Me Antoine Tremblay
Me Antoine Tremblay
Depuis l’automne 2022, dès qu’il doit se rendre à son bureau, dans le Vieux-Montréal, Antoine Tremblay, associé chez Morency, enfourche son vélo à assistance électrique acheté localement.

Ce pro du droit des affaires effectue une vingtaine de kilomètres, puisqu’il part de La Prairie. Cela lui prend 45 à 55 minutes. Une manière d’agir à son niveau pour ce Barreau 1992, qui a eu une véritable épiphanie sur le plan environnemental.

Aujourd’hui, l’avocat est bien décidé à conscientiser ses pairs vis-à-vis de la lutte aux changements climatiques.

Me Tremblay, qui se qualifiait au départ d’environnementaliste ordinaire, « plus discret », explique que plusieurs déclics ont changé la donne. La canicule importante de l’été 2018 au Québec l’a mené à une prise de conscience davantage aigüe.

« Je croyais au réchauffement climatique, ça faisait longtemps qu’on en parlait, mais pour la première fois, je voyais sur le thermomètre de ma voiture qu’il faisait 40 degrés, se souvient-il. Je n’avais jamais vu ça de ma vie. »

À ce premier jalon s’en ajoute un autre, en février 2020, quand un investisseur dans les « cleantech », ou énergies propres, lui a indiqué qu’il serait bien possible qu’on finisse par frapper un mur, en continuant à vivre sans agir.

Un dimanche d’avril 2020, alors que la pandémie de COVID-19 frappait le monde, c’est une chronique de livre de La Presse qui l’a interpellé.

Le titre du livre étant « La Terre inhabitable : vivre avec 4 °C de plus » de David Wallace-Wells, journaliste américain, paru aux éditions Robert Laffont.

« C’est un titre assez choc et cette chronique a frappé mon imaginaire, explique-t-il. Parallèlement, beaucoup d’argent était investi par les gouvernements pour pallier le ralentissement économique dû aux mesures restrictives de la pandémie, avec des montants spectaculaires. »

L’avocat a remarqué que si on entendait parler des enjeux climatiques, il n’y avait pas en face de « mesures gouvernementales concrètes », comparativement à ce qui a été fait pour la pandémie.

Sa prise de conscience s’est alors intensifiée. « Je me suis demandé ce que je pouvais faire pour contribuer à la lutte aux changements climatiques », pointe-t-il.

Formation et mobilité durable

Sa première action a été de rejoindre le Comité vert et responsabilité sociale de son cabinet, au départ « conduit par des jeunes du bureau ».

Avec les membres du Comité vert, l’associé a estimé qu’un moyen d’action intéressant était de proposer des formations pour sensibiliser les professionnels du droit aux questions environnementales.

En 2021, le Comité a d’abord monté une formation interne, baptisée « L’Accord de Paris démystifié », puis reprise au Grands Rendez-Vous de la Formation avec un contexte canadien et international, le 10 février au Palais des congrès de Montréal.

Intitulée « Cadre juridique international et canadien de lutte aux changements climatiques », celle-ci visait à vulgariser le contenu de ce cadre juridique.

Me Julien Pennou
Me Julien Pennou
Avec Me Julien Pennou, Barreau 2010, Me Tremblay a passé succinctement en revue l’Accord de Paris, la Loi canadienne sur la responsabilité en matière de carboneutralité, le concept de Bourse du carbone en vigueur au Québec, la Taxe sur le carbone au Canada et le renvoi de la Cour suprême du Canada portant sur cette dernière taxe, rendu en 2021.

Certains concepts liés à la finance climatique et à la justice climatique ont également été présentés.

La deuxième action de Me Tremblay a donc été celle de venir travailler à vélo deux à trois jours par semaine. Un « petit pas », mais il suffit qu’une personne s’y mette pour en motiver d’autres, estime l’avocat, qui croit à l’effet d’entraînement.

L’hiver, dans la neige, il utilise un vélo « plus bas de gamme » pour éviter d’endommager celui à assistance électrique avec le calcium, mais l’idée est la même. Pour lui, c’est aussi agréable que le ski de fond, voire plus.

Il y voit un bénéfice environnemental, un autre au niveau de la santé, et en dernier lieu, quelques économies en frais de transport.

Me Antoine Tremblay
Me Antoine Tremblay
Un vent de changement

Si Me Tremblay n’a pas l’impression que les avocats « soient très versés » sur les enjeux climatiques, il croit que le vent de changement est amorcé au sein du Barreau, notamment grâce à Me Bruno Caron, de Miller Thomson.

En juin 2022, ce dernier déposait une résolution de dernière minute à l’Assemblée générale du Barreau, l’exhortant à prendre des initiatives pour inciter ses membres à jouer un rôle dans la lutte contre les changements climatiques.

La résolution avait été adoptée à la majorité des voix. Quelques mois plus tard, son cabinet lançait un nouveau groupe de pratique « Responsabilité sociale des entreprises et marché du carbone ».

C’est à la suite de l’adoption de cette résolution de juin 2022 que Me Tremblay a eu un son de cloche du Barreau du Québec pour présenter sa formation. Il a toutefois été déçu par le nombre de participants, environ 45 personnes.

« J’aurais aimé avoir une salle bondée, non pas pour avoir les projecteurs sur moi, mais pour passer le message devant un auditoire un peu plus large », remarque Me Tremblay.

Cette conférence sera probablement reprise plus tard dans l’année, dans le cadre d’un Webinaire organisé par le service de la formation permanente du Barreau du Québec.

« J’en arrive à la conclusion qu’il y a urgence d’agir et je n’ai pas l’impression que dans la population, incluant les membres de la communauté juridique, on partage ce sentiment », déplore l’associé.

Voici pourquoi Me Tremblay aimerait contribuer à développer cette conscience chez les autres. Il n’est toutefois pas pessimiste et a même de l’espoir.

Il croit notamment que la finance climatique constitue une des réponses… et pense qu’il faut, entre autres, s’attaquer à la problématique de l’auto solo.