Trépanier a facturé 900 000 $ à Dessau

La Presse Canadienne
2013-03-27 07:00:00

M. Trépanier avait alors sa firme Bermax, "pour Bernard au maximum", a précisé le témoin, qui faisait du travail de démarchage, et qui avait plusieurs clients, dont Dessau.
Mais M. Trépanier a catégoriquement nié avoir fait un tel travail auprès des municipalités. "Je n'ai jamais fait de représentation pour la firme Dessau dans d'autres municipalités."
Il a plutôt attribué cette facture d'honoraires d'environ 100 000 $ à un travail pour aider Dessau à obtenir sa qualification pour des mandats avec Aéroports de Montréal (ADM), a-t-il expliqué. M. Trépanier connaissait un homme ayant déjà travaillé à Transport Canada, qui avait pu les aider à préparer la documentation requise. Et M. Trépanier versait à son tour à cet intermédiaire une somme d'environ 5000 $ "une fois par deux mois".
Me Gallant a déposé un relevé des factures envoyées à Dessau, soit par M. Trépanier lui-même, soit par Bermax, son entreprise personnelle. Ce relevé fait état d'un total d'environ 688 015 $ pour Bermax et 218 412 $ pour M. Trépanier.
Le procureur a douté du fait que Dessau ait payé 900 000 $ à M. Trépanier sur plusieurs années "uniquement pour ça", pour un simple travail de soutien pour se faire qualifier auprès d'ADM. Mais M. Trépanier a défendu l'importance de son travail. "Lorsqu'ils étaient qualifiés, ils étaient garantis pour X montant de chiffre d'affaires!" s'est-il exclamé.
La firme Dessau a pour sa part réagi aux propos de M. Trépanier en affirmant, par voie de communiqué, que sa direction _ incluant son président et chef de la direction Jean-Pierre Sauriol n'a pris connaissance de l'existence de ces paiements que lors du témoignage de Rosaire Sauriol à la Commission Charbonneau, le jeudi 21 mars dernier.
"Toute la direction de Dessau, à l'exception de M. Rosaire Sauriol, ignorait tout de l'existence de ces paiements, de même que de la nature des services rendus", a précisé la firme dans son communiqué.
Rosaire Sauriol a démissionné lundi de son poste de vice-président principal chez Dessau, quelques jours après son témoignage devant la Commission Charbonneau.
Dessau n'était pas le seul client de la firme Bermax et de M. Trépanier. Il a également eu à différents moments Tecsult et SM dans le domaine du génie, de même que Octane, dans le domaine des communications.
"J'étais ouvreur de porte", a-t-il résumé. Bermax faisait du démarchage, "du lobbying", à au moins 100 $ l'heure, mais il ne s'est jamais inscrit au registre des lobbyistes, a-t-il admis. Il demandait en plus une commission s'il réussissait à obtenir un contrat pour son client.
Une affaire de famille
Auparavant, M. Trépanier avait expliqué comment il en était venu à faire de la politique pour des gens qu'il considère comme sa famille.
D'abord organisateur pour des conservateurs fédéraux, il s'est ensuite engagé dans plusieurs élections municipales à Laval pour Gilles Vaillancourt, puis à Saint-Jérôme, Boisbriand, Rosemère, Longueuil pour le maire Claude Gladu, en plus d'élections complémentaires à Le Gardeur, Repentigny, Saint-Laurent, puis finalement Saint-Léonard, où il a rencontré le maire d'alors, Frank Zampino.
Il a été rémunéré pour chacune de ces élections, sauf à Saint-Léonard et Laval.
Dans les municipalités où il a été rémunéré, il a généralement été payé en argent comptant, mais une partie en chèque et une partie en argent comptant à Boisbriand, et seulement par chèque à Rosemère.
Quand il a travaillé pour Frank Zampino, il ne réclamait rien. "Un chum, c'est un chum", s'est-il exclamé devant la juge France Charbonneau qui lui demandait pourquoi il n'était alors pas rémunéré à Saint-Léonard.
"C'était une affaire de famille. On était là pour s'amuser", a résumé l'homme de 74 ans, qui a précisé avoir "encore de la mèche" à son âge.
Et à Laval non plus il n'a pas été payé, ni par le maire de l'époque, Gilles Vaillancourt, ni par quelqu'un d'autre de son équipe, a-t-il affirmé.
En 2001, M. Trépanier s'est engagé auprès de l'Union des citoyens de Montréal, "l'ancêtre" d'Union Montréal, pour faire gagner l'équipe (Gérald) Tremblay-Zampino. M. Zampino est ensuite devenu président du comité exécutif de la Ville de Montréal.
C'est à cette époque aussi que M. Trépanier a connu le jeune Tony Tomassi, déjà intéressé à la politique, et qui allait devenir ministre de la Famille dans le gouvernement de Jean Charest, des années plus tard.
Élections clé en main
Avant 2004, a-t-il témoigné, il ne faisait pas de financement et ne voulait même pas toucher à ça. C'était alors l'époque des élections clé en main, a-t-il témoigné.
Dans ce concept des élections clé en main, y avait-il de faux bénévoles? lui a demandé le procureur chef adjoint de la commission, Me Denis Gallant. "Moi je ne l'ai pas vu", a répondu M. Trépanier.
Il a toutefois dû admettre que lui-même était alors présenté comme un "bénévole d'élection", alors qu'il était rémunéré, et généralement en comptant.