Si le « oui » l’avait emporté, Jean Chrétien aurait organisé son propre référendum
Radio Canada
2025-10-31 13:30:40

Trente ans plus tard, l’ex-premier ministre du Canada, Jean Chrétien, n’en démord pas. Il n’aurait jamais reconnu le résultat du référendum sur l’indépendance du Québec en cas de victoire du « oui » en 1995.
« Je n’aurais pas eu besoin de le reconnaître », a-t-il insisté lors d’une entrevue avec le chef d’antenne de Radio-Canada, Patrice Roy. « J’aurais dit que la question n’était pas claire ». Après toutes ces années, M. Chrétien demeure convaincu que l’option souverainiste a tenté de duper les électeurs le jour du vote. Il y avait 85 mots sur la question, a-t-il répété.
« S’ils avaient posé une question honnête, ils auraient eu 22, 23 % des votes. Ils voulaient camoufler la réalité. C’est pour ça qu’ils changeaient les mots ».
Le camp du non l’a finalement emporté par moins de 55 000 voix. Qu’aurait-il fait si le résultat avait été différent? J’avais des options, a-t-il laissé entendre.
« Le lendemain, on aurait pu faire nous-mêmes un référendum, avec une question claire et nette. Voulez-vous vous séparer du Canada? »
Et entre-temps? « Je ne négocie pas. Je veux avoir une réponse claire. »
En 2000, le Parlement canadien a adopté, sous l’égide de Jean Chrétien, la Loi sur la clarté référendaire, qui donne entre autres le pouvoir à Ottawa de déterminer si une question référendaire est suffisamment claire.
J’espère que le chef du Parti québécois et la femme en Alberta (la première ministre Danielle Smith NDLR) ont lu ce bill-là, a dit Jean Chrétien à Patrice Roy.
« Personne n’aurait reconnu le Québec »
Même en cas de victoire des indépendantistes, personne dans le monde n’aurait reconnu le Québec comme pays souverain, a insisté l’ancien premier ministre.
« Regardez du côté de la Catalogne. Ils ont voté pour l’indépendance. Personne ne les a reconnus. Il y a même des dirigeants qui ont fini en prison ».
M. Chrétien fait ici référence à la Déclaration d’indépendance de la Catalogne, signée en octobre 2017 au terme d’un référendum tenu le même mois. Après la signature de cette Déclaration, le gouvernement espagnol a accusé les têtes dirigeantes du mouvement indépendantiste catalan, dont son chef de file Carles Puigdemont, de rébellion, de sédition et de malversation.
Il s’est dit attristé à l’idée qu’un éventuel gouvernement du Parti québécois dirigé par Paul St-Pierre Plamondon déclencherait un processus référendaire dès son premier mandat. « Ça me fait de la peine, parce que moi, j’ai vécu ça. Ça brise des familles. C’est très difficile. Quand on joue avec l’identité, en politique, c’est dangereux ». De toute façon, insiste Jean Chrétien, les gens n’en veulent pas, de référendum, a-t-il répété.
Les sondages le montrent clairement : les Québécois sont beaucoup plus attachés au Canada, surtout depuis (la réélection) de Donald Trump. Et si le chef du PQ décide d’y aller malgré tout? Ça va lui nuire, a estimé M. Chrétien.
St-Pierre Plamondon réplique
Ces propos de Jean Chrétien, qui ont également été rapportés dans le quotidien La Presse jeudi matin, ont fait réagir le chef du PQ.
« L'œuvre de Jean Chrétien, il nous le dit de manière très, très explicite, c'est le mensonge, le subterfuge et la répression. Il ne s'en cache même pas, a dit Paul St-Pierre Plamondon, ajoutant que l’ex-premier ministre canadien avait mis en place une séquence de répression de la volonté, puis de l'expression de la différence québécoise ».
Quant à la Loi sur la clarté référendaire, M. St-Pierre Plamondon a dit qu’elle n’avait aucune légitimité à ses yeux.
« Moi, je me rapporte à la démocratie québécoise et à ce Parlement », a-t-il dit, rappelant que l’Assemblée nationale avait adopté sa propre loi qui précise que « ce qui doit prévaloir de manière très claire, c'est la volonté démocratique des Québécois, et que tout le reste, qui vient de l'extérieur du Québec, on n'a pas à en tenir compte ».