La Cour suprême dit non à un développement immobilier

Radio -Canada
2018-07-09 13:15:00

La Cour suprême, qui avait entendu la cause en janvier, a rendu sa décision vendredi. Le juge en chef, Richard Wagner, et ses pairs ont tranché en faveur de la Ville de Lorraine et de la MRC Thérèse-De Blainville, qui contestaient un jugement de la Cour d'appel du Québec.
L'affaire remonte au 7 juillet 1989, lorsque la société 2646-8926 Québec inc. débourse 1,3 million de dollars pour acquérir un lot situé à la limite ouest de Lorraine en vue d'y réaliser un projet domiciliaire. Le terrain est à l'époque localisé dans une zone résidentielle, et ce, même s'il se situe dans la forêt du Grand Coteau, qui borde aussi les municipalités voisines de Blainville et Rosemère.
Deux ans plus tard, le 23 juin 1991, le conseil municipal adopte un règlement ayant pour effet de transposer 60 % du terrain dans une zone de conservation, où les usages autorisés se limiteront dorénavant aux activités récréatives et de loisirs.
Or, l'actionnaire principal de la société, François Pichette, n'apprendra qu'une dizaine d'années plus tard le changement de zonage, et il mettra encore plusieurs années avant d'entreprendre une action contre la Ville, en novembre 2007, exigeant d'abord et avant tout de pouvoir se soustraire au règlement.
Le délai de prescriptions de 10 ans prévu au Code civil du Québec était alors déjà échu, a tranché le juge Benoît Émery, de la Cour supérieure du Québec, en juillet 2015. Sa décision a été renversée en juin 2017 par la Cour d'appel, puis rétablie par la Cour suprême ce vendredi.
Le maire de Lorraine, Jean Comtois, est très satisfait du jugement qui préserve la forêt, « un joyau ». « Notre volonté à nous, c'était de garder cet espace en forêt, dit-il. On est très chanceux d'avoir une ville qui compte une forêt, une ville écologique, avec beaucoup de verdure. On se doit d'être écologique. »
Poursuite en dommages et intérêts
Bien qu'il soit désormais acquis que le promoteur immobilier devra se plier au nouveau zonage, le dossier n'est pas clos pour autant.
« Un demandeur qui ne satisfait plus aux conditions d’ouverture d’un pourvoi en contrôle judiciaire n’est toutefois pas pour autant privé du droit de solliciter, dans les cas qui le permettent et si la preuve étaye sa demande, le paiement d’une indemnité pour cause d’expropriation déguisée, écrit le juge Wagner. En l’espèce, le dossier pourra suivre son cours devant la Cour supérieure sur les demandes demeurées en suspens, notamment celle qui porte sur l’indemnité pour cause d’expropriation déguisée. »
Dans sa poursuite en dommages et intérêts, déposée elle aussi en novembre 2007 devant la Cour supérieure, M. Pichette réclamait 7,3 millions de dollars, prétextant que le changement de zonage n'était en fait rien de plus qu'une « expropriation déguisée » et qu'il relevait d'un « abus de pouvoir » de la Municipalité.
Le maire Jean Comtois se dit prêt à négocier avec M. Pichette, « dans l'intérêt des citoyens ». « On est ouvert à s'entendre avec ce monsieur, comme avec tous les citoyens, dans les cas litigieux », indique-t-il.
Entre-temps, diverses mesures ont été mises de l'avant par les autorités municipales pour mieux protéger la forêt du Grand Coteau. En décembre 2011, 72 % des résidents se sont prononcés par référendum pour empêcher un autre développement immobilier, dans un secteur d'un peu plus de 40 000 mètres carrés. Des terrains ont ensuite été acquis par la municipalité pour protéger la forêt, notamment grâce à une taxe spéciale et à une subvention de 500 000 $ de la Communauté métropolitaine de Montréal (CMM).
Un parcours interprétatif de 2,2 km a également été inauguré l'an dernier pour permettre aux visiteurs d'en savoir plus sur la faune et la flore de la forêt du Grand Coteau.