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État du système judiciaire : Les procureurs croulent, le système s'écroule

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Guillaume Michaud

2025-10-22 11:15:35

Le président de l'Association des procureurs aux poursuites criminelles et pénale dénonce le sous-financement du système de justice québécois…

Guillaume Michaud - source : Radio-Canada


François Legault
mentionnait hier, lors de son discours inaugural, vouloir « déposer des mesures de lutte contre la criminalité » et espérait que « la justice soit sévère et que la répression soit au rendez-vous ».

Mais d’abord, Monsieur le Premier Ministre, laissez-nous vous présenter l’état pitoyable dans lequel vous avez placé notre système de justice en le sous-finançant. Le système est présentement porté à bout de bras par des procureurs épuisés, découragés, et trop souvent ignorés.

Dans les dernières semaines, plus d’une cinquantaine de procureurs qui géraient plusieurs milliers de dossiers ont vu leur poste être supprimé par votre gouvernement. Au surplus, des dizaines de procureurs occasionnels, essentiels au bon fonctionnement du bureau du directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP), attendent actuellement dans l’angoisse de savoir s’ils seront renouvelés.

Pendant ce temps, ils travaillent trop souvent bénévolement et accumulent des heures non payées, espérant que leur dévouement suffira à les garder en poste.

Tout ceci sans compter les postes permanents qui ne sont pas remplacés et les coupes dans le matériel et les déplacements qui sont si importantes que plus personne n’en parle. Pourtant, elles affectent directement la capacité des procureurs à exercer leurs fonctions, celle de protéger les citoyens. Le citron n’a pas été pressé, il a été broyé.

Et les impacts directs de ces coupures sur la population? Des dossiers qui doivent être abandonnés ou tout simplement pas autorisés, des peines qui sont significativement réduites, des victimes qui attendent des mois avant d’être rencontrées, bref, une bénédiction pour les criminels!

La confiance du public envers le système de justice est déjà grandement ébranlée, et ce n’est pas aux procureurs à porter ce fardeau et les impacts de ces décisions qui ne sont pas les leurs.

Rappelons qu’en mai 2023, une enquête révélait que 73 % des procureurs vivaient de la détresse psychologique, 36% avaient des symptômes dépressifs, 19% des idées suicidaires et 62% vivaient ou étaient à risque d’épuisement professionnel. Ce ne sont certainement pas les nombreuses coupures actuelles qui amélioreront la situation.

Sachant que le maximum d’efforts a déjà été largement déployé par les procureurs, il ne reste que deux options pour stopper cette hémorragie insensée. La première, investir dans le nombre de ressources nécessaires pour répondre adéquatement à la demande. La deuxième, invraisemblable, mais malheureusement nécessaire afin d’éviter un bris de service total, donner aux procureurs de nouvelles orientations relativement à la conduite de leurs dossiers.

  • Quelles infractions devons-nous prioriser?
  • Quels crimes devons-nous ne plus poursuivre?
  • Quels dossiers doivent être immédiatement retirés ?
  • Quels services ne peuvent plus être offerts aux victimes, aux témoins et à la population en général?
  • Quels partenaires nous ne pouvons plus assister?

La CAQ ose intituler son congrès national « protéger notre monde », mais sans les moyens, ce ne sont que des mots creux, qui masquent une réalité alarmante. Force est d’admettre que le système de justice québécois est en péril.

Alors, Monsieur le Premier Ministre, à qui profite réellement une Couronne affaiblie?

À propos de l’auteur

Guillaume Michaud est le président de l'Association des procureurs aux poursuites criminelles et pénales. Il détient une maîtrise en droit criminel et un baccalauréat en droit de l’Université Laval.

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