Le bateau disparaît : la réclamation coule!
Mathieu Boily
2023-02-17 11:15:00
C’est la question à laquelle ont répondu la Cour du Québec et la Cour d’appel dans l’affaire Christian Desmeules Beaumont c. Société d’assurance Beneva inc. (2023 QCCA 50 (2021 QCCQ 7298). Un assuré (« l’assuré ») réclamait un montant de 38 303 $ à son assureur qui refusait de l’indemniser pour la perte d’un bateau résultant d’un stratagème frauduleux.
L’assuré était propriétaire d’un bateau de plaisance de marque « Runabout Triumph ». Au printemps 2019, il s’est entendu sur les termes d’une vente avec un acheteur moyennant un prix de 23 000 $. Dans les heures précédant l’échange, l’acheteur l’a informé qu’il avait mandaté un transporteur de confiance afin de venir récupérer l’embarcation et en payer le prix convenu.
Quelques jours plus tard, la situation tourne au vinaigre lorsque la banque auprès de laquelle l’assuré avait déposé l’argent l’informe que le montant serait déduit de son compte, la traite bancaire lui ayant été remise s’étant révélée contrefaite. L’assuré a donc présenté une réclamation à son assureur, lequel a nié couverture.
Décision de première instance
Il s’agissait donc de déterminer si la perte subie par l’assuré était couverte par le contrat d’assurance.
La Cour a procédé à l’analyse de la police d’assurance qui couvrait « tous les risques pouvant directement atteindre les biens assurés, sous réserve des exclusions et limitations du présent contrat. » Elle devait déterminer si dans ces circonstances, la perte du bateau pouvait être considérée comme une atteinte directe aux biens couverts par ladite police.
Pour ce faire, la Cour distingue la notion de vol et de fraude en appliquant les principes établis par la Cour d’Appel dans Commerce & Industry Insurance Co. of Canada c. Giovanni Management Ltd. En effet, la différence entre ces deux notions réside dans la volonté de la victime de se départir du bien. Dans le cas d’un vol, la victime n’aura pas remis volontairement le bien, contrairement à la fraude.
Or, la situation ici s’apparentait davantage à une fraude puisque l’assuré avait volontairement remis le bateau à l’acheteur en échange d’une somme d’argent. Certes, le bateau avait été obtenu de manière malhonnête, mais il n’en demeure pas moins que sa remise avait été faite de façon volontaire et qu’aucune réserve de propriété jusqu’au parfait paiement n’était prévue à la vente.
Par conséquent, la perte de l’assuré ne visait pas directement le bateau, mais bien la somme d’argent qui lui avait été remise. Ainsi, la Cour conclut que l’assureur était justifié de nier couverture au motif que la perte ne visait pas directement le bien assuré.
Décision de la Cour d’appel
Dans un bref arrêt, la Cour d’appel a rappelé que la décision de principe en la matière était effectivement celui de Commerce & Industry Insurance Co. of Canada c. Giovanni Management Ltd. citée par le tribunal d’instance. Elle fut d’avis que l’assuré n’avait pas réussi à démontrer que sa situation se distinguait de celle dont la Cour était saisie dans l’arrêt précité.
En effet, selon la Cour d’appel, bien que cette décision ait été rendue en 1985, la logique sous-jacente qui en découle demeure valable et régit toujours l’interprétation de la police d’assurance en cause. La Cour d’appel a donc confirmé la décision de la Cour du Québec qui avait rejeté l’action de l’assuré.
Me Mathieu Boily est avocat plaidant au sein du groupe de droit des assurances du cabinet Robinson Sheppard Shapiro. Sa pratique se concentre sur les secteurs de la construction, et de la responsabilité civile et du fabricant.
Avant de se joindre à RSS, il faisait partie du contentieux d’un assureur québécois, où il a traité de nombreux dossiers liés à ses secteurs de pratique, notamment en subrogation.