Le juge Jacques R. Fournier
Le juge Jacques R. Fournier
En bisbille avec la Cour du Québec, les juges de la Cour supérieure exigent le remboursement de leurs frais d’avocats. Et réclament que le montant des sommes qui leur serait versé demeure confidentiel en vertu du secret professionnel, rapporte le Journal de Montréal.

Ces frais ont été occasionnés par un recours initié par les juges de la Cour supérieure contre Québec et Ottawa.

Ils demandent à ce que les magistrats de la Cour du Québec cessent d’entendre les causes dont la valeur dépasse 10 000 $. Les juges contestent le fait que la Cour du Québec puisse avoir une compétence « exclusive » en civil, ainsi que le seuil de 85 000 $ qui lui est attribué.

La question était de savoir si les pouvoirs attribués par le gouvernement provincial à la Cour du Québec violent la Loi constitutionnelle de 1867.

La ministre de la Justice, Stéphanie Vallée, avait demandé par renvoi à la Cour d’appel de trancher.

Mes William J. Atkinson, Sean Griffin et Véronique Roy représentent les juges
Mes William J. Atkinson, Sean Griffin et Véronique Roy représentent les juges
Les juges de la Cour supérieure, l’Honorable juge en chef Jacques R. Fournier en tête, sont représentés dans ce dossier par Me William J. Atkinson, ainsi que deux juristes de Langlois, Mes Sean Griffin et Véronique Roy.

Dans leur requête, déposée en décembre en Cour d’appel, les juges de la Cour supérieure prévoient qu’ils seront les seuls intervenants reconnus à contester ce seuil.

« Il appert qu’une majorité des avis supportant une réponse positive aux questions soulevées par le renvoi seront financés par les ministères de la Justice du Québec et du Canada alors que la position opposée est, pour le moment, financée par les juges de la Cour supérieure, personnellement », lit-on dans le document, selon le Journal.

Les juges réclament donc un remboursement rétroactif de leurs frais.

Altruisme ou abus?

Patrick Taillon, professeur de droit constitutionnel à l’Université Laval
Patrick Taillon, professeur de droit constitutionnel à l’Université Laval
Interrogé par le Journal, Patrick Taillon, professeur de droit constitutionnel à l’Université Laval, estime que cette demande, si elle est accordée, alimenterait la perception d’une justice à deux vitesses.

« D’un côté, l’une pour les plus puissants, les plus habiles et les plus favorisés (et les juges de la Cour supérieure dont le salaire est bien supérieur à celui de la moyenne des citoyens seront dans cette catégorie). Et de l’autre, une pour les citoyens “ordinaires” qui ne sont plus capables de s’offrir les services d’un avocat. »

Une affirmation qui a « renversé » le professeur de droit constitutionnel de l’Université de Montréal, Stéphane Beaulac, contacté par Droit-inc. « Je trouve que tenir ce discours en évoquant une élite qui demande un passe-droit est démagogique. La démarche des juges nommé par le gouvernement fédéral est légitime. »

Professeur de droit constitutionnel de l’Université de Montréal, Stéphane Beaulac
Professeur de droit constitutionnel de l’Université de Montréal, Stéphane Beaulac
En effet, pour M. Beaulac, le geste des magistrats de la Cour supérieure est « altruiste » et « motivé par la volonté de veiller au respect de la Constitution du Canada ».

« S’ils n’avaient pas pris cette initiative, personne ne l’aurait fait. Les juges ne veulent pas s’enrichir, juste faire respecter la loi », ajoute-t-il.