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Québec modernise son cadre réglementaire sur l’électricité

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Collectif D’auteurs

2024-07-15 11:15:27

Mathieu LeBlanc, Louis-Nicolas Boulanger, Elena Drouin et Jacob Stone font partie des auteurs de cet article. Sources: LinkedIn et McCarthy
Mathieu LeBlanc, Louis-Nicolas Boulanger, Elena Drouin et Jacob Stone font partie des auteurs de cet article. Sources: LinkedIn et McCarthy
Focus sur le dépôt du Projet de loi 69 en matière de transition énergétique…

Le ministre de l’Économie, de l’Innovation et de l’Énergie du Québec, Pierre Fitzgibbon, a déposé le 6 juin 2024 le projet de loi très attendu visant à fournir à la province les outils et les moyens nécessaires pour réaliser sa transition énergétique.

Intitulé « Loi assurant la gouvernance responsable des ressources énergétiques et modifiant diverses dispositions législatives » (« Projet de loi 69 »), ce projet de loi vise essentiellement à accélérer la production d’énergie verte dans la province et à lui permettre de devenir la première juridiction en Amérique du Nord à atteindre la carboneutralité.

Bien que l’électricité semble être au cœur du Projet de loi 69, certains changements qu’il prévoit visent également le gaz naturel et d’autres secteurs de la filière énergétique du Québec.

Le Québec doit doubler sa production d’énergie pour soutenir des initiatives qui lui permettront d’atteindre ses objectifs en matière de changements climatiques selon ses plans et stratégies actuels. Entre autres changements proposées, le Projet de loi 69 prévoit : (i) une réforme importante du modèle de gouvernance de l’énergie; (ii) de nouvelles règles en matière de distribution d’électricité; (iii) une plus grande flexibilité pour Hydro-Québec pour entreprendre des projets énergétiques; (iv) des modifications à la structure de la Régie de l’énergie (la « Régie »), et à ses pouvoirs en matière de fixation des frais.

1) Gouvernance et planification de l’énergie

Le Projet de loi 69 cherche à modifier le cadre de gouvernance de l’énergie au Québec en augmentant le degré d’intervention du gouvernement, qui sera responsable de développer une vision à long terme de la production d’énergie.

Le Projet de loi 69 confère au ministère de l’Économie, de l’Innovation et de l’Énergie du Québec (le « ministre de l’Énergie ») un rôle central dans la filière énergétique, élargissant sa mission en y incluant la responsabilité de la gestion intégrée des ressources énergétiques de la province, conformément aux principes de transition énergétique et de développement durable.

Le Projet de loi 69 intègre et précise les dispositions du Projet de loi 2, adopté en 2023, qui accordait au ministre de l’Énergie le pouvoir d’autoriser tout contrat d’approvisionnement en électricité pour des demandes d’approvisionnement de 5 MW et plus. Ce pouvoir est maintenu par le Projet de loi 69.

Toutefois, des éléments supplémentaires sont prévus, à savoir :

Exigences techniques: Hydro-Québec serait tenue de fournir un avis concernant ses capacités techniques pour effectuer un raccordement, et le ministre de l’Énergie serait tenu de rejeter une demande s’il est d’avis qu’Hydro-Québec n’a pas les capacités techniques nécessaires pour le faire.

Critères économiques, sociaux et environnementaux : La décision du ministre de l’Énergie continuerait de reposer sur son évaluation des retombées économiques et des impacts sociaux et environnementaux résultant de l’usage de l’électricité, mais le Projet de loi 69 prévoit que cette autorisation pourrait être subordonnée à des exigences supplémentaires à la discrétion du ministre, découlant de ces critères.

Le ministre de l’Énergie serait maintenant tenu d’établir, tous les six ans sur une période de 25 ans, un plan de gestion intégrée des ressources énergétiques conforme aux orientations gouvernementales en matière de développement économique et aux principes et objectifs énoncés dans la « politique-cadre sur les changements climatiques » prévue par la Loi sur la qualité de l’environnement (Québec).

Ce plan servirait également de fondement pour l’élaboration de lignes directrices et d’orientations pour l’évaluation de la situation énergétique de la province et de la demande pour chaque source d’énergie. Le ministre Fitzgibbon entend présenter la première version du plan en 2026, à la suite de consultations publiques. Le ministre de l’Énergie serait chargé de la mise en œuvre du plan.

Les responsabilités actuelles des ministères de l’Environnement et des Ressources naturelles du Québec en matière d’énergie seraient officiellement attribuées au ministre de l’Énergie. D’autres changements prévus au Projet de loi 69 visent à mettre à jour la structure et les activités d’Hydro-Québec.

La société d’État serait maintenant chargée d’assurer un approvisionnement suffisant, sécuritaire, fiable et au meilleur coût pour répondre aux besoins des marchés québécois et aux objectifs fixés par le plan de gestion intégrée des ressources.

Hydro-Québec serait en outre tenue de poursuivre sa mission édictée par sa loi constitutive en vue de maximiser les avantages économiques, sociaux et environnementaux. Le sous-ministre de l’Énergie aurait également un siège au conseil d’administration d’Hydro-Québec.

2) Règles relatives à la distribution de l’électricité Suivant le cadre réglementaire en vigueur, seule Hydro-Québec, et un nombre limité d’entités municipales et privées bénéficiant de droits acquis, sont autorisées à vendre et à distribuer de l’électricité à des consommateurs.

Comme le rapportaient les médias, le Projet de loi 69 prévoit créer une exception au monopole d’Hydro-Québec sur la distribution d’électricité en autorisant des producteurs privés d’électricité de source renouvelable à vendre et à distribuer de l’électricité à un seul consommateur privé, pour les besoins de ses installations, sous réserve de l’obtention d’une autorisation du gouvernement. Conformément aux mesures en vigueur sur la vente d’électricité provenant de la biomasse, la vente et la distribution d’électricité ne seraient autorisées qu’aux clients dont l’emplacement est adjacent au site de production.

Dans sa forme actuelle, le Projet de loi 69 ne fournit pas de définitions claires pour plusieurs éléments de cette exception, tels que l’étendue de ce qui est considéré comme une « électricité de source renouvelable » ou un « emplacement adjacent ».

La portée de cette nouvelle exception devrait être clarifiée lors des débats parlementaires et des travaux en Commission. Le Projet de loi 69 supprime également de la Loi sur la Régie de l’Énergie et des autres lois toutes les mentions relatives aux réseaux privés d’électricité.

Comme le Projet de loi 69 ne prévoit pas de régime transitoire explicite, une incertitude demeure quant aux droits des réseaux privés existants, et à l’intention du législateur d’inclure ces réseaux dans l’une des exceptions concernant l’autoproduction ou la distribution à un consommateur unique situé sur un emplacement adjacent, dont il a été question ci-haut.

3) Une approche plus souple du développement de projets et de l’approvisionnement en lien avec les énergies renouvelables Certains changements prévus au Projet de loi 69 visent à conférer à Hydro-Québec une plus grande flexibilité pour entreprendre des projets énergétiques et pour conclure des contrats d’approvisionnement en électricité.

Premièrement, les processus d’appel d’offres pour l’énergie renouvelable menés par Hydro-Québec n’exigeraient plus que la Régie en approuve les modalités et conditions. Le gouvernement continuerait néanmoins d’avoir le pouvoir de contraindre la société d’État à procéder à un appel d’offres afin de s’approvisionner en électricité.

Deuxièmement, les situations où l’approbation de la Régie est requise pour autoriser Hydro-Québec à conclure des contrats d’approvisionnement en électricité seraient restreintes.

Des règlements continueraient de régir les situations pour lesquelles l’autorisation de la Régie serait requise, mais le Projet de loi 69 introduit de nouvelles exemptions : à la suite d’un appel d’offres concernant des énergies renouvelables; en situation d’urgence; pour les ententes à court terme (d’une durée d’au plus 3 mois); ou lorsque le gouvernement du Québec l’autorise.

En outre, plusieurs amendements visent à faciliter et à élargir les possibilités de développement de petits barrages hydroélectriques. Moins d’approbations gouvernementales seraient requises pour être autorisé à utiliser les forces hydrauliques ou pour obtenir des baux, tandis que la puissance maximale des barrages hydroélectriques qui ne sont pas exploités par Hydro-Québec, présentement établie à 50 MW, serait rehaussée à 100 MW.

Comme nous l’avons indiqué dans un récent article, Hydro-Québec a annoncé son intention de participer au développement de projets éoliens d’envergure au Québec. Sa stratégie s’articulerait autour d’un modèle de partenariat avec les collectivités locales et les Premières nations dès le début d’un projet, avec la possibilité pour des promoteurs privés de se joindre à une étape ultérieure.

Par ailleurs, le Projet de loi 69 limiterait et clarifierait les restrictions existantes à la capacité d’Hydro-Québec de détenir des actions et des parts de tierces personnes.

4) Changements à la Régie de l’Énergie et aux règles d’établissement des tarifs Un autre élément important du Projet de loi 69 concerne la mise à jour de la structure de la Régie, de son rôle de surveillance des tarifs et de ses pouvoirs procéduraux. La Régie serait tenue de prendre ses décisions en considérant le plan de gestion intégrée des ressources décrit ci-dessus, et de s’y conformer.

Le mandat de la Régie serait élargi pour inclure i) une révision plus fréquente des tarifs d’électricité, ii) le pouvoir d’établir des structures tarifaires pour encourager la réduction de la consommation d’électricité en période de pointe et iii) un rôle plus clair de protection du consommateur. Le Projet de loi 69 prévoit que les titulaires d’une licence de stockage de gaz naturel seraient soumis au pouvoir sur les tarifs et à la surveillance réglementaire de la Régie.

Celle-ci serait également habilitée à autoriser certaines formes d’ententes d’approvisionnement en gaz naturel. Les tarifs pour l’électricité consommée par les véhicules électriques ne seraient plus fixés par le gouvernement, mais plutôt par la Régie, qui serait chargée de les fixer en tenant compte des conditions du marché pour des services comparables, à la demande d’Hydro-Québec.

De plus, la Régie aurait la capacité de tenir une audience publique sur toute question relevant de sa compétence (plutôt que dans certains cas spécifiques tel que le prévoit la législation actuelle).

Bien que le Projet de loi 69 prévoit des mesures visant à protéger les clients résidentiels contre les hausses de tarifs, y compris la création d’un fonds, les tarifs fixés pour les clients commerciaux et industriels seront déterminés sur la base des coûts réels de production, de transport et de distribution d’électricité. Il est prévu que des augmentations de tarifs s’appliquent à des entreprises au Québec à compter de 2026.

Prochaines étapes

Le Projet de loi 69 devrait faire l’objet de consultations publiques à l’automne et être adopté d’ici la fin de 2024. Il pourrait s’agir de l’une des réformes les plus importantes du cadre réglementaire de l’énergie de la province depuis la nationalisation de l’électricité en 1962.

À propos des auteurs

Mathieu LeBlanc est associé au sein du groupe du droit des affaires du cabinet McCarthy. Sa pratique porte principalement sur les fusions et acquisitions, les coentreprises et le droit corporatif et commercial général, avec une emphase dans le domaine de l’énergie, des infrastructures et des projets industriels.

Louis-Nicolas Boulanger est associé du groupe du droit des affaires chez McCarthy à Montréal. Reconnu pour sa connaissance du marché, il se consacre aux fusions et acquisitions, aux coentreprises, au financement de projets et aux opérations commerciales et générales des sociétés dans les secteurs de l’énergie, des mines et des infrastructures (y compris dans les domaines de l’ingénierie et de la construction).

Julia Bresse poursuit actuellement ses études au baccalauréat en droit à l’Université Laval, en vue d’obtenir son diplôme à l’automne 2024. Elle se joindra à l’équipe du bureau de Québec en tant qu’étudiante pour l’été 2024 et effectuera son stage du Barreau en 2026.

Elena Drouin est avocate au sein du groupe de droit des affaires du cabinet McCarthy à Québec. Dans le cadre de sa pratique, elle assiste les clients sur une gamme de questions réglementaires, de conformité et d’affaires gouvernementales, notamment dans les domaines de l'infrastructure, de l'énergie, de l'aménagement du territoire et des appels d'offres publics.

Jacob Stone est associé au sein du groupe de droit des affaires de McCarthy à Québec. Sa pratique est axée sur le financement de projets, les placements privés, les fusions et acquisitions et le capital de risque. Il possède une vaste expérience, notamment dans le secteur de l’énergie, de l’agroalimentaire et de la technologie.

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