Gaudreault poursuivait aussi Yvon Robert, qu’elle désignait comme source du journaliste, ce que les deux défendeurs ont nié. L’avocate était représentée par Me Christian Paré, un de ses collègues du cabinet Dunton Rainville.

Louis Lacroix était représenté par Me Éric Mongeau et Me Alexa Teofilovic du cabinet Stikeman Elliott.

Yvon Robert était défendu par Me Rafael P.Ferraro.

Les affirmations du journaliste Louis Lacroix étaient d'intérêt public et n'avaient rien de diffamant, même si elles étaient incomplètes, a décidé la Cour du Québec.

« Le commentaire de Lacroix lors de sa chronique était raisonnable à l’égard des faits dont il avait connaissance et qu’il a vérifiés », indique le jugement.

L’avocat Rafael P.Ferraro. Source: Site web de Gowling WLG
L’avocat Rafael P.Ferraro. Source: Site web de Gowling WLG
Le tribunal a rejeté les demandes introductives d’instance formulées contre Louis Lacroix et Yvon Robert.

Me Gaudreault est condamnée à payer 5 500 $ à Yvon Robert à titre de dommages moraux.

Le tribunal a aussi rejeté les demandes de Louis Lacroix de faire reconnaître la procédure comme abusive. Le journaliste réclamait des dommages moraux de 20 000$ et des dommages punitifs de 15 000$, ainsi que le remboursement de ses honoraires d’avocat. La Cour du Québec a condamné Me Gaudreault à payer les frais de justice.

Me Gaudreault ne fera pas appel de la décision du tribunal, précise le média TopoLocal.

Contactée par Droit-inc, l’avocate n’a pas retourné notre appel.
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2 commentaires

  1. Felipe
    Felipe
    il y a 2 ans
    Et vlan!
    Quelle belle victoire. Louis Lacroix est d’une intégrité journalistique reconnue. Ça n’empêche pas qu’il aurait pu se tromper, mais bien heureux que ce ne soit pas le cas. Il pourra continuer de faire son travail. Dunton Rainville aurait mieux fait de tenir ça mort car là ça nous rappelle tous les liens louches de la belle époque où Me Lambert faisait la morale à tous les avocats qui questionnaient ses démarches douteuses.

  2. DSG
    Good
    I was just saying last week that I hate it when people resort to legal action whenever something is said about them that they don't like. Way to go, Louis Lacroix. Keep it real.

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