Le droit carcéral: un domaine niché mais populaire
Marie-ève Buisson
2023-04-26 13:15:00
Tout d’abord, comment décrivez-vous le droit carcéral ?
A: Le droit carcéral est à la base du droit administratif. Ça touche le droit criminel, la criminologie et tout ce qui a rapport aux enjeux sociaux. Un avocat en droit carcéral va travailler sur tous les aspects touchant la sentence d’une personne incarcérée.
On représente notre client pour des libérations conditionnelles tant au provincial qu’au fédéral, mais on peut aussi le conseiller sur ses conditions de détention et sur les soins de santé qu’il reçoit en établissement.
Quelle est la clientèle typique que vous représentez ?
A: Notre clientèle est variée et malheureusement vulnérable. Je parle ici d’individus qui ont des problématiques de toutes sortes, que ce soit au niveau de la santé mentale, des troubles de consommation et autres. Lorsqu’ils entrent en détention, ils doivent souvent faire un sevrage, ce qui est assez difficile. Notre rôle est donc de les accompagner et de les conseiller tout au long de leur parcours.
Où peut-on pratiquer le droit carcéral ?
A: Il y a vraiment peu d’avocats qui pratiquent le droit carcéral. Au Québec, je crois que nous sommes 70 ou 80 avocats, ce qui explique pourquoi notre domaine de pratique est très niché. En général, ceux qui pratiquent le droit carcéral le font à leur compte ou dans un cabinet qui se spécialise dans ce domaine du droit.
Je crois que notre pratique est assez méconnue puisqu’il n’y a pas beaucoup d’universités qui donnent des cours sur le droit carcéral. L’accès est aussi très difficile pour les étudiants qui veulent travailler dans un cabinet, puisque l’accès aux détentions est souvent réservé aux avocats ou aux stagiaires du Barreau.
Que conseillez-vous aux étudiants qui souhaitent travailler dans ce domaine ?
A: La meilleure façon serait de contacter des avocats qui pratiquent en droit carcéral pour voir s’il y a une possibilité de travailler avec eux dans leur cabinet en tant qu’étudiant en droit. Ce serait aussi l’occasion idéale de poser vos questions sur ce domaine de pratique pour voir si c’est celui qui vous convient.
Je connais plusieurs collègues qui sont ouverts à accueillir de jeunes stagiaires en droit carcéral dans leurs bureaux. Il y a toutefois beaucoup de demandes, puisque c’est un domaine assez restreint et niché.
Vous dites que vos formations dans les universités ont vraiment éveillé l’intérêt des étudiants en droit. Selon vous, pourquoi est-ce que le droit carcéral est aussi attrayant ?
A: Le fait que ce domaine soit peu connu peut attirer la curiosité des étudiants. On voit aussi beaucoup d’émissions ou de films qui représentent la prison, le pénitencier. Ça peut avoir l’air excitant de pratiquer dans ce milieu de travail pour certaines personnes.
La clientèle est aussi très particulière en droit carcéral, ce qui peut intéresser plusieurs étudiants. On doit aussi faire affaire à des gens qui ont commis des crimes violents, ce qui peut attirer l’attention des personnes qui aiment le ''true crime''. Bien sûr, il est facile de romantiser le droit carcéral, mais ce n’est pas toujours ce qu’on retrouve en réalité dans la pratique.
Quel type de personne pourrait pratiquer le droit carcéral? Ça prend quelles qualités, quelles valeurs ?
A: Croire à la réinsertion sociale est l’élément le plus fondamental pour pratiquer le droit carcéral. Si vous représentez un détenu devant la commission des libérations conditionnelles et que vous ne croyez pas à sa réinsertion sociale, c’est que vous êtes à la mauvaise place.
Si vous ne croyez pas qu’une personne peut apporter des changements significatifs à sa vie pour réussir à atteindre un mode de vie plus sain, il y aura certainement une dissonance entre le travail que vous faites et vos valeurs personnelles.
Aussi, je crois que pour travailler en droit carcéral il faut faire preuve d’empathie, d’écoute et d’ouverture avec notre clientèle. Ce sont les qualités essentielles pour pratiquer dans ce domaine.
Dans une publication sur LinkedIn, vous dites que le droit carcéral est en constante évolution. Pourquoi ?
A: Il n’y a pas nécessairement plus d’avocats dans le domaine. Par contre, on voit de plus en plus dans les médias des nouvelles qui ont rapport avec le milieu de la détention. Les gens commencent à être de plus en plus au courant de ce qui se passe dans les milieux carcéraux et les violations des droits des détenus.
C’est sûr que ça pourrait évoluer un peu plus plus vite, mais en même temps, ce n’est pas facile d’apporter des changements dans le droit carcéral. C’est sûr qu’on a avancé depuis 50 ans, puisque nous ne sommes plus dans la même dynamique. Il y a un éveil dans la population qui se fait lentement, mais sûrement.
Qu’est-ce qu’on retrouve le plus comme type de dossier en droit carcéral en 2023 ?
Depuis la pandémie, il y a eu beaucoup de détenus qui devaient rester 22 heures sur 24 dans leur cellule d’isolement. Même si la covid est derrière nous, l’isolement est encore utilisé pour gérer des détenus qui ont des problèmes de santé mentale ou qui ont des comportements plus agressifs.
Ici, les droits fondamentaux ne sont pas bien respectés. C’est vraiment ce sur quoi les avocats en droit carcéral travaillent le plus en ce moment.
Dans votre cabinet Martel Savard & Associés est-ce que vous pratiquez tous en droit carcéral ?
Nous sommes trois avocates associées qui pratiquent en droit carcéral. On ne fait pas de droit criminel ou d’autres types de droit. Notre pratique est vraiment concentrée sur le droit carcéral. On a beaucoup de dossiers au pénitencier de Joliette, mais on en fait partout au Québec, que ce soit au fédéral ou au provincial.
Anonyme
il y a un anC'est quand même un détail important!