Procès des hockeyeurs : la plaignante essaie de « consolider un récit », selon la défense

Radio Canada
2025-05-14 13:30:37

Au procès des cinq anciens membres d’Équipe Canada junior accusés d’agression sexuelle, la défense laisse entendre que la plaignante « invente » des parties de sa version des faits, la nuit de son agression sexuelle présumée en juin 2018, pour « consolider un récit » qu’elle « perpétue depuis sept ans », en particulier au sujet de son état d’ébriété. C’était au tour, mardi, de l’avocate de Cal Foote, l’un des accusés, de questionner la plaignante E. M. , dont l’identité est protégée par une ordonnance de non-publication.
Je vous suggère que c’est parce que vous saviez que si vous ne suiviez pas cette version d’avoir été si ivre cette nuit-là, votre comportement n’aurait pas été accepté par les autres, déclare Me Julianna Greenspan à la plaignante. Par les autres, l’avocate faisait allusion notamment à la mère et aux membres de la famille d’E. M. ainsi qu'à son copain de l’époque à qui elle est aujourd’hui fiancée.
Ce n’est pas un récit. J’étais ivre. Je buvais au bar. On l’a tous vu, répond la plaignante qui ajoute qu’elle n’avait pas d’ailleurs mangé auparavant.
C’est une autre chose que vous avez ajoutée et inventée pour consolider le fait que vous étiez ivre cette nuit-là, réplique Me Greenspan. Non. Je l’ai ajoutée parce que je veux vous donner tous les détails, affirme E. M.
Un réflexe « étrange » pour une personne sobre
À plusieurs reprises, Me Greenspan a soulevé des doutes sur l’état d’ivresse de la plaignante. L’avocate a indiqué notamment qu’il était étrange qu’après finalement avoir quitté la chambre d’hôtel dans les premières heures du 19 juin 2018, E. M. ait eu le réflexe de fouiller dans son portefeuille pour chercher sa bague.
La plaignante avait indiqué dans son témoignage qu’elle était retournée dans la chambre pour voir si elle y avait laissé le bijou. Un tel réflexe est celui d'une personne sobre, suggère Me Greenspan.
« Les personnes ivres font des choses étranges », répond E. M.
Comme l’a fait l’avocat d’Alex Formenton dans son contre-interrogatoire d’E. M. la semaine dernière, Me Greenspan a aussi laissé entendre mardi que la plaignante avait complètement, totalement évité de mentionner à la police que l’un de ses amis travaillait comme portier au bar où elle a rencontré les hockeyeurs, parce que l’homme en question n’aurait pas confirmé son état d’ivresse cette nuit-là.
Un grand écart transformé en acte sexuel
Me Greenspan a également souligné que jamais avant ce procès, E. M. n’avait mentionné que le pénis d’un homme qu’un pénis avait effleuré son visage lorsqu’un homme a fait un grand écart au-dessus d’elle, allongée par terre.
« Je crois me souvenir clairement d’avoir un pénis sur mon visage. Cela ne m’aurait pas choqué autant si (l’homme en question) portait des shorts ou un pantalon », note E. M.
L’avocate suggère que les hockeyeurs dans la pièce, voulant s’amuser, ont dit à Cal Foote — le client de Me Greenspan — de faire un grand écart, mais qu’E. M. a tenté ensuite de transformer quelque chose de drôle (...) en contact sexuel et qu’en s’en rendant compte, M. Foote s’est éloigné. Me Greenspan laisse d’ailleurs entendre que la plaignante en est arrivée à cette version pour donner plus de mordant à sa poursuite au civil en 2022.
E. M. avertie de l'arrivée des champions du monde?
Plus tôt mardi, Me Greenspan avait suggéré qu’E. M. a été mise au parfum, par son ami portier, de l’arrivée au bar de membres d’Équipe Canada junior, champions du monde en titre à l’époque. Une vidéo présentée en cour montre E. M. parler au portier avant que ce dernier ne s’éloigne. L’interruption de l’échange, a laissé entendre l’avocate, se justifiait par le fait que le portier devait aller faire le contrôle des pièces d’identité des joueurs dont l’arrivée imminente avait été signalée au bar.
Comme elle l’a déjà indiqué à quelques reprises au cours du procès, E. M. souligne qu’elle n’a su que plus tard dans la soirée que les hommes avec qui elle interagissait étaient des joueurs de hockey. Elle soutient qu’elle ne s’est jamais intéressée particulièrement au hockey, même si des membres de familles ont joué à ce sport, et qu’en juin 2018, elle travaillait dans un magasin d’équipement sportif.
Elle dit d’ailleurs qu’elle est incapable de nommer un seul joueur des Knights de London, l’équipe de hockey junior de sa ville. Et même si elle avait été au courant que l’équipe canadienne avait remporté le championnat mondial en 2018, cela lui importait peu, note-t-elle.
La plaignante a « un objectif clair », suggère la défense
Me Greenspan a aussi suggéré à la plaignante qu’elle a volontairement changé la manière dont elle fait référence aux hockeyeurs, les nommant d'abord des garçons et ensuite des hommes, parce qu'elle a un objectif clair. L'avocate a souligné à la E. M. qu’elle a spécifiquement employé les mots homme et hommes au cours du procès pour désigner les hommes qu’elle a rencontrés la nuit du viol collectif présumé en juin 2018.
Me Greenspan précise toutefois que pas une seule fois, dans ses échanges avec la police de London lorsqu’elle a porté plainte peu après cette nuit-là, elle n’a utilisé le mot homme. Vous les décriviez (à l’époque) et disiez qu’ils étaient des garçons. C'est juste?, demande Me Greenspan à E. M. Le fait que je les ai appelés "des garçons" ne change rien au fait que leur âge fait d'eux des hommes, répond la plaignante.
Non, absolument pas. Je suis plus vieille maintenant, répond E. M.
Fin du contre-interrogatoire
Me Julianna Greenspan, qui a conclu son contre-interrogatoire vers 16 h, a été la cinquième et dernière avocate de la défense à contre-interroger E. M. Elle a fait suite à Me Lisa Carnelos, l’avocate de Dillon Dubé, qui s’est livrée à cet exercice lundi. L’avocate a notamment suggéré à la plaignante qu’elle avait « provoqué » les hockeyeurs et « menacé » de quitter la chambre où elle soutient avoir été violée s’ils n’acceptaient pas ses offres de relations sexuelles.
Avant Me Carnelos, E. M. a été contre-interrogée par l’avocat d’Alex Formenton, Daniel Brown, l’avocate de Carter Hart, Megan Savard, et l’avocat de Michael McLeod, Michael Humphrey. Malgré la fin de son contre-interrogatoire, la plaignante sera de retour en cour mercredi pour des questions supplémentaires de la Couronne.
Michael McLeod, Carter Hart, Cal Foote, Dillon Dubé et Alex Formenton font face chacun à un chef d’accusation d’agression sexuelle en lien avec le viol collectif présumé de la plaignante. Michael McLeod fait aussi face à un chef d'accusation de participation à l'infraction. Ils ont tous plaidé non coupables au début du procès.
Malgré la fin de son contre-interrogatoire, la plaignante sera de retour en cour mercredi pour des questions supplémentaires de la Couronne.