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Attribution de noms aux médicaments sur ordonnance : relever les défis touchant la réglementation et le droit des marques

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Yue Fei, Aki Kamoshida, Pablo Tseng Et Hugo Mak

2025-09-02 11:15:01

Quelle réglementation encadre l’attribution des noms aux médicaments sur ordonnance?

Faire le choix d’une « marque nominative » de médicaments sur ordonnance au Canada n’est pas seulement une question de créativité ou d’intérêt marketing, c’est un équilibre rigoureux à trouver entre les exigences de la loi et celles de la réglementation.

Yue Fei, Aki Kamoshida, Pablo Tseng (source : McMillan) et Hugo Mak (source : LinkedIn)

D’une part, la marque nominative doit être admissible à la protection des marques; d’autre part, elle doit respecter les exigences d’approbation de Santé Canada. Ces deux normes peuvent entrer en conflit, ce qui peut complexifier le développement de marques pharmaceutiques.

Dans ce bulletin, nous présentons les principaux défis et les pratiques exemplaires d’attribution de noms aux médicaments sur ordonnance au Canada et nous donnons des conseils sur les stratégies de marque internationales à mettre en œuvre.

Approbation de marques nominatives par Santé Canada

Si vous souhaitez faire approuver un nouveau médicament sur ordonnance au Canada, vous devez soumettre la marque nominative proposée à Santé Canada aux termes de la procédure d’approbation de médicaments. Santé Canada l’examine ensuite dans le cadre de son évaluation globale; il ne s’agit pas d’une étape distincte ou facultative.

Avant de soumettre la marque nominative proposée, vous devrez évaluer si elle pourrait être confondue avec d’autres produits de santé dont l’utilisation est autorisée au Canada. Cette évaluation doit s’attacher à déterminer si les noms présentent des similitudes orthographiques ou phonétiques.

La procédure d’examen des marques nominatives s’effectue en deux étapes :

Examen initial de la marque nominative par le demandeur : Vous évaluez la marque nominative proposée à l’aide des critères de Santé Canada afin de déterminer si le nom proposé pourrait être trompeur. Le cas échéant, vous effectuez également une évaluation des noms « à présentation et à consonance semblables » (PCS) pour déterminer si la marque nominative proposée risque d’être confondue avec un produit de santé sur le marché dont l’utilisation est autorisée au Canada.

Examen par Santé Canada : Après avoir transmis à Santé Canada un rapport résumant les résultats de la première étape, Santé Canada l’examinera, recherchera le nom proposé dans ses bases de données et pourra demander des renseignements supplémentaires avant d’approuver le nom.

Voici des motifs de rejet couramment invoqués par Santé Canada :

Le nom proposé est trop proche de la marque nominative d’un autre médicament autorisé.

Le nom proposé suggère de façon trompeuse que le produit possède des propriétés thérapeutiques.

Le nom proposé est en contradiction avec des dénominations communes internationales (DCI).

Une fois que la marque nominative est approuvée, elle doit être affichée conformément à la ligne directrice de Santé Canada sur l’étiquetage des médicaments pharmaceutiques destinés à l’usage des humains. Elle doit notamment apparaître de manière claire, uniforme et sans altérations sur toutes les étiquettes des produits. Toute modification apportée à la marque nominative approuvée devra être approuvée de nouveau par Santé Canada.

Disponibilité des marques

Comme pour toute marque de commerce, il convient d’effectuer une recherche d’antériorité sur la marque nominative proposée d’un médicament sur ordonnance. Elle s’avère utile pour évaluer si la marque nominative proposée est « distinctive » et ne prête pas à confusion avec une marque déjà utilisée ou enregistrée par une autre personne en lien avec des produits et services identiques ou similaires.

Si la marque nominative proposée n’est pas suffisamment distinctive ou prête à confusion avec une autre marque, il se peut qu’elle ne puisse pas être enregistrée ou utilisée comme marque de commerce au Canada.

Il faut souligner que même les marques nominatives approuvées par Santé Canada peuvent être contestées en vertu de la législation canadienne sur les marques. Par exemple, dans l’affaire Novartis AG v. Biogen Inc., Novartis alléguait que l’utilisation par les intimés de la marque BYOOVIZ pour un médicament ophtalmologique portait atteinte aux droits de Novartis sur sa marque BEOVU, qu’elle avait enregistrée auparavant. Les médicaments BEOVU et BYOOVIZ ont été approuvés par Santé Canada pour le traitement de la dégénérescence maculaire humide liée à l’âge.

Novartis a plaidé que Santé Canada avait exprimé des inquiétudes quant à la similitude entre ces deux médicaments, bien que le ministère ait finalement approuvé BYOOVIZ. La Cour fédérale a néanmoins estimé que les marques étaient similaires au point de prêter à confusion et que l’utilisation de BYOOVIZ par les intimés portait atteinte aux droits de Novartis. Elle a accordé une injonction permanente pour empêcher les intimés de continuer à utiliser cette marque.

Cette affaire met en évidence l’interaction entre les processus propres à la réglementation et au droit des marques dans l’attribution de noms aux médicaments et le fait que l’approbation par une autorité réglementaire ne garantit pas d’obtenir gain de cause auprès de l’autre autorité. L’approbation d’une nouvelle marque nominative par Santé Canada pourrait s’avérer une démarche coûteuse et perturbatrice sur le plan commercial.

Stratégies de recherche d’antériorité : harmoniser la mise en conformité avec les exigences de la réglementation et celles de la Loi sur les marques de commerce

Il peut être difficile de respecter à la fois les exigences du régime réglementaire de Santé Canada et celles de la Loi sur les marques de commerce, car chaque régime a un objectif différent. Il est donc important que les deux processus se déroulent en parallèle, et non l’un après l’autre. Par exemple, envisagez de faire ce qui suit :

Effectuer une recherche complète d’antériorité de marques au Canada.

Effectuer simultanément un examen par Santé Canada afin de détecter d’éventuels signaux d’alerte liés à la réglementation.

Déposer plusieurs noms proposés en vue de l’enregistrement d’une marque et disposer d’options de rechange.

Déposer des demandes de marques de commerce avant de solliciter l’approbation de Santé Canada.

Adopter une stratégie de dépôt préventif afin de protéger les options non utilisées sur les marchés pertinents.

Stratégies supplémentaires : réfléchir au-delà des frontières du Canada

Si vous envisagez d’utiliser la même marque nominative dans différents pays ou territoires, il est important d’effectuer une planification adéquate. La législation sur les marques et la réglementation relative à l’attribution de noms aux médicaments sur ordonnance varient d’un territoire à l’autre.

Dans les pays ou territoires où ni le français ni l’anglais ne sont la langue principale, vous devriez également tenir compte des questions juridiques ou de marketing en rapport avec la traduction ou la translittération de la marque nominative proposée. Par exemple, il est possible que dans un contexte linguistique ou culturel local, une marque nominative proposée ait des connotations négatives.

Idéalement, vos stratégies touchant le marketing, la réglementation et le droit des marques doivent être coordonnées dans tous les pays et territoires où vous envisagez d’exercer vos activités.

Conclusion

L’interaction entre le droit des marques et la réglementation des médicaments crée des défis uniques pour les sociétés pharmaceutiques qui veulent assurer la protection de marques nominatives de médicaments sur ordonnance.

Il est essentiel d’entamer les démarches tôt et d’harmoniser les stratégies touchant la législation et la réglementation afin de réduire le risque de devoir assumer des coûts élevés de refonte de marque à la suite d’un rejet. Si vous souhaitez exercer votre activité à l’extérieur du Canada, il est préférable d’adopter une stratégie internationale coordonnée de recherche d’antériorité et de dépôt.

À propos des auteurs

Yue Fei est membre du groupe droit des affaires du cabinet McMillan.

Aki Kamoshida est membre du groupe Propriété intellectuelle chez McMillan.

Pablo Tseng est un avocat chevronné dans le domaine de la propriété intellectuelle chez McMillan.

Hugo Mak a été étudiant en droit chez McMillan.

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