Constitution québécoise et avortement : « Il ne faut pas toucher à ça! »
Radio Canada
2025-11-25 12:00:31

Le ministre de la Justice, Simon Jolin-Barrette, fait face à une véritable levée de boucliers. Des médecins et des avocates sont inquiètes au sujet d’une clause sur le droit à l’avortement prévue dans son projet de constitution québécoise. Elles craignent que légiférer pour assurer ce droit ne mène finalement à des contestations judiciaires et affaiblissent leurs droits.
La directrice générale de la Société des obstétriciens et gynécologues du Canada, la Dre Diane Francoeur, est sans équivoque. Même si l’intention du ministre est noble, il se trompe en voulant inclure une disposition sur la liberté des femmes d’avoir recours à l’interruption volontaire de grossesse.
Celle qui travaille partout dans le monde, dont juste à côté, aux États-Unis, craint que ce qui se passe au sud de la frontière ait des répercussions au Canada.
« Il faut que n’importe qui qui va essayer de mettre son nez là-dedans, qu’on le repousse et qu’on protège ces droits acquis, affirme la Dre Francoeur. Parce que ce n’est jamais acquis pour toujours. Alors, il faut se méfier des bonnes intentions ».

« Même si la loi semble positive et qu’elle semble dire qu’elle est pour augmenter l’accès, (pour) les gens qui sont sur le terrain, qui font des avortements et qui soignent ces patientes, tant qu’il n’y a pas de loi, il n’y a personne pour la contredire ou pour essayer de l’invalider et de la changer », explique-t-elle.
Des contestations devant les tribunaux assurées
Dans son bureau de l’Université Laval, l’avocate Me Louise Langevin est également découragée.
« Ça me fâche et ça m’épuise parce que j’ai l’impression que je répète tout le temps la même chose », lâche la professeure titulaire à la Faculté de droit.
Celle qui milite depuis des années pour les droits des femmes déplore les intentions du gouvernement.
« Toute loi qui reconnaîtrait le droit à l’avortement dans ce projet de constitution est une mauvaise loi. On n’a pas besoin de loi pour reconnaître ce qui est un soin de santé! On n’a pas de loi pour reconnaître l’opération de vasectomie ou toute autre opération », explique-t-elle.
Me Langevin est convaincue que, quelques heures après l’entrée en vigueur de la constitution québécoise, prévue le 24 juin 2026, des groupes pro-vie et anti-choix vont la contester devant les tribunaux.

(Les anti-choix) font flèche de tout bois pour satisfaire certaines bases religieuses et leurs membres, ajoute-t-elle.
Le ministre veut se faire rassurant
« J’entends les craintes et je tiens à les rassurer », lance le ministre de la Justice, Simon Jolin-Barrette, en entrevue avec Radio-Canada. Il assure que la disposition qu’il souhaite inclure sur l’interruption volontaire de grossesse sera un rempart supplémentaire pour protéger le droit à l’avortement.
Le ministre se dit préoccupé par les attaques de groupes contre les droits des femmes aux États-Unis en particulier. Il affirme que même ici, au Canada, la question du droit à l’avortement est remise en question à chaque campagne électorale.
« On a de la députation à Ottawa qui est résolument pro-vie et souhaite enlever ce droit-là aux femmes (...) Et partout en Occident, les droits des femmes reculent. On attaque la liberté des femmes. On veut retirer des droits aux femmes, et moi, je n’accepte pas ça ».

Le ministre de la Justice du Québec devra se montrer convaincant lors des consultations sur le projet de loi sur la constitution québécoise qui commenceront le 4 décembre prochain. Rappelons que l'ancienne ministre responsable de la Condition féminine, Martine Biron, a renoncé à déposer un projet de loi pour protéger le droit à l'avortement, à l'automne 2024.
Après des consultations, elle a préféré se concentrer sur un plan d'action pour assurer l'accès à l'avortement. Celle qui lui a succédé, Caroline Proulx, invite les groupes concernés à prendre part à la commission parlementaire qui s'amorce dans les prochaines semaines, dans une réponse écrite à Radio-Canada. Simon Jolin-Barrette aura fort à faire pour rallier les opposants à l’inclusion de l’avortement dans la constitution québécoise.