Cour d’appel : nouvelles directives sur les hospitalisations forcées
Camille Dufétel
2022-10-19 13:15:00
La Cour d’appel du Québec a en effet élargi les obligations des tribunaux et des établissements de santé de nommer dans la plupart des cas un avocat d’office, afin de protéger leurs droits et intérêts. Et selon des experts juridiques en santé mentale, il s’agirait d’un pas dans la bonne direction.
La décision oblige finalement pratiquement les juges de première instance à nommer des avocats d’office pour représenter les intérêts des personnes jugées « incapables » par le tribunal. Elle soutient également que les hôpitaux doivent veiller pour ces individus à la possibilité d'obtenir un avocat.
L’avocat montréalais Ian-Kristian Ladouceur a co-plaidé dans A.N. c. Centre universitaire intégré de santé et de services sociaux du Nord-de-l’Île-de-Montréal, 2022 QCCA 1167, une décision rendue le 1er septembre dernier.
Cité par The Lawyer’s Daily, il précise qu’il existe ainsi désormais un cadre d’analyse que les juges de première instance doivent suivre. Ils ne peuvent ainsi plus, généralement, procéder à des demandes de soin sans la présence d’un avocat nommé d’office pour ces personnes vulnérables.
« Il s’agit d’une règle d’ordre public que les juges de première instance ne peuvent contourner sauf exception qui doit être justifiée en détail dans le jugement de première instance », a-t-il ajouté.
Une femme de 79 ans avait été hospitalisée en février 2022 après avoir été jugée incapable par la juge de la Cour supérieure du Québec, Dominique Poulin. Elle n’a alors pas contesté la décision du juge selon laquelle elle était inapte à consentir aux soins.
Toutefois, selon ce qu’avance The Lawyer’s Daily, elle a soutenu que bien qu’ayant refusé avant et pendant l’audience de se faire représenter par un avocat, le juge du fond aurait dû en nommer un en vertu de l’article 90 du Code de procédure civile.
Elle a aussi soutenu que le juge de première instance n’a pas fixé de limite de temps à l’hospitalisation en cours et qu’il a formulé de manière trop large sa conclusion concernant une éventuelle réhospitalisation.
Le média précise que cette personne a obtenu partiellement gain de cause. La Cour d’appel a statué que les juges de première instance doivent s’assurer que les droits de la personne à qui des soins sont demandés peuvent être « vraiment » entendus et faire valoir leurs droits.
Les juges du fond doivent aussi veiller au respect de leurs droits en étant « proactifs » et en interrogeant notamment les témoins experts. Et en vertu de l’article 90 du Code de procédure civile, le tribunal peut, d’office, représenter un avocat s’il l’estime nécessaire pour sauvegarder les droits et intérêts d’un mineur ou d’un majeur non représenté par un tuteur, un curateur ou un mandataire et jugé incapable par le tribunal.
Selon Ian-Kristian Ladouceur, toujours cité par The Lawyer’s Daily, « s’il n’y a pas de mise en cause du travail de l’équipe médicale par un représentant légal présent pour défendre une personne en psychose, pas de contre-expertise, pas de contre-interrogatoire, on se demande si le travail d’un juge en première instance ne se réduit qu’à avaliser les demandes d’autorisation de soin qui lui sont présentées ».
Lahcène Allem, avocat montréalais qui a co-plaidé la cause, a pour sa part indiqué au média qu’il s’agissait pour lui d’une « petite révolution dans le monde juridique ». « J’aimerais penser que cette décision augmentera considérablement la représentation légale dans ce type de cas, et je commence déjà à avoir son application pratique », a-t-il ajouté.