Le tribunal impose la garde partagée… du chien!

La Cour du Québec a dû intervenir pour trancher un litige concernant la garde provisoire du chien « Tokïo », adopté par un couple avant sa séparation.
C’est le juge Luc Thibaudeau de la Chambre civile de la Cour du Québec, district de Longueuil, qui a dû gérer, par ordonnance de sauvegarde, cette affaire inhabituelle de garde partagée dans une décision rendue le 30 octobre.
Le demandeur, Vincent Joseph Michael Roy, était représenté par Mes Kassandra Roberge et Kaila Évariste, avocates chez Fourcand Tremblay Kissel Plante.
Me Alice Popovici, du cabinet Popovici Droit familial, agissait pour le compte de la défenderesse, Roxanne Alam.
Le contexte

Les faits allégués sont résumés comme suit par le juge Thibaudeau : Mme Alam et M. Roy se rencontrent en 2014. Ils entreprennent une relation sentimentale en 2016 et célèbrent leur mariage le 16 septembre 2023. Entretemps, le 9 janvier 2022, ils signent tous deux un contrat de vente confirmant leur adoption d’un chien femelle eurasier né le 5 novembre 2021, qu’ils baptisent « Tokïo ».
Le 14 mai 2025, les parties cessent de faire vie commune. À compter de ce moment, elles se partagent la possession de Tokïo. Lorsque M. Roy veut voir l’animal, il le demande à Mme Alam.
Sauf que cette bonne entente apparente se dissipe rapidement. Le 15 juin 2025, Mme Alam refuse que M. Roy prenne possession du chien.
Incapable de s’entendre avec Mme Alam sur le partage de Tokïo, M. Roy lui fait parvenir une mise en demeure le 30 juillet 2025, où il réclame une possession partagée et alternée de l’animal, faute de quoi il entend se pourvoir en justice pour l’obtenir.
M. Roy dépose sa demande introductive d’instance le 12 septembre 2025. Sa requête vise à être déclaré copropriétaire de l'animal et, dans l'immédiat, à obtenir une possession partagée et alternée durant l’instance.
C’est cette demande que le Tribunal entend le 22 octobre 2025, précise le juge Thibaudeau dans son résumé des faits.
De son côté, Mme Alam conteste la demande. Elle soumet qu’elle achète Tokïo avant son mariage, qu’elle en est l’unique propriétaire et que M. Roy ne contribue pas à son achat, à sa possession et à son entretien dans la proportion qu’il allègue.
Apparence de droit et nécessité du statu quo

Le tribunal, qui ne pouvait pas se prononcer sur le fond du litige à ce stade, s’est concentré sur les critères d'une ordonnance de sauvegarde : l'apparence de droit, la nécessité et le maintien du statu quo.
Le juge Thibaudeau a trouvé une apparence de droit en faveur de M. Roy, notamment en se basant sur le contrat de vente initial, signé par les deux parties à titre d’acheteurs. De plus, les échanges de messages texte post-séparation, où les parties se partageaient l'entretien et la possession de Tokïo, témoignaient d'une entente tacite de copropriété ou de partage, a noté le juge.
Le tribunal a écarté l'argumentaire de Mme Alam voulant qu’elle soit la seule propriétaire, affirmant qu'une décision sur la propriété exclusive équivaudrait à trancher le fond du litige.
Les questions de contribution financière, d'enregistrement des permis ou d'allégations de chantage (de la part de M. Roy, soulevées par Mme Adam) devront aussi attendre l'audience au mérite, « si d’aventure l’instance doit suivre cette voie », a statué le juge Thibaudeau.
La relation avec l'animal ne doit pas s'éteindre

Le juge a ensuite analysé la notion de préjudice. S'appuyant sur la jurisprudence, il a conclu que maintenir la possession exclusive de Tokïo par Mme Alam pendant l’instance risquait « d'anéantir » la relation que M. Roy souhaitait conserver avec l'animal.
Priver M. Roy de ses contacts entraînerait un préjudice irréparable, tandis que l'inconvénient subi par Mme Alam à devoir partager l'animal a été jugé moindre par le tribunal.
Afin de rétablir le statu quo qui existait avant la mésentente, le juge Thibaudeau a accueilli la demande, mais en partie seulement : il a estimé qu'une garde de 72 heures à toutes les deux semaines, du vendredi au lundi, correspondait à la proportion moyenne de possession exercée par M. Roy à la suite de la séparation.
Le tribunal a du reste dit se fier « au bon sens et à la communication entre les parties pour déterminer, d’un commun accord, les modalités des échanges ».
L'ordonnance de sauvegarde a été prononcée sans frais de justice, le résultat de la demande étant mitigé, a encore précisé le juge.