Un doctorat honoris causa remis par l’UQAC au juge en chef de la Cour suprême
Radio Canada
2025-11-25 10:15:50

Après le groupe Voïvod et l'acteur Michel Côté, l’Université du Québec à Chicoutimi (UQAC) décerne sa plus haute distinction, un doctorat honoris causa, au juge en chef de la Cour suprême du Canada, Richard Wagner.
La cérémonie aura lieu au Théâtre C de Chicoutimi lundi à 17 h. Le doctorat honorifique célèbre des personnalités dont le parcours, l’engagement et les réalisations ont eu un impact majeur sur la société, ont enrichi le savoir ou ont inspiré les communautés.
Cette distinction s’ajoute à la médaille du Barreau de Montréal qu’il a obtenue en 2022, à la médaille de la World Jurist Association et à deux autres doctorats honoris causa, un provenant de la faculté de droit de l’Université d’Ottawa et l’autre du Barreau de l’Ontario.
De passage à Saguenay, il avoue avoir été ému en apprenant qu’il allait recevoir une première distinction du genre en provenance d’une université québécoise.
« Je me sens très privilégié d'être ici. C’est, pour moi, un privilège d'obtenir ce doctorat de l’UQAC, qui est reconnue pour ses travaux de recherche, son ouverture sur le monde et pour les étudiants qui viennent de 50 pays », confiait-il en entrevue à Place publique.
Le recteur de l’UQAC, Ghislain Samson, explique le choix du juge Wagner parce que l'UQAC se définit comme une université à taille humaine.
« Je pense que le récipiendaire de ce soir peut se qualifier de personne très humaine, près des citoyens et citoyennes », précise-t-il.
M. Samson, explique que la démarche pour remettre un doctorat honorifique peut s’étendre sur plus d’une année. Un comité à l’interne a le mandat d’étudier les propositions faites par la communauté.
« Le comité prépare un dossier. On contacte la personne qui a prévu pour valider si elle a de l'intérêt. Par la suite, on soumet le dossier de candidature à l’assemblée des gouverneurs, un genre de comité exécutif des réseaux d’universités du Québec composé de gens du socioéconomique, notamment », explique-t-il.
L’assemblée des gouverneurs déterminera, par la suite, si un doctorat honoris causa pourra être décerné ou non à la personne proposée.
Un programme en droit à venir
L’UQAC aimerait bien ajouter un programme de droit à son offre. La visite du juge Richard Wagner est la parfaite occasion pour faire avancer le dossier, croit M. Samson. Le programme pourrait être créé en entier pour l’université régionale comme il pourrait être emprunté à une constituante.
« On étudie les deux possibilités, mais on avance, confirme M. Samson. Si on pouvait emprunter, on vient gagner du temps ».
L’université régionale a obtenu l'appui de plusieurs cabinets d’avocats en plus de celui du bâtonnier du Québec. Des discussions sont en cours avec la Chambre des notaires du Québec. Le 18e juge en chef du Canada salue ce projet et confirme l’impact d’une faculté de droit sur son milieu. Il appuie la démarche en cours confirmant qu’elle sera bénéfique tant pour les étudiants que pour le milieu.
« Lorsqu’il y a création d’une faculté où on peut former les juristes, avocats et notaires, ça apporte beaucoup à la communauté dans les services accessoires », confirme-t-il. Si tout se déroule comme prévu, les premiers étudiants en droit pourraient faire leur entrée à l’UQAC d’ici trois ou quatre ans.
Juges de père en fils
Fils de Claude Wagner, regretté juge et sénateur, Richard Wagner ne cache pas l’influence de son père sur son parcours professionnel. *
« J’ai grandi dans ce milieu-là. C’est la raison pour laquelle je suis devenu avocat, probablement. J’ai adoré ma profession d'avocat, chaque minute comme plaideur. Quand je suis devenu juge, je trouvais qu’on avait besoin de faire connaître nos tribunaux aux citoyens. On comptait beaucoup sur les médias traditionnels », témoigne-t-il.
La manière de bien informer le grand public est devenue une priorité pour lui. Certes, il reconnaît certains défis au niveau de l’accès à la juste, mais il rappelle qu’on a de bonnes organisations, on a de bons tribunaux, de bonnes universités.
« C’est difficile d’apprécier quelque chose que vous ne connaissez pas… Je me suis donné comme mandat de mieux faire connaître nos décisions ». Le dernier dossier du Saguenay–Lac-Saint-Jean, qui a fait son chemin jusqu’à la Cour suprême du Canada, est celui de la prière de Jean Tremblay en 2015.
Plus de 500 dossiers soumis annuellement
Chaque année, entre 500 et 600 demandes d’appel sont formulées à la Cour suprême du Canada. De ce nombre, environ, 30 % sont faites par des personnes qui se représentent seules.
« On va choisir les dossiers qui impliquent des questions d’intérêt public. On n'est pas une cour de correction. C’est la Cour d'appel du Québec qui fait ce travail-là. C'est la raison pour laquelle il y a très peu de dossiers qui viennent du Québec et de chaque province, d’ailleurs ».
Alors que les limites de la justice sont testées aux États-Unis, le juge rappelle que le phénomène pourrait se répéter ici et ailleurs sur la planète. Il tient à se faire rassurant, il ne faut pas être alarmiste alors que le Canada détient des actifs extraordinaires sur lesquels on peut bâtir.
« Il n’y a aucune société démocratique qui est immunisée. Cependant, au Canada, on a une forte démocratie, on a de bonnes institutions. On a une bonne magistrature, je pense, bien formée, bien entraînée, soumise à des règles d’éthique. C’est la raison pour laquelle on peut combattre la désinformation », plaide-t-il.
Il qualifie la situation actuelle chez nos voisins du Sud de catastrophique.
Il s'agit, selon Wagner, d’une responsabilité commune et partagée.
« On peut contester et ne pas être d'accord avec des décisions judiciaires, mais on ne peut pas attaquer la personnalité du juge ou le système tel quel. Ça risque de nuire à l’intégrité du système dans l’esprit des gens. D’ailleurs, les juges ne rendent pas des décisions pour être populaires, ça, c’est les politiciens », soutient-il.
Cohabiter avec l’arrêt Jordan
La position du juge Wagner est claire : ce n’est pas l’arrêt Jordan qui est problématique, mais les longs délais qui permettent l’application de cette disposition.
« Un arrêt de procédure, c’est un arrêt de trop, ça ne devait pas arriver », résume-t-il. Le juge est d’avis que les élus doivent donner les effectifs nécessaires aux juges pour rendre de bonnes décisions dans un délai raisonnable ainsi que le financement requis. Il ajoute la collaboration des procureurs et des juges.
« À ce moment-ci, ça demande un effort collectif. Il faut s’adapter à Jordan et pas l’inverse », dit-il. Le juge cite en exemple les procès qui étaient, parfois, fixés cinq ans après les faits. Une démarche qui n’est pas acceptable tant pour les accusés que les victimes.
À l’époque, Richard Wagner était l’une des voix dissidentes face à l’arrêt Jordan.
« C’est le droit maintenant. Il faut l’accepter. Il faut s'accommoder. Donc ça demande à tous les gens impliqués dans le milieu de faire les efforts nécessaires pour que les procès se tiennent dans un délai raisonnable », résume-t-il.